L'autre soir, je me suis retrouvé à assister à un événement aux côtés de Cynthia Dubé, journaliste vouée aux pages culturelles du Journal de Sherbrooke. Elle est sympa, Cynthia. En fait, j'apprécie tous mes homologues des autres médias régionaux que je croise à l'occasion, lors des conférences de presse ou des avant-premières médiatiques. Lorsque j'ai commencé mon job de rédac' chef de Voir Estrie, ils m'ont snobé un peu, mais c'était de bonne guerre. Maintenant, c'est moi qui snobe les nouveaux venus en guise d'initiation. Apprendre à la dure, il n'y a que ça.
Revenons à Cynthia. On jase un peu du boulot et je lui fais remarquer qu'elle désigne les autres médias de l'Estrie comme étant «la compétition». Est-ce moi qui suis trop plein d'amour et de naïveté pour ne pas les considérer de la sorte? Je suis d'avis qu'ici, chaque média se distingue par son mandat et ses paramètres. Ainsi, selon ma vision rédactionnelle, il n'y a présentement pas de réelle compétition en Estrie, du moins pour les médias écrits, que je considère complémentaires.
Je dois tout de même avouer que je consulte régulièrement ce que font les autres journaux de leur section culturelle. Il me semble que je ne ferais pas bien mon boulot si ce n'était pas le cas. C'est inspirant lorsque les autres font de bons coups; on veut ensuite en faire tout autant. Par exemple, il arrive qu'Amélie Boissonneau de La Nouvelle me fasse connaître un artiste intéressant de la relève sherbrookoise. De plus, j'adore la chronique Séance d'orthographe de Steve Bergeron et je m'ennuie de celle de Laura Martin dans les pages du quotidien La Tribune (auquel je souhaite un bon 100e anniversaire au passage).
Toutefois, personne n'est à l'abri des mauvais coups (je m'y adonne à l'occasion). Une convergence trop évidente et grossière peut hautement m'agacer, tout comme les nouvelles qui relèvent du potinage, mais en même temps, je passe outre, car comme je l'écrivais plus tôt, chaque média est différent. Tant mieux si certains ne font pas les choses à mon goût.
Reste que depuis quelques mois, il y a un nouveau type d'article dans La Tribune sur lequel je me questionne beaucoup et qui témoigne d'une tendance plus générale (c'est pourquoi je me permets d'aborder le délicat sujet). Je vous laisse juger si c'est un bon ou un mauvais coup. Il s'agit des critiques de livres et de spectacles de danse que font certains lecteurs. Ces écrits qui se retrouvent dans le journal ne sont pas des commentaires en réaction à un article; ce sont des articles en soi. Ainsi, des lecteurs donnent leur avis via le média, et ce, sans «filtre», sans intervention journalistique ou contrepoids critique. De cette façon, des maisons d'édition pourraient se vanter d'offrir des livres ayant obtenu quatre étoiles, et des compagnies de danse d'avoir donné «la performance de l'année», tout cela selon les pages de La Tribune, si c'est l'opinion d'un de ses «lecteurs-journalistes». Malaise.
Cela me fait penser à la promotion entourant certains films n'ayant pas obtenu de bonnes critiques, qui utilise différents commentaires d'internautes pour compenser. Un exemple: «Pour toujours les Canadiens est le meilleur film québécois de la décennie», selon Lison de Brossard. Si la critique ne fait pas l'affaire, c'est comme s'il y avait toujours moyen de s'arranger… Voyez-vous le joyeux dérapage que cela peut entraîner? À mon avis, on se trouve déjà sur la bande d'accotement.
Évidemment, le point de vue du lecteur compte. D'ailleurs, sur le site de Voir Estrie, je consulte à l'occasion des blogues de membres que je trouve intéressants. Quant aux «lecteurs-journalistes» de La Tribune, leur opinion est également fort valable. Il n'en demeure pas moins que la critique d'un lecteur, qu'il soit un néophyte ou un spécialiste, ne devrait pas éclipser celle d'un journaliste, à qui la crédibilité du média est imputable.
On peut être d'accord ou non avec le point de vue critique des journalistes pour ensuite les aimer ou (aimer) les détester, mais cette dichotomie ne peut pas concerner les lecteurs qui, de par leur statut, ont toujours raison.
Vous touchez à tout un débat ici, mais avant de m’y jeter plume la première, je tiens à dire que j’aime beaucoup votre attitude non compétitive, mais complémentaire entre les journaux, c’est tout à votre honneur. Ce qui me fait dire que vous avez confiance en votre « produit ». Je crois à ce comportement qui ne peut que servir la culture et donc, nous.
Ceci dit, je suis assez surprise de votre opinion sur qui vous appelez les « journalistes-lecteurs ». Les « journalistes lecteurs » sont maintenant partout, et leur présence a un ascendant sur les arts, et je vais parler pour une paroisse que je connais, les lettres (dans le sens large bien sûr, même si j’habite Eastman !!). Il y a autant de sortes de blogues, ou carnet littéraire, qu’il y a de personnes, et ceci est très stimulant. C’est d’ailleurs le Voir qui a été un précurseur en laissant les lecteurs s’exprimer et ensuite en mettant à leur disposition des blogues à l’intérieur du journal. Le mien, par exemple existe depuis 2005. – Dans le Voir -, c’est d’ailleurs ce qui m’a donné le goût de partir le mien Le Passe-Mot. J’ose dire que j’ai maintenant pas seulement une tribune, mais des lecteurs assidus, et aussi une crédibilité. Je suis pourtant une « journaliste-lectrice », libre de mon opinion, non attachée à aucun journal ou maisons d’édition.
C’est simplement de cela qu’il est question à la Tribune. Vous n’oubliez quand même pas que le Voir publie aussi des lecteurs-journalistes. Prenez mon cas par exemple, des extraits ou mon opinion au complet de lectrices a été publié dans vos pages (la premère), ou celles du Voir d’une autre région. Ce que vous pointez du doigt se fait au Voir depuis longue date. C’est même le Voir qui a parti le bal.
Personnellement, je fais confiance aux lecteurs qui lisent les « lecteurs-journaliste » qui, autant ils savent faire la distinction entre un journaliste qui a lui aussi ses humeurs, ses goûts, son vécu, son éducation, sa vision quoi, même chose pour le lecteur-journaliste. Si vous trouvez que la différence est une plus grande exclamation, sans la fameuse nuance, ne vous en faites pas trop, le lecteur ne va pas nécessairement le prendre comme du tout cuit. Savez-vous pourquoi ? Parce que tout le monde s’exprime maintenant ! Nous avez juste à penser à tout article très sérieux de journalistes très sérieux de Radio-Canada, on trouve des commentaires intempestifs et sans nuance.
Une autre ère, monsieur Petit.