Telle une adolescente qui cherche à s'affirmer, la ville de Sherbrooke veut avoir fière allure. Tant mieux.
En son centre-ville (où j'habite et travaille), l'intransigeance est en vogue depuis quelque temps quant à l'urbanisme. Le message envoyé semble être le suivant: ce qui nuit à l'image de la cité sera éradiqué… et il n'y aura pas de passe-droit.
Dans les pages de La Tribune, on a pu suivre l'épopée de ces immeubles qui devront être démolis parce que laissés à l'abandon trop longtemps. Le plus médiatisé: celui du 310, King Ouest, qui abritait le «très sélect» bar Le Vénus. Le propriétaire de l'endroit désirait un délai supplémentaire pour exécuter les travaux exigés, mais celui-ci ne lui a pas été accordé. Les pics des démolisseurs se feront bientôt entendre. Cette musique résonnera également au bas de la côte King; la bâtisse adjacente au Centre local d'emploi connaîtra le même sort.
À mon avis, la Ville fait bien de se montrer autoritaire de la sorte. Trop de patience ne fait pas bouger les choses. Alors que le privé s'implique afin de redorer le blason du centre-ville (un gros merci à la famille Labonté!), ce n'est pas le temps de baisser la garde. Le zèle s'impose.
Mais cette nouvelle vigilance semble avoir des failles. Celle dont j'aimerais vous faire part scintille dans la nuit sherbrookoise telles des arches de McDonald's qu'on aurait mises au sommet d'une montagne.
Mon logo est plus gros que le tien
T-I-M-E-S. Oui, les cinq lettres rouges qui constituent l'image de marque du nouvel hôtel sherbrookois me dérangent car le néon qui les habite ne dort jamais. Alors que les abords du lac des Nations se déclinent comme une destination touristique ainsi qu'un lieu de prédilection des «locaux», je trouve aberrant que Sherbrooke devienne «TIMES city» dès que la pénombre s'installe.
Comprenez-moi bien. Je trouve génial que le TIMES se trouve à cet endroit névralgique de la ville. Enfin, Sherbrooke a un hôtel de prestige qui offre autre chose qu'une vue sur un Pizza Hut ou un Saint-Hubert, mais malheureusement, l'immeuble ne nous rend pas la pareille et pollue le ciel de la ville avec son gros logo.
Dorénavant, que voit-on du parc Jacques-Cartier? TIMES. Du mont Bellevue? TIMES. De la colline universitaire? TIMES. Cité des rivières TIMES, Marché de la gare TIMES, pont Montcalm TIMES… Si Québec est Red Bull, Sherbrooke est TIMES. Énigme: qu'est-ce qui est gros, rouge et qui dépasse l'entendement? TIMES.
Dissonance cognitive
L'expression dissonance cognitive est du psychosociologue Leon Festinger. Ce concept s'applique bien à notre «adolescente de ville» et se définit par une contradiction entre attitude et comportement. Sherbrooke a beau être prédisposée à réagir aux écarts qui nuisent à son image, elle semble résignée à minimiser le désagrément relié à cet écriteau qui altère complètement son paysage nocturne…
J'imagine que la Ville rationalise son laxisme (ou peut-être est-ce un simple oubli) en ayant trouvé une façon de justifier la navrante situation, avec quelque chose du genre «on le voulait cet hôtel, il faudra donc vivre avec son immense logo».
Si c'est vraiment le cas, Sherbrooke devra vivre avec mon jugement.
M. Petit,
Vous trouvez « génial » que le Times ait été garoché là mais vous êtes quand même en tabarouette que le bout du Lac des Nations ait l’air d’un petit Las Vegas? Well, ça fait un boutte que la maquette est sortie mon cher. Pis ça fait un boutte que c’est évident que le terrain a pratiquement été donné par la Ville.
C’est sûr que c’est laid! Tout le monde le savait non? Et en passant, la vue du Delta est pas si pire que ça. Pis le Delta me dérange pas. Mais à la vue du Times, j’ai le goût de… fermer les yeux mettons.
Génial mais laid. De prestige mais polluant. Hum…
Plutôt que de dire un chose et son contraire, avouez plutôt que la Ville a passé un maudit gros sapin aux Sherbrookois. Joyeux Noël tout le monde!
Merci Claude pour le commentaire. J’en connais plusieurs qui ont une opinion tranchante comme la vôtre quant au fameux hôtel Times. La mienne l’est moins et mon papier en est le reflet. Pour moi, ce n’est pas blanc ou noir. Le Times navigue en zone grise. Face à la maquette, j’étais sceptique. Maintenant, je suis amer.
Je n’ai pas pu aborder le sujet sous tous ses angles dans le cadre de cette chronique (espace limité – il faut choisir ses batailles). Je n’aime pas le nom (en anglais) et l’architecture «moderne» (qui est déjà caduque à mes yeux), mais son impact positif sur le tourisme, et subséquemment l’économie m’a fait dire «génial» (c’était fort, je l’admets). De plus, je n’attribue pas de mauvaises intentions à la Ville de Sherbrooke, mais disons que nos dirigeants ont manqué de vision, d’une vue d’ensemble.
Et en passant, être génial et laid, c’est possible: Albert Einstein, Robert Lepage…
Quant à «prestigieux et polluant», on n’a qu’à penser au Hummer. Héhé.