Suivez l'audioguide!
Mots croisés

Suivez l’audioguide!

J'ai un principe: les jours fériés sont des jours suspendus, en dehors de la routine, il faut en profiter pour faire ces choses que l'on remet toujours au lendemain.

J'étais donc enchanté qu'on me donne, en cette belle et tonique journée de l'Action de grâce, l'occasion de remplir une promesse que je me fais souvent à moi-même sans jamais trouver le temps nécessaire pour l'honorer: mieux connaître ma ville.

C'est le grand paradoxe citadin: nos vies sont ultraréglées, nos trajets quotidiens plus creusés que des pistes de cervidés, à tel point qu'on demeure étranger à sa propre ville, aveugle à mille choses que l'on a sous les yeux à longueur de journée.

L'occasion m'a été donnée, donc, de mieux connaître ce Montréal qu'on qualifie souvent de gâchis architectural; cette ville dont les plus cyniques disent qu'elle est au développement urbain ce que la all dressed est à la pizza.

L'invitation, reçue par courriel, proposait de remonter, grâce à un audioguide, aux sources du "Montréal moderne". Une activité lancée en marge de l'exposition du même nom présentée par le Centre d'histoire de Montréal (jusqu'au 13 mars 2011).

Lundi dernier, après avoir téléchargé sur mon iPod les pistes audio et le plan de la visite à www.montrealmoderne.net (pssst: vous aurez rarement mieux investi 8 $), je me suis dirigé vers la place d'Youville, derrière le musée Pointe-à-Callière, première étape du parcours.

J'avais jusque-là, je l'admets, un fond de scepticisme, ayant parfois l'impression qu'on se force un peu à la trouver belle, notre cité du nord, lui reconnaissant des charmes à moitié inventés. Scepticisme vite balayé. Pendant les deux heures et demie suivantes, accompagné par une trame bien pensée, aux interludes mêlant électro cool et bruitages urbains, j'ai littéralement redécouvert ce secteur que j'arpente pourtant depuis des années.

Depuis le port et le fameux silo no 5, dont on nous explique combien il est indissociable du "démarrage" économique de Montréal, donc de notre patrimoine, et après un arrêt à la hauteur d'Habitat 67 commenté par son architecte Moshe Safdie lui-même, c'est un grand voyage dans le temps qui s'engage – Griffintown, rue McGill, gare centrale, principaux gratte-ciels… -, au bout duquel on est convaincu d'une chose: si le cour de Montréal n'est pas le fruit d'un projet d'urbanisme à grande échelle, comme ceux qui ont modelé certaines capitales européennes, il témoigne avec pertinence, et souvent beauté, des multiples strates de son histoire.

Notre passé architectural est bourré d'erreurs et de relâchements esthétiques, ça saute aux yeux, mais il obéit à une cohérence qu'on ne peut saisir qu'en sachant ce qu'ont été, par exemple, les projets de développement ferroviaire du Canadien National (CN).

On dit qu'aimer, c'est d'abord connaître, comprendre. Je me dis que Montréal, un peu comme une ouvre d'art contemporaine que l'on doit apprivoiser pour en goûter toutes les couleurs, ne s'ouvre tout à fait qu'à ceux qui s'ouvrent aussi à elle.

La prochaine fois qu'un ami étranger en visite ici, ou un nouvel arrivant, tiens, vous demandera par où commence la découverte de Montréal, dirigez-le par là. Effet assuré.

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"C'est l'architecture qui exprime d'abord une civilisation."

La citation est de Jacques Ferron. Il a raison, le vieux docteur Ferron: comment dissocier notre compréhension des grandes civilisations de leurs legs architecturaux? Les pyramides égyptiennes, celles des Mayas, les temples grecs, les arènes romaines, autant de livres ouverts sur les préoccupations sociales, militaires, économiques, religieuses de leurs bâtisseurs.

Et nous, quel signal envoyons-nous, à travers nos tours et nos places, aux hommes et aux femmes de demain? Sommes-nous assez exigeants envers les décideurs municipaux quand ils confient ou approuvent les grands chantiers? Notre déception est-elle assez sonore quand ils font l'économie d'un concours d'architecture international?

Les plans des architectes ne touchent pas qu'au décor de tous les jours, ils sont la signature la plus visible de notre temps. "L'architecture, c'est de la musique figée", disait Goethe. À nous tous de faire en sorte que la symphonie montréalaise porte loin.

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Cette semaine, nous inaugurons en section Société une série de portraits consacrés à des gens souvent peu connus du grand public, mais dont nous croyons qu'ils jouent un rôle de premier plan dans la vie culturelle montréalaise.

Pour lancer la série, gros plan sur Melinda Pap, fondatrice de l'Atelier Punkt, dédié au design actuel. Melinda Pap qui, avec sa fougue naturelle, a d'ailleurs beaucoup parlé d'architecture avec notre collaboratrice Aurore Lehmann…