Détresse et enchantements
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Détresse et enchantements

En ce printemps détraqué où l'Atlantique vire au noir, où les forêts du Québec flambent, où le gouvernement Charest passe plus de temps à se faire pardonner l'impardonnable qu'à gouverner et où celui de Harper fait montre d'un mépris de moins en moins subtil à l'égard de la culture québécoise, vous êtes comme moi souvent tentés, j'en suis sûr, de vous barricader chez vous, de couper la radio et la télé et de vous consacrer à la philatélie.

Permettez-moi tout de même de partager avec vous cette petite liste de consolations montréalaises, trouées de soleil dans le ciel bas de ce début juin.

1. Poignet d'amour

Ça commence par une mauvaise nouvelle. Début mai, à moins d'un mois des festivités, les organisateurs des FrancoFolies apprenaient qu'à la suite d'une soudaine modification des règles d'attribution, Industrie Canada n'allait pas remettre au festival une subvention de plus de 1,5 million de dollars, subvention pourtant obtenue l'an dernier.

Dorénavant, seuls deux événements par ville canadienne bénéficieront de cette enveloppe. À Montréal, unfortunately, les Francos ne font pas partie du duo chanceux (voilà envolé 15 % du budget annuel!).

Ce festival étant le plus important événement dédié à la culture francophone en Amérique du Nord, difficile de ne pas y voir, une fois de plus, un pied de nez conservateur au Québec.

Pendant que l'affaire fait couler l'encre et attise les polémiques, l'organisation a mis en circulation il y a quelques jours, histoire de ne pas trop compromettre sa programmation 2010, des bracelets aux couleurs du festival remis à toute personne prête à donner 5 $ ou plus pour soutenir l'événement.

Ça s'envole comme des petits pains, paraît-il. Pour savoir où acheter le vôtre: francofolies.com.

2. Festiville

Parlant de festivals, ils sont pas moins de 11 à avoir annoncé, le 31 mai, prendre part au tout nouveau Collectif de Festivals Montréalais. Parmi eux, Fantasia, Nuits d'Afrique, Montréal Complètement Cirque, Osheaga…

Ceux qui d'ordinaire jouent du coude ont choisi de plutôt se les serrer, les coudes, à l'intérieur d'une organisation qui a pour but de coordonner les activités de diffusion et de promotion de ses membres sur les scènes nationale et internationale.

En quoi est-ce une bonne nouvelle pour le commun des festivaliers? Parce que tout le monde gagne à ce que l'offre festivalière de l'autoproclamée "ville des festivals" soit connue à travers le monde et en fasse un rendez-vous incontournable pour le touriste épris de culture.

3. Descendre dans la rue

Quiconque est récemment passé par Barcelone, Aix-en-Provence ou Nancy en conviendra: en matière d'espaces piétonniers, Montréal n'est pas exactement parmi les leaders.

Or, un pas à la fois, les piétons gagnent du terrain. Pendant que des projets audacieux sont à l'étude à l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, entre autres, la rue Sainte-Catherine devient de nouveau piétonne cet été, entre Berri et Papineau.

Pendant 111 jours, cet axe majeur du centre-ville se transformera en succession de terrasses, et si les perspectives architecturales du secteur ne rivalisent pas avec la place Stanislas de Nancy, côté ambiance, on ne devrait pas avoir à rougir. Info: aireslibres.com.

4. Insupportable!

C'est devenu le grand rendez-vous des adeptes d'un humour aux dents longues; de ceux dont la devise est "mieux vaut en rire que d'en pleurer".

Imaginé par Brigitte Poupart et Michel Monty, le Cabaret insupportable voit défiler des comédiens (dont Christian Bégin et Didier Lucien) et artistes de la chanson (Marie-Jo Thério, Florence K et d'autres) dans une grande fête de l'autodérision où prestations criardes et discours creux deviennent délices (dernières représentations de ce Cabaret troisième mouture les 7, 8, 14 et 15 juin, au Lion d'Or).

Boris Vian n'a-t-il pas dit: "N'importe quel objet peut être un objet d'art pour peu qu'on l'entoure d'un cadre."

5. Jazz club

Parlons-en, de Vian. La très étonnante Horde Vocale présente, les 4 et 5 juin à la maison de la culture Ahuntsic, Moulins à Vian, une exploration jazzée de la vie, l'ouvre et les idées de l'auteur de L'Écume des jours (l'extrait attrapé dans le hall du TNM il y a quelques semaines, le soir de la première de la pièce Et Vian! dans la gueule, était simplement exquis).

Pour tous ceux qui, comme moi, trouvent qu'un peu de Vian par-ci par-là, en cette année politiquement si fade, ça ne fait pas de tort…

Vian qui d'ailleurs disait que "les gens sans imagination ont besoin que les autres mènent une vie régulière".

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Des êtres qui n'ont pas peur de s'écarter du prévisible et du régulier, notre édition de la semaine en présente plusieurs.

Parmi eux, le chouchou du cinéma québécois Xavier Dolan, qui rentre tout juste de Cannes, Jean-Louis Murat, l'une des têtes d'affiche des Francos, et Nancy Huston, avec laquelle Christian Saint-Pierre a eu un entretien passionné au sujet de son roman Infrarouge.

Et puisque cet assommant printemps finira bien par se muer en été, nous y allons de nos recommandations culturelles estivales.

À vous de jouer!