Critiquer Omaterra est un sport dangereux

La semaine dernière, c'était soir de première pour Omaterra. En me rendant à la place Nikitotek (suis-je le seul à être incapable de retenir ce nom?), je suis passé par la rue Frontenac, où il y avait une belle agitation sur les terrasses. Est-ce que ce sera comme ça tout l'été? C'est à souhaiter!

Même si l'apologie de ce spectacle s'est faite dans la maladresse et la complaisance (pour faire place à un tardif exercice d'humilité de la part des administrateurs), je me suis rendu avec enthousiasme à cette première du Grand Spectacle de l'eau. Enfin, il était temps de voir les artistes à l'ouvre; exit les messieurs en cravate qui aiment ploguer «Las Vegas», «Cirque du Soleil» et «Céline Dion» dans une conversation.

Je dois vous avouer que mes attentes envers Omaterra étaient peu élevées, connaissant les difficiles conditions de création allouées aux artistes. Travailler dans un rush perpétuel donne souvent des résultats mitigés, mais par chance, nos créateurs ont du talent. Je suis donc sorti du spectacle aucunement déçu, mais avec plusieurs réserves. Voici donc ma critique, une semaine après les autres, tombée du journal oblige.

D'ailleurs, à lire et à entendre les réactions de certains Sherbrookois aux premières analyses de ce spectacle, critiquer Omaterra semble un sport dangereux. Les journalistes, commentateurs et autres blogueurs sont-ils de mauvais citoyens s'ils osent souligner les travers de ce projet financé par l'argent public?

Pour ma part, même si je souhaite le succès et la pérennité de ce spectacle, je crois qu'on se doit de l'accueillir avec l'esprit vif et l'oil alerte. Tomber dans une superficielle autocongratulation ferait de nous une triste risée. Vaut mieux se dire les vraies choses que se regarder le nombril.

Critique /

Omaterra

cote : **1/2

À la suite d'une querelle de voisinage, M^lle Purelle (Soizick Hébert) cadenasse le robinet de M. Sprinkler (Vincent Cotnoir) pour qu'il cesse de gaspiller l'eau. Pour refaire le plein du précieux or bleu, le grossier personnage part à l'aventure tout en faisant du grabuge sur son passage. Sa voisine devra intervenir pour recoller les pots cassés. Est-ce que la lymphatique fable d'Omaterra mérite tout le bataclan déployé? Pas vraiment. Cette histoire est digne d'un Martine à la plage, avec une morale en sus, et son humour ne surclasse même pas une bonne blague de gomme Bazooka.

Mais comme disait Yvon Deschamps: «On ne veut pas le savoir, on veut le voir.» Ainsi, même si Omaterra ne s'adresse pas à l'intelligence des spectateurs, la mégaproduction sherbrookoise réussit à en mettre plein la vue à quelques reprises; le plus beau moment étant sûrement la gracieuse séance de natation de M^lle Purelle au cour d'une touffue projection de fond marin sur un immense mur d'eau.

En remplacement in extremis de Lysanne Galant, le metteur en scène Jean-Guy Legault a tiré les ficelles autant que faire se peut pour habiter l'immense (et magnifique) scène de la place Nikitotek, mais certains cafouillages demeurent. Les performances clownesques d'Hébert et Cotnoir sont notables, et les nombreux acrobates offrent de bons numéros de cirque qui devraient gagner en finesse au fil du temps, mais lors de la première, ce sont les artistes de l'ombre qui ont volé la vedette (musique, costumes, maquillages, accessoires…). Peut-être qu'un autre «bogue informatique» (et une seconde semaine de sursis) aurait été salutaire.