L’écho des Cantons

Faire du Garou

Il fait pitié, le golden boy de Sherbrooke. Avec son plus récent disque Gentleman cambrioleur, le sympathique Garou propose une galette de reprises de trop. Depuis sa sortie, la critique québécoise se fait un devoir de le sermonner, un peu comme s'il était un enfant qui avait dépensé tout son argent du dîner sur des cochonneries au dépanneur du coin. Vilain Garou!

L'interprète se démène tel un diable dans l'eau bénite pour justifier la lucrative entreprise, mais comment voulez-vous croire au mérite artistique d'un album qui accole du Dutronc à du Madonna, du Aznavour à du U2 et du Leonard Cohen à du Joe Dassin? L'amateur de chanson française que je suis ne tolère pas cette bouillabaisse au goût de poisson pas frais.

Garou dit avoir longuement réfléchi au choix et à l'ordre des chansons, mais je le soupçonne d'avoir utilisé l'option Random de son iPod… Je l'ai entendu affirmer qu'il avait travaillé sur sa voix pour faire ce disque, mais n'est-ce pas l'absence de finesse vocale qui constitue la marque de commerce du tombeur de ces dames?

À mon avis, le seul mérite de cet enregistrement de covers est que le chanteur se reconnecte à son passé, à cette époque où il chantait avec brio de bons vieux standards dans les bars de Sherbrooke et de Magog. Dans le fond, il a toujours fait de la reprise, ce cher Garou. Je me rappelle qu'il y avait une ambiance incroyable lors de ces soirées. On aurait aimé en garder un bon souvenir.

Mais n'en rajoutons pas davantage. De toute façon, cet album est conçu pour un autre marché que celui du Québec. Ce n'est pas la reprise d'une chanson d'Ariane Moffatt qui va nous leurrer (la très appropriée Je veux tout est interprétée au premier degré sur Gentleman cambrioleur)! C'est un disque destiné aux Européens et ça s'entend.

Voilà qui est très logique, car Garou a malheureusement toujours misé sur la quantité au détriment de la qualité. D'ailleurs, je propose une nouvelle expression, soit «faire du Garou». La signification: agir en voulant plaire au plus grand nombre. Surveillez ça dans le Larousse de 2010…

Voici quelques exemples d'utilisation de l'expression:

– Jusqu'à tout récemment, Tiger Woods faisait du Garou;

– Michael Ignatieff prouve que faire du Garou en politique donne rarement les résultats escomptés;

– Matthieu Petit devrait faire du Garou en écrivant des chroniques dans lesquelles il est fin avec tout le monde.

Ne vous inquiétez pas de ce dernier exemple; il est fictif.

Le Garou en nous

Oui. Il a du succès et le cash lui sort par les pores de la peau, mais je suis d'avis qu'il ne faut pas prendre Garou en exemple. Pour un artiste, faire du Garou, c'est malheureusement nuire à la pérennité de son ouvre.

Or, à petite échelle, on fait tous du Garou à certains moments de notre vie. Vouloir plaire, c'est dans la nature humaine. Il est en nous, ce Garou, mais il faut le combattre.

Pour ma part, je sais qu'il est là, qu'il me tenaille, mais je réussis habituellement à castrer mon Garou intérieur. Je le tiens en laisse et le dresse du mieux que je peux à l'aide d'un code d'éthique plus ou moins précis. J'y vais à l'instinct.

Si un jour le Garou en moi s'échappait, appelez la police. Il a la rage.