Petit exercice. Imaginez que vous êtes un adolescent typique. Pas trop con, pas trop doué. Normal. En classe, votre enseignant (également ni trop con ni trop doué) vous demande de faire un choix entre les deux activités suivantes pour terminer la semaine en beauté: un témoignage de Pierre-Hugues Boisvenu, nouvellement sénateur et modèle de résilience pour s'être tenu debout après avoir perdu ses deux filles de façons cauchemardesques, ou un workshop avec les cinq bougres de Misteur Valaire, formation électro-jazz qui portait récemment le titre de porte-parole de l'événement Sherbrooklyn (qui fut un succès, soit dit en passant). Est-ce que l'adolescent en vous hésite? Le mien, pas pantoute. Fin de l'exercice.
La semaine dernière, ces événements parascolaires ont véritablement eu lieu à Sherbrooke et, dans les deux cas, la meute médiatique fut avisée, conviée. Je me permets donc de commenter.
Pierre-Hugues Boisvenu rencontrait les filles en uniforme du Collège Sacré-Cour, et Misteur Valaire accueillait moult jeunes gens d'un peu partout au Théâtre Léonard-Saint-Laurent dans le cadre d'une «opération autobus jaune». Titre de chroniqueur culturel oblige, je me suis faufilé jusqu'à la plus artistique des deux manifestations. En fait, j'ai écouté l'adolescent en moi…
Le blanc, le gris et le noir
Petite théorie de mon cru. Lorsqu'on invite des conférenciers devant un groupe d'élèves (ou qu'on amène un groupe d'élèves aux conférenciers, c'est tout comme), c'est blanc, gris ou noir. Je m'explique…
Avec Pierre-Hugues Boisvenu, on est dans la zone blanche. Avoir des réticences quant à ce type de témoignage, c'est être contre la vertu. Si un parent se plaint que son enfant a été exposé à beaucoup trop de courage et de bons conseils, il y a maldonne. Toutefois, si un élève se plaint que c'est ennuyant ou légèrement décalé comme discours, il ne faudrait pas s'en surprendre…
La zone noire, on n'y pense même pas. Des exemples: inviter une stripteaseuse pour une journée choix de carrière, ou un représentant de microbrasserie pour faire l'éloge de ses nouveaux produits. Vous voyez le genre…
Avec Misteur Valaire, on est en zone grise. Gris très pâle, disons. Les cinq gars ne sont ni des modèles pour la jeunesse ni des enfants de chour. Cinq types bien normaux qui commencent à vivre de leur musique et qui savent faire la fête. «Sans le sous-sol du père à To où on pratiquait, on serait devenus des bums de rue», badinait l'un d'eux devant environ 200 jeunes du primaire et du secondaire rassemblés par un bel après-midi.
Leur français laissait parfois à désirer («Mon rôle dans le band est de "droper" des samples») et ils manquaient de doigté avec certains jeunes élèves (durant la période de questions, il y en a un haut comme trois pommes qui était tellement impressionné qu'il en a oublié ce qu'il voulait dire et qui pleurait une fois retourné à sa place), mais les membres de Misteur Valaire ont offert une rencontre non aseptisée qui a énormément plu. Avec le gris, on est beaucoup plus près de la réalité des jeunes (qui, habituellement, n'est ni blanche ni noire) et ainsi, ils se sentent interpellés.
Au détour de cette rencontre, il y avait aussi l'éloge d'une option qui peut faire peur à certains parents, mais qui peut inspirer pas mal d'ados, soit qu'il est possible de réussir dans la vie sans choisir un profil Sciences pures avec un maximum de maths, en voulant vivre de ses passions. Ça, pour un adolescent typique (pas trop con, pas trop doué, juste normal), c'est comme une bouffée d'air frais.
Salut Mathieu,
j’ai deux petits commentaires à te faire: bien que je sympathise avec Pierre-Hugues Boisvenu, il est tout sauf une preuve de résilience, c’est un être entêté et rancunier à juste titre peut-être, mais quand même rancunier ce qui est à l’opposé de ce qui fait un être résilient. Sauf erreur, il a toujours en suspens une poursuite civile contre la ville de Sherbrooke entre autres.
Comme second commentaire, je te lance une petite pierre, vraiment minuscule car j’adore bien te lire, pour l’utilisation que tu fais quand même régulièrement de mots anglais dans ton billet hebdomadaire. C’est quand même pas comme M-H Poitras qui en quelques lignes seulement nous balance à chaque semaine plusieurs mots anglais, c’est à croire qu’elle manque de vocabulaire. Pourtant la langue française est riche de milliers de mots, je ne peux pas croire qu’il n’est pas possible à un journaliste culturel de faire un petit effort sur ce plan.
Allez, bonne semaine!