22 septembre 2010. Pour une huitième année consécutive, c'est "journée sans voiture" au centre-ville. Enfin, sans voiture entre 9 h et 15 h 30, ce qui veut dire que les automobilistes ont fait comme tous les jours, mais que la Sainte-Catherine a connu quelques heures d'un calme étrange, vaguement post-apocalyptique, aussi agréable qu'inutile.
Le junkie saute une dose, l'ange de la bonne conscience caresse la cité de son aile, et puis hop! on repart les machines, the show must go on. Show de boucane, il va sans dire.
Bon d'accord, "inutile" est un peu fort. Pendant ces quelques heures, on respire à fond; les accros du char, l'afflux d'oxygène au cerveau aidant, réfléchissent aux moyens alternatifs de se rendre au bureau; les plus fous rêvent de projets de piétonisation réellement ambitieux…
Une bouffée d'air, donc, une parenthèse. Une occasion de brandir quelques statistiques qui détonnent dans la déprime environnementale ambiante. Les organisateurs de la JSV nous apprenaient par exemple que ces dernières années à Montréal, l'utilisation de l'automobile a diminué pour la première fois en 40 ans. OK, on parle d'une baisse de 1 %, mais tout de même.
Le happening est surtout l'occasion de mesurer notre difficulté chronique, nous êtres humains, ultimes fruits de l'évolution, à passer de la conscientisation à une réelle modification de nos habitudes.
Les obstacles que rencontre Barack Obama dans sa croisade pour sensibiliser la population américaine aux dangers d'une dépendance au pétrole en disent long: avant de changer les comportements d'un continent dont l'essence coule dans les veines, littéralement, la désintox risque d'être longue.
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La "journée sans" est un concept répandu. Parmi les plus populaires, citons la Journée sans achats, le 28 novembre: 24 heures de sevrage consumériste, à remettre ses emplettes au lendemain.
Il y aussi la Journée sans viande, le 20 mars, créée par les organismes luttant pour les droits des animaux et durant laquelle de plus en plus de gens jouent les végétariens d'un jour (brève abstinence suivie, on le devine, d'une orgie de hot-dogs et de grillades).
Citons encore la Journée sans tabac (31 mai), journée que 25 % de la population termine en grognant, les yeux exorbités; la Journée sans téléphone mobile (6 février), judicieusement tenue le jour de la Saint-Gaston, en référence au classique de Nino Ferrer ("Gaston y'a l'téléfon qui son"…).
L'une des dernières en date, la Journée sans Facebook (28 février), vise à "lutter contre la cyber dépendance", mais aussi à réfléchir à "la sécurisation d'un outil perméable à de nombreuses attaques et au pillage d'information".
Des plus militantes aux plus fantaisistes, les "journées sans" relèvent sans doute moins d'une radicale remise en question de nos habitudes que du souci d'un régime équilibré. Ce qui n'aurait pas déplu à Aristote, qui situait le bon comportement dans un juste milieu entre deux excès.
Que la démarche soit concluante ou non, ces petits carêmes contemporains répondent sans doute à un besoin plus profond encore, qui ne disparaîtra pas avec nos églises: le meilleur moyen d'expier ce dont on se sent coupable est encore l'aveu, puis la punition.
Comme dans le bon vieux temps, on passe au confessionnal, on tient ses résolutions quelques heures et puis on remet ça.
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Pour Alexandre Arthur Bilodeau, de la formation Radio Radio, le 15 septembre aura été la journée sans culottes. Ce jour-là, notre photographe Jocelyn Michel entraînait le groupe dans un pur délire, celui de pasticher Dalí, Popcorn Nude, l'une des célèbres photos d'inspiration surréaliste réalisées par Philippe Halsman dans les années 1940, en collaboration avec Dalí lui-même.
Puisse le résultat vous plaire autant qu'à nous. Dans la "Gémeaux winner" émission Voir (grand merci au passage à vous tous qui nous regardez les mercredis à 21 h, sur les ondes de Télé-Québec, en rediffusion les jeudis, vendredis et samedis!), vous pourrez d'ailleurs assister cette semaine au making of de cette historique session photo.
Sinon, ne manquez pas dans cette édition notre entretien avec David Suzuki, pour qui nos préoccupations environnementales devraient s'incarner 365 jours par année, de même que nos tête-à-tête avec Jérôme Minière, Sylvie Léonard, Serge Denoncourt…
Si la formule n'était pas aussi connotée, j'ajouterais "bonne semaine!"