«Nous ne nous intéressons pas à la politique car la politique ne s'intéresse pas à nous.»
C'est simpliste, j'en conviens, mais c'est cette phrase que j'ai retenue de la lecture publique du texte Une tache sur la lune de Marie-Line Laplante, organisée au Centre des arts de la scène Jean-Besré par le Théâtre Double Signe et à laquelle j'ai assisté dimanche dernier. Cette pièce tourne autour d'un couple, un homme et une femme d'un certain âge, tous deux passés maîtres dans l'art de se plaindre, mais qui demeurent à l'écart de la société, reclus entre les quatre murs de leur loyer, condamnés à ressasser un triste quotidien. Leur salut passe par un absurde imaginaire, mais le réel les rattrape… comme toujours.
«Nous ne nous intéressons pas à la politique car la politique ne s'intéresse pas à nous.» À mes oreilles, ça sonne comme une aberration, une mauvaise excuse de citoyens paresseux, car la politique n'a pas à s'intéresser à nous tel un parent aimant («Allez mon enfant… Raconte ta journée à papa politique»), mais c'est nous qui devons la façonner pour qu'elle soit le reflet de nos convictions profondes, de nos aspirations sociétales. Au minimum, il faut aller voter, et au mieux, il faut prendre position, s'impliquer. Vous connaissez la rengaine…
Cela étant dit, même si nous sommes «quelque chose comme un grand peuple», notre société compte de nombreux drop-out d'idéaux, des gens qui snobent la politique et le devoir citoyen qui s'en suit, préférant chialer seuls dans leur salon au diapason avec Jean-Luc Mongrain… à l'image du couple de la pièce susmentionnée, pas si absurde que ça au final.
Nous sommes à une époque d'inaction, de désengagement. On laisse le pouvoir à des gens qui disent avoir les deux mains sur le volant et après, une fois dans l'accotement, on se surprend d'apprendre qu'il s'agissait d'un leurre. Viennent alors l'amertume et le cynisme.
«Nous ne nous intéressons pas à la politique car la politique ne s'intéresse pas à nous.» Je crois que cette phrase m'a accroché parce que dans ma tête, elle faisait écho aux résultats d'un sondage fort intéressant mené par Segma Recherche et publié dans le quotidien La Tribune le 27 octobre dernier. Au menu, il y avait de plus ou moins bonnes nouvelles pour deux de nos élus: Jean Charest et Bernard Sévigny.
En ce qui concerne le maire de Sherbrooke, les résultats semblent contradictoires. D'un côté, les répondants se disent en majorité impressionnés par sa performance au cours de la dernière année (7 % sont très impressionnés et 46 % le sont assez), mais de l'autre côté, ils avouent ne pas le connaître (49 % sont incapables de mentionner son nom). Bizarre? Pas vraiment, car cela est un signe patent de ce désengagement généralisé. Ce qu'on ne sait pas ne nous fait pas mal. Dans cette logique, puisqu'on entend peu parler de politique municipale par les temps qui courent, tout doit bien aller. Pourtant, il faut se méfier de l'eau qui dort. Ainsi, pour la suite de son mandat, j'espère que Bernard Sévigny (tsé, le maire) n'hésitera pas à sortir au grand air, quitte à faire des vagues.
Pour «Jean Charest superstar», c'est un peu l'inverse. Ses plus récentes frasques (sa performance mitigée à la commission Bastarache, son inaction dans le dossier de la corruption dans l'industrie de la construction au Québec, l'adoption de la loi 115 qui permet aux bien nantis d'acheter un passe-droit vers les écoles anglophones…) font en sorte que le vent a tourné pour lui non seulement au Québec, mais dans sa propre circonscription (42 % des répondants jugent qu'il devrait se retirer après son mandat actuel et 33 % pensent qu'il devrait le faire avant ça). Sentez-vous une odeur moribonde?
À mon avis, le plus intéressant a été de lire cet article de David Bombardier dans La Tribune deux jours après la publication du sondage, dans lequel l'équipe libérale sherbrookoise disait n'être «aucunement découragée» par la situation. Si l'optimisme règne, ce n'est sûrement pas parce que Jean Charest compte participer à un maximum de soupers spaghettis, d'inaugurations, de serrages de mains et de tapes dans le dos, mais parce qu'en politique, il est facile de croire que le temps arrange les choses.
Pendant que l'électorat s'endort, papa politique s'occupe de toute.