J’ai une relation ambigüe avec Twitter. Et la lecture d’une brève dans le Time du 28 novembre dernier est venue me troubler davantage.
Cette édition du magazine portait sur les inventions de l’année. L’une d’elles est un algorithme qui utilise Twitter comme matière première et qui, par une sorte d’alchimie, en extirpe du profit.
Comment des millions de commentaires de 140 caractères peuvent-ils se transformer en argent? Johan Bollen, un chercheur de l’Université de l’Indiana, a réussi à établir un parallèle entre l’humeur des twitteurs et les «très émotifs» marchés boursiers. Par une recherche de mots-clés liés aux émotions, il est possible de prévoir les fluctuations en Bourse, et ce, trois jours d’avance. Et les résultats sont probants.
Étrangement, le petit oiseau bleu peut se transformer en oie qui pond des œufs d’or. Comme dirait Charles Tisseyre: «C’est fascinant»!
Je ne pense pas que mes humeurs de twitteur aient permis à une tierce personne de faire de l’argent, mais il y a tout de même là quelque chose d’agaçant.
Mais mon malaise quant à Twitter vient surtout du fait que je n’ai pas trouvé ma «voix de twitteur» (un proche parent de la voix intérieure).
Comme bien des journalistes, dès que je me suis ouvert un compte, j’ai commencé à utiliser l’outil pour créer du trafic sur les pages Web de mes chroniques et de mes articles. La règle est simple: plus un texte prend de l’élan grâce à Twitter, plus il est lu.
Mais si l’«autopromotion» n’est pas un crime, elle peut envoyer un drôle de message. Ne veut-on pas que les journalistes soient ouverts sur le monde au lieu d’être nombrilistes? Ne devraient-ils pas consulter (et suggérer) des médias autres que les leurs?
Un article de Stéphane Baillargeon dans Le Devoir du 24 novembre dernier allait en ce sens. Dans Médias traditionnels. Le mauvais usage de Twitter, le journaliste rapportait les résultats d’une étude américaine récente. Le portrait dressé mérite réflexion. Neuf fois sur 10, les représentants des médias gazouillent des nouvelles qu’ils ont eux-mêmes générées. Baillargeon soulignait que Twitter était devenu un étrange fil de presse en ligne, où chacun renvoie à sa cour (ou à son nombril).
Heureusement, certains journalistes utilisent Twitter avec davantage de dynamisme et d’indépendance (comme Nathalie Collard de La Presse, qui fut généreuse en résumés lors du récent congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec), et cela m’apaise un peu.
Allez. Je fais la paix avec Twitter. Et si à l’occasion je l’utilise à mon profit (une rechute n’est jamais loin), dites-vous que c’est de bonne guerre.