La mort nous va si bien
L’écho des Cantons

La mort nous va si bien

Personne n'aime se faire écourer.

En optant pour le titre Sherbrooke, ville morte?, l'auteur d'une lettre publiée dans La Tribune la semaine dernière (et toujours disponible sur Cyberpresse) devait s'attendre à ébranler l'orgueil des ambassadeurs de son nouveau fief qui, visiblement, ne l'égaie guère. Selon cet ancien Montréalais, Sherbrooke est d'un ennui digne d'«une ville du nord de l'Ontario un dimanche après-midi». Ouch.

Si le néo-Sherbrookois souligne quelques points intéressants dans son court brûlot (il évoque le tort causé au centre-ville par les centres commerciaux situés en périphérie, la quasi-nécessité d'avoir une voiture en cette ville où l'on ne peut pas se fier aux transports en commun…), disons que ce sont ses phrases-chocs qui frappent l'esprit. «[Sherbrooke] reste une ville bien plate, malgré ses nombreuses côtes.» C'est peut-être facile, mais il faut reconnaître que l'«insulte» est efficace.

D'ailleurs, de virulentes répliques ont fusé sur Facebook et Twitter, où plusieurs Sherbrookois partageaient des liens vers la lettre ouverte. Pour faire comme la meute, j'ai ajouté mon grain de sel, car si Sherbrooke est une ville morte, je suis un zombie qui aime la chair putréfiée (miam miam); la mort nous va si bien!

Sur les réseaux sociaux, le débat a pris une étonnante ampleur. L'auteur de cette lettre pensait-il avoir un tel impact? Sûrement pas…

L'épiderme sherbrookois

J'ai suivi ce drôle de démêlé avec une certaine curiosité, et semblerait-il que je n'étais pas le seul. Dans une entrevue accordée à Luc Larochelle de La Tribune, Bernard Sévigny, le maire de Sherbrooke, a affirmé s'intéresser au débat…

N'est-ce pas là étrange? Un simple citoyen exprime sa nostalgie de l'effervescence montréalaise et Bernard Sévigny se dit concerné.

Je trouve ça cute que notre maire se dise à l'écoute des petits malheurs de cet homme en manque d'urbanité, mais n'a-t-il pas d'autres chats à fouetter? Je ne pense pas que Gérald Tremblay change son ordre du jour lorsqu'un Montréalais se plaint que sa ville est sale, impersonnelle et mal gérée (c'est à titre d'exemple, mais je me suis gâté). Et Régis Labeaume, pensez-vous qu'il est à l'écoute des gens de Québec qui font preuve de mièvrerie? À mon avis, il les envoie paître.

Il est trop gentil, Bernard Sévigny. Cette insulte aurait dû lui glisser dessus comme sur le dos d'un canard, car Sherbrooke n'a rien d'une ville morte. Il aurait aussi pu être cinglant à l'égard de cette bête accusation. Être aveugle devant l'effervescence qui règne ici relève de la mauvaise foi. Sherbrooke n'est pas Montréal ou Québec… et c'est bien tant mieux.

Une critique devrait être prise au sérieux seulement si elle vise juste… Mais à Sherbrooke, on a l'épiderme un peu trop sensible. Ainsi, face au blasphème, si on est incapable de se taire, vaut mieux répliquer avec aplomb.