«Matthieu, vas-tu parler de la montréalisation des ondes de notre belle région cette semaine?»
Euh… je ne sais pas. Il est vrai que le sujet mérite qu'on en débatte amplement, car la semaine dernière, on apprenait que l'émission du matin de Paul Arcand, Puisqu'il faut se lever, diffusée sur les ondes montréalaises de Corus, deviendrait provinciale (ou presque). Cette émission est la plus écoutée au Québec entre 5h30 et 9h. Décision d'affaires? On le devine aisément…
En fait, depuis lundi dernier, Corus ne propose pas d'émission régionale du matin en Estrie (CHLT 107,7 FM), de même qu'en Outaouais, en Mauricie et au Saguenay. À Sherbrooke, c'est le temps d'antenne de Susan Léger qui a sauté. En fait, il a été déplacé. L'animatrice s'occupe désormais du retour à la maison, de 15h30 à 19h, et pourra par le fait même se permettre de longs dodos les matins de semaine. Apparemment, aucun poste en Estrie ne sera aboli. Ainsi, personne ne semble avoir été sacrifié sur le sanglant autel de la convergence… pour cette fois.
«Matthieu, es-tu scandalisé par cette perte de voix régionales?»
Euh… je ne sais pas. Dans le cas de CHLT, les voix se feront entendre à d'autres heures de la journée. De plus, il y aura des bulletins en provenance de l'Estrie dans l'émission de celui qui pose les «vraies questions» (à dire avec conviction).
D'une manière un peu tordue, on pourrait même supputer que les régions gagnent une voix dans la métropole… mais ne soyons pas dupes. Il demeure que la montréalisation des ondes a de quoi inquiéter. Même la section québécoise du NPD est sortie de sa torpeur pour décrier le phénomène. Gardons celui-ci à l'oil pour ne pas qu'il prenne de l'ampleur.
Je fais partie du problème
Pour moi, aborder ce sujet, c'est un peu me jeter dans la gueule du loup (d'où l'hésitation des premiers paragraphes). Difficile pour le chroniqueur que je suis de décrier la situation, car je fais partie du problème: tous les matins de semaine, j'écoute C'est bien meilleur le matin, l'émission animée par René Homier-Roy et ses subalternes sur les ondes de la chaîne publique de Radio-Canada.
Ma «mauvaise habitude» d'écouter la radio de Radio-Canada me vient de mon père. Je me rappelle qu'adolescent, je trouvais un peu ridicule qu'il écoute toutes les heures un bulletin de nouvelles quasi semblable au précédent. Je lui disais: «Mets ça à CIMO!» Crime que j'étais cool. Rapidement, toute cette «coolitude» fut extirpée de mon corps et j'ai commencé à prendre les plis paternels en ce qui concerne les habitudes radiophoniques. Depuis, en bon intello de salon, je colle au 101,1 FM.
Comme vous le savez sans doute, le contenu de C'est bien meilleur le matin est à haute teneur montréalaise. On y jase souvent de différentes bisbilles municipales, de nids-de-poule sur René-Lévesque, de rentrées montréalaises des nouvelles coqueluches locales et d'embouteillages jusqu'à la 30, mais il y a aussi des entrevues avec ceux qui font la manchette, des entretiens avec des artistes rares, des survols pertinents de l'actualité internationale et, depuis quelque temps, des bulletins régionaux portés en Estrie par la voix ténébreuse de Pierre Tousignant. Ces échos matinaux de la région sont peu nombreux, mais c'est déjà ça.
Soyons infidèles
Il y a quelques semaines, j'ai croisé Jean-Pierre Quirion, un ami du passé que je vois peu souvent et qui anime le matin à CKOI 104,5 FM. Je prends de ses nouvelles et en échange, il me chicane gentiment de ne pas l'écouter, car lui me lit régulièrement. Il avait bien raison de me gronder de la sorte. Méchant Matthieu.
Pour me donner bonne conscience, j'en suis arrivé au projet suivant: au cours des prochains jours, je serai infidèle à René et ses sbires. Je vais écouter les différentes émissions du matin made in Sherbrooke, à commencer par celle de Jean-Pierre, avec l'ouverture d'esprit de celui qui est prêt à tomber amoureux une seconde fois.
Je laisserai donc la chance aux coureurs, mais sachez que je ne suis pas un auditeur facile. Même au nom de la «démontréalisation» des ondes de l'Estrie, je ne baisserai pas mes critères.