Aux commandes de son Spitfire, il était paraît-il redoutable.
Durant la décisive bataille d'Angleterre, en 1940, bataille dont il est l'un des seuls pilotes encore vivants, il en a fait baver à la Luftwaffe, l'aviation allemande. Puis son avion a été descendu, et lui grièvement blessé.
Aujourd'hui, à 90 ans, penché sur sa canne mais le visage ouvert, bienveillant, Henry Daoulas n'a pas exactement le profil d'un pilote de chasse. Quelques décennies ont passé depuis ses derniers exploits aériens, il faut dire.
Je le retrouve avec plaisir, en ce 18 juin 2010, devant le monument à Charles de Gaulle du parc Lafontaine (peu de gens savent que le grand obélisque de béton, du côté de la rue Sherbrooke, est dédié au célèbre général).
Henry Daoulas est là en compagnie de ses copains, membres de la Fédération des anciens combattants français de Montréal, à l'occasion de la commémoration annuelle du fameux appel prononcé par de Gaulle sur les ondes de la BBC, le 18 juin 1940. Le coup d'envoi historique de la résistance à l'invasion nazie.
"La France a perdu une bataille, mais la France n'a pas perdu la guerre…"
Des résistants authentiques, de ceux qui ont suivi le général il y a 70 ans, il y en a trois parmi nous. Henry Daoulas, donc, mais aussi Yves Gourvil et Paul Roederer. Il n'y a pas si longtemps ils étaient encore une petite dizaine, dont mon grand-père, mort fin 2005.
Mon grand-père, André Malavoy, résistant de la première heure, intégré au réseau de radio clandestine Johnny, chargé de transmettre à Londres des informations depuis la France occupée, puis fait prisonnier début 1942 et déporté vers le camp de Mauthausen, dont il allait miraculeusement ressortir 39 mois plus tard (une histoire à peine croyable, qu'il a racontée dans La mort attendra, un livre paru en 1961 et réédité l'an dernier chez Typo).
Ce même grand-père qui, bien plus tard, alors que j'avais 15 ou 16 ans, m'a demandé de venir dire l'Appel une première fois devant son petit groupe, lors de cette cérémonie du 18 juin. Je n'en ai pas manqué une depuis.
Peu de gens dans la vie m'ont inspiré autant que ces combattants au front dégarni, héros d'un temps à la fois si proche et si lointain.
On a beau défendre des idées pacifiques, être plus sensible à la figure de Gandhi qu'à celle de quelque chef d'armée, il y a des moments où il y a une noblesse dans le fait de prendre les armes.
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Le 30 juin débute à DHC/ART, dans le Vieux-Montréal, une exposition de Jenny Holzer, l'une des grandes figures de l'art conceptuel des 30 dernières années (à lire en section Arts visuels: notre entrevue avec l'artiste).
Jenny Holzer s'intéresse beaucoup à la thématique de la guerre, mais son travail fait surtout écho à ces guerres tordues dont les motivations sont aussi claires qu'un verre de pétrole. Elle signe par exemple des ouvres inspirées de cartes militaires et de documents déclassifiés sur l'invasion de l'Iraq par les États-Unis, ou encore d'empreintes digitales de militaires accusés de crimes. Elle fait entre autres référence à des dossiers gouvernementaux caviardés (dont certains mots ont été masqués) par les censeurs pour cause de contenu trop sensible pour une diffusion publique.
Il y a évidemment une quête esthétique dans le travail de Jenny Holzer, connue pour chercher à faire du beau avec du laid. Mais son ouvre semble d'abord motivée par le souci de provoquer une réaction chez le spectateur, de lui faire mesurer les incohérences de sa société.
Si la guerre donne parfois lieu à des gestes magnifiques, à l'expression de ce que l'être porte de plus grand et de plus lumineux, elle est d'abord quelque chose de foncièrement sale, appuyée sur des arguments sournois, souvent mensongers – l'histoire militaire est remplie de "bonnes raisons d'attaquer" parfaitement fabriquées, la récente administration Bush nous ayant fourni quelques-uns des plus éloquents exemples en la matière.
À une époque où l'art se résume souvent au divertissement, il est bon de voir qu'il peut encore contribuer à la mémoire du monde, à montrer ses dérives comme ses victoires morales.
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Après ces FrancoFolies hâtives, qui à défaut d'avoir fait l'unanimité nous ont donné plusieurs grands moments, place au Festival International de Jazz, qui démarre sur les chapeaux de roue avec le légendaire Herbie Hancock, toujours aussi vert à 70 ans passés, mais aussi Wallace Roney, Eric Burdon, Gil Scott-Heron…
Puisse leur musique adoucir nos mours.
Le monde a bien changé depuis l’époque de la 2e guerre mondiale. Les Spitfires ont été remplacés par des F-18 : c’est autrement plus impressionnant et performant. Même les guerres d’invasion d’autrefois ont été remplacées par des guerres idéologiques comme celles de la guerre froide. Ce vétéran savait pour quoi et pour qui il combattait alors que maintenant on lutte pour des idéologies ou des ressources naturelles comme le pétrole: c’est beaucoup moins motivant. La guerre se fait maintenant en appuyant sur des boutons et pas mal moins à bras comme à son époque. C’est parfois noble de prendre les armes mais quand on est pogné avec des tyrans comme Hitler, Mussolini, Hiro Hito et Staline, il ne faut pas se méprendre : il n’avait pas vraiment le choix.
La nature des guerres a changé, j’en conviens avec vous, Monsieur Parisien. En revanche, il est faux de dire que les Français de 1940 « n’avaient pas le choix ». Plusieurs ont de fait considéré avoir le choix, puisque l’appel du 18 juin n’a ralié au départ que quelques milliers de personnes à travers la France, qui comptait alors plus de 40 millions d’habitants.