La culture n'est pas un milieu d'enveloppes brunes, mais de bourses et de subventions. Oubliez les arrière-boutiques fréquentées par quelques douteux personnages, chaque «transaction» du monde des arts doit se faire au grand jour.
Peut-on juger du professionnalisme d'un artiste, voire de la qualité de son travail, par les distinctions bien souvent accompagnées de bidous qu'il a reçues? Malheureusement, je suis porté à dire que oui, quelques couleuvres et «grands oubliés» mis à part.
Pourquoi? Eh bien, c'est que les jurys qui déterminent les gagnants de ces prix sont composés de pairs. Le jugement de ceux-ci est primordial pour la carrière de chaque artiste qui se targue d'être professionnel. Une accolade de pairs, c'est un pas en avant. Une accolade de pairs avec un gros chèque en sus, c'est une petite marche de santé vers un monde meilleur.
En culture, et comme dans tous les domaines, l'argent est le nerf de la guerre. Pour paraphraser un discours récent du réalisateur sherbrookois Anh Minh Truong, qui joue le jeu des bourses et des subventions en bon professionnel qu'il est, disons qu'avec des sous, l'artiste peut s'«acheter» du temps, et qu'avec du temps, il peut se consacrer à la création.
Ceux qui croient que l'art n'est qu'une question de feeling, d'amour et d'eau fraîche sont de gentils hippies.
Le chic Conseil de la culture de l'Estrie
La semaine dernière, le Conseil de la culture de l'Estrie (CCE) conviait plusieurs intervenants du milieu des arts de la région au «chic» hôtel Times pour la remise d'un important prix annuel, celui de la création artistique du Conseil des arts et des lettres du Québec pour la région de l'Estrie.
Cette année, la distinction a pris des allures d'hommage, car c'est Jovette Marchessault qui fut récompensée. Cette romancière et auteure pour le théâtre fut tout particulièrement active dans les années 1970, 1980 et 1990.
Peu nombreux sont ceux qui l'avaient vu venir, celle-là. Comme plusieurs personnes croisées au cours de l'événement, j'en savais peu sur le travail de Marchessault («Tu connaissais la gagnante, toi?»). Mis à part sa récente participation aux Cartes blanches du Petit Théâtre de Sherbrooke (sa nouvelle pièce L'Odyssée des enfants pionniers des Cantons a fait l'objet d'une lecture publique), je n'avais jamais entendu parler de cette dame au franc-parler. «Moi, je suis avant les baby-boomers. Je suis de la génération des encombrantes. Un jour, vous en ferez partie», a-t-elle prédit lors d'un jovial discours.
Sherbrooke, capitale culturelle canadienne
Un prix, ça peut servir à ne pas oublier d'importants pionniers du monde des arts, mais j'ai trouvé paradoxal que l'on se tourne vers le passé alors que le milieu culturel de l'Estrie a grand besoin de canaliser ses énergies vers l'avenir. Surtout que cet avenir, c'est 2013.
En parallèle des Jeux du Canada, Sherbrooke a l'intention de briguer le titre de Capitale culturelle canadienne de 2013. Si ça se concrétise (on le saura au début de 2011), plusieurs de nos artistes seront interpellés pour officier au front. Or, on le sait, il faut du nerf pour la guerre.
Je trouve ce projet très excitant; c'est le genre de stimulation dont on a grandement besoin. Ma seule crainte: qu'on mette la charrue avant les boufs. Dans sa globalité, je ne crois pas que le milieu culturel sherbrookois soit actuellement en mesure de rayonner coast to coast. Si on veut que «Sherbrooke, capitale culturelle canadienne» soit une source de fierté, il faut accorder à nos artistes un maximum de temps, cette denrée rare et coûteuse.
Comme le soulignait Pierre Mino, directeur général du CCE, une structure innovante est en train de se construire afin que la culture occupe une plus grande place en région. À mon avis, il est temps d'accélérer les travaux.