L'entourloupe est vieille comme le monde: on crée un scandale pour en camoufler un autre. Pensez au film Wag the Dog… Les politiciens connaissent l'astuce et les administrateurs d'Omaterra aussi. La preuve: le licenciement de la metteure en scène Lysanne Gallant survenu la semaine dernière est en fait une immense machination, de la poudre aux yeux, pour tenter de nous faire oublier le véritable outrage: les noms des deux personnages principaux du grand spectacle de l'eau ont changé! Adieu Madame Lunettes et Monsieur Robe de Chambre. Bonjour Madame Purell et Monsieur Sprinkler (!?).
Scandaleux, non? Je suis mûr pour JE…
Omerta
Soyons sérieux. Évidemment, je m'en balance de ces noms loufoques (qui, personnellement, me font craindre le pire), mais je suis extrêmement ébranlé par cette mise au rancart définitive de madame Gallant, qui survient à moins d'un mois de la première du show qu'elle portait sur ses épaules tel Atlas, et ce, depuis le tout début de l'aventure. Je trouve ça plutôt triste qu'une des artistes les plus éloquentes et respectées du milieu se fasse traiter de la sorte. De plus, il est totalement inacceptable de n'avoir fourni aucune explication à la principale intéressée pour justifier cette rupture de contrat. L'humanité, tu connais ça, Omaterra?
J'imagine qu'il y avait de la chicane, que la metteure en scène montait aux barricades avec fiel pour protester contre les rebuffades de la production, afin qu'Omaterra ne devienne pas une version édulcorée de l'original. Moi, la chicane, je trouve ça parfois ben correct. Concevoir un gros spectacle de la sorte, ça ne ressemble pas à un making of du Cirque du Soleil où l'on ne nous montre que les moments de grâce; ça ne peut pas toujours être une partie de plaisir. Ainsi, au lieu d'un sain affrontement où la meilleure idée l'emporte, j'ai l'impression que l'administration d'Omaterra a préféré se débarrasser de l'opposition. Mais ça reste une hypothèse, car le grand spectacle de l'eau est un abysse de questions sans réponses. C'est l'omerta.
Spectacle politique
Mandaté pour répondre aux questionnements des journalistes sur le «cas Gallant», Denis Bernier, président de Cité des Rivières, a été peu loquace. Il a tout de même justifié le manège en affirmant qu'il est commun qu'un metteur en scène se fasse remercier de la sorte par la production. Euh… non. C'est faux. Je n'ai jamais entendu parler d'un tel affront et si quelqu'un peut me fournir un exemple d'un show qui s'est vu amputer de sa mère porteuse quelques semaines avant l'accouchement, je lui donne une médaille.
Je ne suis pas le seul irrité par cette situation. La Tribune a publié des lettres d'opinion de lecteurs outrés et un groupe Facebook nommé «On veut des explications sur la gestion d'Omaterra» a vu le jour. Fait intéressant: le groupe compte déjà plusieurs membres, dont moult artistes et gens du milieu des affaires, mais également des personnes associées à la politique municipale, dont François Godbout, qui a été candidat au poste de maire aux dernières élections.
Né d'une demande de l'ex-maire Jean Perrault à Lysanne Gallant, Omaterra était politique, et malheureusement pour les artistes toujours impliqués dans le processus, ça demeure politique.
«Ô ma terreur»
Alors que certains cercles appellent au boycott du spectacle et surnomment la bête «Ô ma terreur» (ce n'est pas très fin ça!), je suis tout de même porté à vouloir faire confiance une fois de plus. Jean-Guy Legault est un choix judicieux en remplacement de Lysanne Gallant. De plus, l'équipe d'artistes qui se retrouvera au-devant de la scène ou derrière s'avère inspirante. Ainsi, mon jugement sur Omaterra, le spectacle artistique et non pas celui à teneur politique, je le réserve pour le soir de la première.
Qu'on me garde une place à l'avant, tout près de Lysanne Gallant.