Je possède une belle carte d'affaires. Elle est de couleur beige (peut-être est-ce blanc cassé). Entre des mains délicates, le rectangle de carton souple offre aux plus méticuleux le plaisir de caresser sa texture; on y devine des lignes à la fois douces et nerveuses. Au recto, les informations à mon sujet sont disposées de manière design, mais efficace. À gauche, il y a mon nom (pas de faute; les deux T de Matthieu sont à leur place). Au-dessous de celui-ci, mon titre de rédacteur en chef de Voir Estrie est indiqué; l'alignement est à droite. À l'opposé, le logo de Voir ajoute de la crédibilité à l'ensemble. Complètement au bas, tout le reste déboule à la suite du signal que donne un petit carré rouge. À mon grand étonnement, je possède trois numéros de téléphone professionnels (un dans le 819, un autre sans frais et celui du cellulaire). Le numéro du fax qu'on partage au bureau se retrouve à côté de l'adresse postale, séparés d'un petit trait vertical; même dualité entre mon adresse courriel et celle du site de la version Internet du journal. Au verso, la pureté règne; c'est le néant qui se glisse dans un portefeuille.
Oui. J'entretiens une nouvelle fascination pour ma carte d'affaires, mais n'ayez crainte, ma lubie ne se compare en rien à celle de Patrick Bateman d'American Psycho (il a assassiné son collègue qui avait une plus jolie carte que la sienne). En fait, l'introduction de cette chronique constitue un clin d'oil à ce roman de Bret Easton Ellis (qui a fait l'objet d'un film en 2000). Je ne suis pas psychopathe, juste un peu tordu.
«Avez-vous une carte d'affaires?»
J'ai récemment fait bon usage de mes «précieuses cartes d'affaires» (à dire avec le ton de la bibitte dans Le Seigneur des anneaux). Pour être franc, elles partaient comme des petits pains chauds lors d'une activité gastronomique à laquelle j'ai participé la semaine dernière. Il s'agissait d'une virée gourmande qui comprenait les points d'arrêt suivants: Le Bouchon (qui nous a servi une délicieuse entrée, une terrine de dindonneau), L'Olive bleue (audacieux potage salé-sucré aux tomates et aux mûres), La Table du chef (pour le plat principal, un magret de canard, servi à la perfection et entouré d'accompagnements choisis) et Le Ludwig (avec un dessert à l'allure contemporaine mariant fruits de la passion et chocolat blanc). Ce fut très agréable (difficile, la vie de journaliste en ce type d'occasion). L'activité était chapeautée par un sympathique monsieur du nom d'Alain Fabry de Panoratours (www.panoratours.com). Je vous en reparlerai éventuellement…
J'ai accepté de participer à ce truc voyant là un bon sujet pour la section Voir la vie du journal (dans laquelle on aborde la gastronomie sous tous ses angles), mais du même coup, j'avais un peu peur, car je devais m'y rendre seul et que le communiqué de presse indiquait «Vous aimez les surprises?»… et moi, je déteste les surprises.
Surprises il y eut, mais je n'en tiens rigueur à personne. Je pensais devoir passer la soirée en solitaire dans mon coin, à prendre des notes pour un article éventuel, mais finalement, l'événement en était un de réseautage. Plein de journalistes étaient de la partie, tout comme des gens du milieu des affaires, du tourisme et des communications. Disons que ça jasait davantage des bons et mauvais coups de la Ville de Sherbrooke que de cuisine moléculaire.
Moi et mon réseau
Le réseautage, c'est la nouvelle panacée des ambitieux. Plus besoin d'avoir un bon diplôme ou d'être compétent pour faire sa place dans son domaine, il faut serrer des mains, avoir des contacts, idéalement politiques. Nomination de juges, attribution de contrats… Ces jours-ci, l'actualité nous envoie le message que le copinage mène le monde… mais peut-être que le message est tendancieux, car le copinage semble parfois mener certains médias.
Je n'ai peut-être pas l'ambition du conquérant, mais je suis prêt à jouer le jeu du réseautage. Allez. Invitez-moi à vos 5 à 7 de chambres de commerce ou des jeunes gens d'affaires de l'Estrie. À coups de cartes distribuées, je vais élargir mon réseau de Stoke à Wotton. Là, je fais dur avec mes 350 amis Facebook. Si je monte ça à 1000, je suis sûr que la terre va trembler.