Sur la route de Marston
L’écho des Cantons

Sur la route de Marston

Tout a commencé par un courriel plutôt hargneux.

Transféré par le webmestre de Voir, le message m'était indirectement destiné et voulait décrier le scandale suivant: Voir Estrie n'est pas vraiment Voir Estrie. Oh-la-la. Busted!

Le monsieur du courriel se plaignait qu'on était des pas fins au Voir Estrie parce que le rédacteur en chef ne parlait pas de son lieu de diffusion, le Théâtre de la première scène, situé à Marston, près de Lac-Mégantic. «Marston, c'est en Estrie à ce que je sache!?» Cassé.

Mon «harceleur-gentleman» visait juste, mais le territoire de Voir Estrie n'est pas exactement celui de la région… et malheureusement, Marston fait partie des exclus; le journal n'est pas distribué là-bas.

Toutefois, parce qu'on n'est pas tout le temps des pas fins, on couvre très souvent des événements hors de nos symboliques frontières… mais pour ça, on doit être mis au courant. Le Théâtre de la première scène, ça ne me disait vraiment rien.

J'en ai informé mon virtuel interlocuteur qui a fait son mea culpa, car je n'étais pas sur sa liste d'envoi. Il m'y a ajouté avec empressement pour m'inviter ensuite à venir voir Poisson rouge et autres crudités, la première création du Théâtre du Lys qui se joue à Marston jusqu'au 28 août.

Et j'ai dit oui car la provocation marche toujours avec moi.

Chez Paulo, roadkill et théâtre

Il s'est avéré que mon amie Julie connaissait l'un des comédiens de la pièce et comptait bien aller le voir jouer. Jeudi dernier, on s'est donc organisé un équipage pour s'y rendre (Julie, Philibert, Valérie et moi) et une carte avec un minimum de précisions (on prend la 108, la 161, la 263, et on ne passe pas tout droit).

On n'a pas pris ma voiture, mais j'avais dans mon bagage le disque La Romance des couteaux de Chantal Archambault pour glisser dans le lecteur car je savais que Philibert, le conducteur désigné, aimerait. Effectivement, il a approuvé mon choix pour ensuite proposer qu'on arrête manger à Lennoxville. Je n'ai pas approuvé le sien car l'idée d'arrêter en chemin dans une petite cantine de village me plaisait davantage! Moment d'euphorie dans la Ford Focus; tout le monde était partant.

C'est ainsi qu'on est débarqués Chez Paulo à Cookshire. Bien assis sur la terrasse avec vue sur le marché aux puces, on était ben. Même le tracteur qui transportait des balles de foin nous rendait heureux. J'ai pris un club sandwich, Valérie a opté pour les fish and chips – «Je crois que c'est maison», a-t-elle laissé sous-entendre, pas mal sûre de sa shot -, Philibert a mangé une pizza all dressed, alors que Julie a combiné une guédille, une poutine italienne et des rondelles d'oignon. Facile de savoir qui est la toutoune du lot!

Repus, on a repris la route, ouvert les fenêtres, évité du roadkill… et trouvé le Théâtre de la première scène, qui est en fait une ancienne église transformée en salle de spectacle. Un classique.

Et la pièce dans tout ça? Poisson rouge et autres crudités, un texte de François De Grandpré et Gabriel-Aimé Grou, s'est révélé une création hyper divertissante, rythmée et défendue par quatre bons comédiens issus de différentes écoles de théâtre de la province (j'ai tout spécialement aimé Anne-Sophie Quemener dans le rôle de Sarah). Mise en scène par Francis Richard, la pièce pourrait se résumer en un La vie, la vie théâtral de par ses chasés-croisés amoureux qui font sourire. J'y ai passé un très bon moment. Faire une heure et demie de route pour du «théâtre d'été» de cet ordre? N'importe quand.

… Mais le problème, c'est qu'il fallait revenir et affronter encore plus de roadkill sur le chemin du retour. Une chance, Philibert a mis le dernier album des National dans le ghetto blaster. La région de l'Estrie m'est ensuite apparue toute petite, sans distances ou frontières.