L’écho des Cantons

Cols bleus, Noël gris et carton jaune

Mine de rien, j'ai deux grèves dans le corps.

Avant d'être au Voir Estrie, j'ai vécu d'autres vies et l'une d'elles m'a amené à brandir une pancarte plus souvent qu'autrement. Je ne le faisais pas par gaieté de cour, mais parce que je soutenais mon syndicat de l'époque. J'étais un jeune loup et j'ai adhéré à la pensée du groupe car elle n'allait pas à l'encontre de mes valeurs.

Ainsi, dès mes premiers pas dans le merveilleux monde du marché de l'emploi, j'ai été confronté à l'un des «scénarios catastrophes» des conflits de travail. Comme initiation, c'était plutôt réussi.

J'en suis venu à percevoir la grève comme un mal parfois nécessaire dans des jeux de pouvoir qui autrefois étaient gagnés d'avance par le patronat.

Mais comme le dit si bien le grand philosophe Spider-Man: avec de grands pouvoirs viennent de grandes responsabilités.

La grève du temps des Fêtes

Comme vous le savez sûrement, les Sherbrookois devraient subir la grève de leurs cols bleus du 26 décembre au 7 janvier. Durant cette période, les services essentiels seraient maintenus, mais vous risquez de devoir mettre une croix sur vos projets de descentes de ski en famille à Bellevue ou de zigzags en patins avec l'être chéri sur l'étang du parc Howard. Durant le temps des Fêtes, les joies de l'hiver à Sherbrooke se résumeront peut-être à pelleter la neige, car s'il y a tempête, les cols bleus ne seront pas aussi zélés qu'à l'habitude. Ho ho ho!

Devant ce scénario qui semble inévitable, les citoyens sont outrés. C'est tout à fait compréhensible, car le sentiment général est celui d'être pris en otage. De plus, cette grève causerait de sérieux dommages collatéraux (on n'a qu'à penser au Tournoi international bantam de Sherbrooke qui, sans les arénas de la Ville, se retrouverait avec un beau casse-tête). Sherbrooke risque de perdre beaucoup et les cicatrices peuvent être nombreuses, mais je suis d'avis qu'il ne faut pas remettre en question les droits des travailleurs à l'idée d'un Noël gris.

La meilleure attitude demeure donc de considérer tout ça comme un dur moment à passer. C'est à nos élus de régler cette situation le plus rapidement possible. On jugera de leur performance à la fin de leur mandat, un peu comme le suggère le grand sage Jean Charest. Est-ce que paraphraser le PM est un sacrilège par les temps qui courent? Mettons ça sur le dos de ce rhume qui m'assaille et qui altère ma logique.

Fairplay?

Le syndicat des cols bleus est redevable envers ses membres, alors que la Ville l'est envers ses citoyens.

Jusqu'à maintenant, est-ce que nos élus sherbrookois agissent intelligemment dans ce conflit? Selon les informations qui sont rendues publiques, on peut croire qu'en fin de parcours, la Ville mène les négociations en «bon père de famille», selon les règles de l'art.

Le principal bémol, c'est cette exigence que la convention collective dure sept ans (une durée beaucoup trop longue aux yeux du syndicat et qui, il n'y a pas si longtemps, n'était pas possible), mais la tenue des Jeux du Canada à Sherbrooke en 2013 semble donner raison à la Ville, surtout qu'on imagine le fonds de grève des cols bleus de Sherbrooke bien rempli. En 30 ans, ils n'ont que deux heures de grève à leur actif…

Autre bémol: ce sondage paru dans le journal La Tribune du 13 décembre dernier, qui souligne au crayon gras que la population désapprouve la position des cols bleus dans ce conflit. Ce sondage, c'est la Ville qui l'a payé. Avions-nous vraiment besoin d'une enquête pour en arriver à cette évidente conclusion? Moi, j'appelle ça mettre de l'huile sur le feu. Utiliser les médias afin de stigmatiser le camp adverse, ce n'est pas très fairplay. Je lève un carton jaune.

Malgré tout, cette histoire aura une fin. Sera-t-elle heureuse? On le souhaite. Sinon, le retour à la normale sera difficile – beaucoup plus pénible qu'un rhume.