Faire danser les bougalous
L’écho des Cantons

Faire danser les bougalous

Récemment, un ami se demandait pourquoi il n'y avait plus de scène yéyé rock'n'roll à Sherbrooke. Il est vrai que lors d'un passé pas trop lointain, tous les bougalous des Cantons pouvaient régulièrement se déhancher sur les planchers de danse d'une salle «près de chez vous», que ce soit en face des Macchabées, Séquelles, Thanatologues et autres. Guitares dissonantes, claviers vintage, rythmes entraînants, surplus d'attitude… Tout était là.

Par chance, quelques rares manifestations s'adressent aux nostalgiques du néo-twist. Or, cette époque semble révolue. Il y a quelques semaines, Kid Sentiment (groupe montréalais mené par un membre de la diaspora sherbrookoise) a joué son rock franchouillard devant une si petite foule au Bar Le Magog que le show aurait très bien pu se dérouler dans mon salon (ou le vôtre, si petit soit-il). Ainsi, ce n'est peut-être pas ce pan de notre scène musicale qui s'est éteint, mais le public qui est tout simplement passé à autre chose. Qui sait.

État des lieux

Cela m'amène à faire un petit état des lieux de notre scène locale qui change et, par le fait même, compte de nouveaux visages, comme ceux qui se retrouvent sur la page frontispice du journal de cette semaine (Nicholas Williams de Crowfoot et Luundo Dunia, résidant à Sherbrooke), consacrée au Festival des traditions du monde, où il sera possible de voir et d'entendre plusieurs musiciens de la région.

La bonne nouvelle, c'est que Sherbrooke est de plus en plus reconnue au sein de l'industrie comme une pépinière de talents musicaux (un gros merci aux ambassadeurs de Misteur Valaire et La Patère Rose). Vers la fin juillet, j'ai participé à une émission sur les ondes d'Espace musique menée par Catherine Pogonat. En bonne «musicovore», l'animatrice connaissait The Banjo Consorsium et quelques autres de nos plus fringants représentants. J'ai trouvé ça plutôt sympa de sa part, mais comme me le disait Joé Boisvert de Greenwood lors de l'événement Sherbrooklyn du printemps dernier, «ça serait cool qu'on parle des autres groupes une fois de temps en temps». La morale: n'oublions pas les nouveaux joueurs.

Entretenir sa pépinière

Un peu de visibilité et des occasions de jouer, c'est tout ce que ça prend pour entretenir notre pépinière.

Côté visibilité, je ne sais pas si on dresse un portrait fidèle de la scène locale au fil des parutions de Voir Estrie, mais c'est ce qu'on tente de faire. Depuis janvier dernier, même les projets un peu plus embryonnaires peuvent avoir une certaine visibilité via la chronique Du haut de la King de Dominic Tardif. Toutefois, il arrive parfois que je découvre un groupe sur le tard, comme ce fut le cas pour The Bright Road (www.myspace.com/thebrightroad), preuve que certains ne prennent pas encore la peine de se manifester auprès des médias pour se faire connaître.

Côté occasions de jouer, la saison estivale fut jusqu'à maintenant plutôt généreuse. Greenwood a fait du beau bruit à la Fête du lac des Nations, Pete Möss a attiré les foules au Shazamfest et Jake and the Leprechauns a offert une chaleureuse performance au Vieux Clocher de Magog. Mais c'est par les Concerts de la Cité que la nouvelle garde s'est surtout manifestée. Tout au long de l'été, j'ai été un adepte de ces spectacles gratuits, tout particulièrement lorsque le sac à lunch était de mise. Quelques faits saillants: Alice and the Intellects, qui ne cesse d'affiner ses chansons pop faussement naïves et qui nous charme avec sa méconnaissable reprise de Joe Dassin; Auguste, qui se bonifie d'une section de cordes et qui n'a pas peur de la mise en scène avec ses parapluies sous un soleil radieux; Tony Almonte, entouré de nouveaux musiciens qui rendent justice au groove du chanteur soul; les nouvelles compositions des b.e.t.a.l.o.v.e.r.s, qui laissent présager que le meilleur est à venir…

À travers tout ça, il n'y a malheureusement rien pour faire danser le bougalou en moi, mais je garde espoir.