L’exemple à suivre
Vendredi dernier, on apprenait la mort de Rachel Lussier, une dame qui fut un véritable catalyseur pour le milieu culturel des Cantons-de-l'Est, voire de la province. Communicatrice hors pair, elle fut entre autres journaliste pour différents médias de la région et j'oserais ajouter qu'elle représente, pour moi et mes homologues, l'exemple à suivre.
Son triste départ nous rappelle que nous faisons un métier important et qu'il faut l'exercer avec discernement, en respectant un certain héritage journalistique. Le chemin est tracé et nous n'avons qu'à le suivre, même si les détours sont permis.
Je n'ai pas personnellement connu Rachel Lussier, mais adolescent, je la lisais avec intérêt dans les pages de La Tribune, où elle a travaillé de 1980 à 2000. Elle était la pierre angulaire de la section des arts et spectacles. Je me rappelle qu'elle avait du style et qu'on pouvait lire son appréciation entre les lignes de ses chroniques et de ses papiers aux sujets épars (musique, danse, arts visuels ou autres). Elle savait couvrir large (un atout nécessaire en notre région), mais tout en nuances, en restant pertinente.
Par ses implications artistiques (collaboration à l'ouvrage Lumières de saisons publié en 1998, écriture du poème Nos héritiers mis en musique et chanté par Richard Séguin…), j'ai l'impression que Rachel Lussier était une journaliste culturelle qui «sautait la clôture» élégamment, qui côtoyait les artistes qu'elle savait interviewer avec brio. Au fond, elle était une des leurs, et à mon avis, cette vision de l'intérieur bonifiait ses propos.
Grâce à un communiqué de presse joliment rédigé par l'attaché de presse Guy Ouellet, un ami de Rachel Lussier, j'ai pu en apprendre sur son parcours professionnel qui souligne un apport au féminisme. Elle fut l'une des premières femmes engagées en tant que réalisatrice sur un plateau de télévision, jusqu'alors chasse gardée de la gent masculine. Ça se passait en 1970, à Télé 7. Alors qu'elle n'avait pas encore 30 ans, Rachel Lussier y a réalisé moult émissions, dont l'«incontournable» Jour du Seigneur. Elle a surtout fait sa marque dans le milieu avec la réalisation du débat des chefs de 1973, qui réunissait René Lévesque (chef du Parti québécois), Robert Bourassa (chef du Parti libéral du Québec), Gabriel Loubier (chef de l'Union nationale) et Yvon Dupuis (chef du Ralliement créditiste du Québec) autour d'une même table. Cette production fut saluée et récompensée pour son excellence. Autre apport au féminisme: la mise sur pied pour l'ONF de la série En tant que femmes pour la cinéaste Anne-Claire Poirier.
Dans les années 70, Rachel Lussier fut aussi à l'emploi de Radio-Québec Estrie, où la citoyenne en elle chapeautait une émission d'affaires publiques pour la région. C'était une belle époque. Aujourd'hui, avec la «montréalisation» des ondes, l'Estrie ne bénéficie pas d'une émission pour débattre convenablement des enjeux régionaux. On doit se contenter de bulletins de nouvelles dont certains font rimer culture avec météo. Parions que Rachel Lussier ne l'aurait pas laissée passer, celle-là.
J'offre toutes mes sympathies à sa famille et à ses amis.