L’écho des Cantons

La prochaine bataille

Il ne faudrait pas gagner une bataille pour subséquemment en perdre une autre qui, à mon avis, est de plus grande importance.

Alors qu’une maladroite négociation bourrée d’exemples de «à ne pas faire» semble vouloir prendre forme au Québec entre le mouvement étudiant et le gouvernement, mes inquiétudes portent sur la qualité de l’enseignement (une fois que la hache de guerre sera enterrée et que la poussière sera retombée).

À court ou moyen terme, des changements radicaux sont à prévoir quant à la dynamique professeur-étudiants. L’administration universitaire devrait être soumise à un plus grand contrôle (sur cet aspect, l’argumentaire étudiant tient solidement la route), mais je suis d’avis que nos universités doivent avoir les coudées franches afin de relever les défis pédagogiques annoncés. La comptabilité créative a ses limites.

Where Did the Prof Go?, titrait le magazine Maclean’s dans son édition du 30 avril dernier. Le problème soulevé émane du sous-financement de certaines universités qui, en manque de personnel enseignant qualifié, se tournent par dépit vers l’usage des technologies.

L’exemple de Maclean’s provient de l’Université du Manitoba, qui offre désormais quelques cours de manière «mélangée» (blended). Les séances de théorie sont remplacées par des vidéos à visionner en ligne, et les étudiants vont en classe uniquement pour quelques séminaires supervisés par des étudiants diplômés (les professeurs ayant d’autres chats à fouetter).

Est-ce que la situation de cette université constitue une exception? Non. Tout le pays est dans la mouvance. Par exemple, l’Université York offrait 11 cours de type «mélangé» en 2011-2012, et elle en aura 75 l’an prochain. Et au Québec, alors que certains luttent pour une éducation «belle, bonne et pas chère», il est à parier que nos universités prendront ce virage avec un empressement renouvelé…

Mais attention aux dérapages! Les «cours mélangés» semblent «faire la job», mais des doutes demeurent quant à la qualité de cet enseignement alternatif – et, par le fait même, quant à celle de l’apprentissage des étudiants. On vante souvent (avec raison) les vertus des technologies en éducation, mais la vigilance est de mise lorsqu’une approche découle de contraintes budgétaires.

Les économies sont alléchantes. De nombreux étudiants qui suivent leurs cours tout en restant à la maison devant l’ordinateur, ça nécessite moins de bâtiments à construire, mais aussi, moins de professeurs à embaucher… Je vois là un autre dérapage possible, une autre lutte à mener.