Des jeunes qui font du trois-skis dans la côte King. Des policiers qui patrouillent en ski-doo. Des conversations sur la météo avec de purs inconnus («Y a neigé, hein?» «Mets-en!» «On en a eu une grosse. Même ma souffleuse m'a lâché.» «Lâche pas!?»). Un représentant de la Ville de Sherbrooke qui dit aux nouvelles qu'un déficit est inévitable avec toute cette neige (on s'en fout; on veut juste que les rues soient déblayées comme du monde). On se souviendra longtemps de ce 7 mars 2011 et de cette tempête qui a transformé l'Estrie en un semblant de village du père Noël.
Étant redevenu un skieur au début de l'hiver, j'ai accueilli cette neige avec joie et contentement; il me reste encore quelques belles fins de semaine de ski alpin avant la fin de la saison. D'ailleurs, je me suis promis que j'irais encore au mont Orford, juste au cas, même si ses publicités télévisées rivalisent de nullité avec celles des Résidences Soleil.
Personne ne le souhaite, mais comme nous le rappelait récemment Radio-Canada, cette station de ski pourrait connaître le même sort que celle de Montjoye à la fin de l'hiver, soit le démantèlement de ses installations (en plus de celles du terrain de golf). Après la date butoir du 23 mars prochain, si aucun partenaire sérieux ne soumet de proposition à la MRC de Memphrémagog, le scénario catastrophe sera envisageable. Heureusement, plusieurs entreprises auraient montré de l'intérêt envers le projet de «société d'économie mixte» (la formule public-privé retenue par la MRC). Reste à savoir si elles ont les reins assez solides pour allonger le magot nécessaire (1,5 million de dollars).
Avant de se prendre la tête
Juste pour un court instant, envisageons l'option pessimiste…
Orford sans station de ski, ça ressemblerait à quoi? À un village fantôme? Qu'adviendrait-il de ces commerçants et hôteliers qui dépendent de la manne de skieurs? De plus, la chute de la valeur des propriétés aux abords de la montagne serait inévitable, non? Difficile de contourner le principe de l'offre et de la demande…
Les différents groupes d'environnementalistes et de citoyens ont fait leur devoir en montant aux barricades pour revendiquer que les 459 hectares de terrain qui allaient être vendus soient réintégrés au Parc national du Mont-Orford. On salue leur victoire. Toutefois, sachant qu'ils risquent de se retrouver le bec à l'eau, est-ce que les résidants d'Orford regrettent aujourd'hui d'avoir milité en grand nombre aux côtés de Clémence DesRochers? Je pose la question.
On ne peut pas être contre la vertu… sauf peut-être lorsque celle-ci risque de nuire à la collectivité.
Mais attendons quelques semaines avant de se prendre la tête et de regretter d'avoir fait fuir les investisseurs de l'époque. D'ici là, on se croise les doigts.