L’écho des Cantons

Un certain cynisme

Au cour de l'été, alors que vous étiez sûrement en vacances, la deuxième mouture du spectacle Omaterra (le «Grand Spectacle de l'eau» de la Ville de Sherbrooke) s'est un peu fait brasser la cage. Avant même le bilan de fin de saison, plusieurs médias s'en sont donné à cour joie pour souligner que les gradins de la place Nikitotek ne sont pas pleins tous les soirs. Pressés d'enterrer la bête?

«Omaterra à marée basse», titrait La Tribune. «Une moitié de saison décevante pour Omaterra», pouvait-on lire dans Le Journal de Sherbrooke. Et je vous épargne ce qui s'est dit à la télévision et à la radio lors des bulletins de «nouvelles»…

Pourquoi tant d'acharnement alors qu'il est beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions (même subjectives)? Il est tout à fait normal que l'équipe de Destination Sherbrooke (qui gère la production du spectacle) attende la dernière représentation d'Omaterra pour commenter la saison et communiquer les chiffres. L'été manque-t-il d'action à ce point pour que les journalistes créent des nouvelles à partir de leurs impressions? Si c'est ça un scoop, je peux en pondre à la pelletée!

Évidemment, souligner au crayon gras que les gradins ne sont pas pleins, ça n'aide pas le spectacle. Personne ne veut aller souper dans un restaurant vide, et lorsqu'on entre dans un bar qui compte seulement quelques têtes de pipe au comptoir, on revire habituellement de bord.

Si le monde attire le monde, l'absence de monde peut faire peur aux curieux.

Ma ville, mon show?

À mon avis, l'attitude des médias à l'égard d'Omaterra relève d'un certain cynisme.

Ce cynisme, je crois qu'il affecte également plusieurs Sherbrookois. À quelques reprises, Destination Sherbrooke a indiqué que si la population de Sherbrooke s'appropriait le spectacle, les retombées seraient grandes.

La bonne question à se poser est donc la suivante: pourquoi les Sherbrookois tourneraient-ils le dos à «leur» spectacle? Mon hypothèse, c'est qu'ils ne s'y reconnaissent pas. Difficile de s'attacher à quelque chose qui nous semble étranger, qui ne fait pas vibrer la «fibre patriotique sherbrookoise» en nous.

Et à force de se faire dire qu'il faudrait en être fiers (et que les gradins sont vides), plusieurs carburent au cynisme. C'est malheureux. Peut-être y a-t-il eu maldonne dans la manière de «vendre» ce spectacle.

Et pourtant…

Cette semaine, par une des plus belles soirées de l'été, je suis allé voir Omaterra.

Accompagné de ma filleule de six ans, j'ai pris place dans une foule dense et enthousiaste. Alors que je prenais des notes pour faire ma critique de «l'an 2» du show (à lire dans le Voir Estrie de cette semaine), ma petite adjointe s'est juchée sur mes genoux pour ne rien rater. Pendant 1h30, elle fut attentive et fascinée. «Et je n'ai même pas eu peur du gros monstre parce qu'on voyait ses petites pattes en dessous.» Elle n'a pas aimé sa soirée, elle l'a ADORÉE!

En tant que Sherbrookois majeur et vacciné, j'ai beau ne pas trop me reconnaître dans ce spectacle, force est d'admettre qu'Omaterra, l'an 2 livre la marchandise (ma critique en fait état). Êtes-vous prêts à me croire si je vous conseille d'y aller en famille?

En somme, ne creusez pas trop vite la tombe du Grand Spectacle de l'eau, car la bête fait preuve d'une étonnante vigueur.