L'effet boomerang, ça s'appelle.
On tente par tous les moyens d'obtenir un résultat, mais oupelaï, on obtient le résultat inverse.
En lançant leur abrutissante ritournelle PUCAPAB, le 6 février, les ténors québécois du Parti libéral du Canada que sont Denis Coderre et Justin Trudeau ont certes contribué à ternir un peu plus, comme si besoin était, l'image de Stephen Harper à l'est du 80e méridien.
Ils ont aussi, comme le soulignait de bonne grâce ma collègue Josée Legault, répliqué avec plus de savoir-vivre que leurs adversaires aux récentes pubs conservatrices présentant Michael Ignatieff comme un suppôt de Satan.
Mais ils ont surtout fait l'ultime démonstration de:
1) l'insondable vacuité de leur discours politique à eux;
2) leur incapacité chronique à incarner ceux qui, devant les Maxime Bernier de ce monde, défendront la langue française au Québec;
3) leur invraisemblable manque de goût musical…
Tous les courants politiques n'ont pas un Loco Locass de leur bord, que voulez-vous… À côté de Libérez-nous des libéraux, hit incontesté de la chanson politisée made in Québec, PUCAPAB a la virulence d'un refrain d'Annie Brocoli:
Les conservateurs ne pensent qu'à punir
Ceux qui les contestent n'ont qu'à bien se tenir
Si t'es pas d'accord avec Stephen Harper
Y vont t'insulter, essayer de t'faire peur
Oui, moi aussi ça me fait penser aux comptines qu'apprend mon garçon de trois ans à la garderie.
Au moment où on a désespérément besoin d'un propos politique articulé, d'idées neuves, d'une grille moderne pour comprendre le monde, on nous sert un ramassis de formules bon enfant, un épouvantail en papier mâché…
Mais la cerise sur le sundae, c'est quand même d'entendre Justin Trudeau, qui n'en est pas à une pitrerie près (vous n'avez pas encore vu sa cascade aux Francs-tireurs? Allez, faites-vous plaisir: lesfrancstireurs.telequebec.tv/episode.aspx?id=43), et Denis Coderre soutenir qu'il y a dans cette «offensive francophone» spécialement formatée pour le Québec «une réponse au député conservateur Maxime Bernier qui a déclaré la semaine dernière que nous n'avions pas besoin de la loi 101 pour protéger le français».
Parlant de maxime, sans doute est-ce une curieuse interprétation de celle voulant qu'il faille combattre le feu par le feu… Si les politiciens d'ici ne sont pucapab de s'exprimer mieux que mon petit garçon de trois ans, alors oui, le français est en péril sous nos latitudes.
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Allons, fermons un moment le robinet critique, le temps d'apprécier le beau côté de l'affaire. Vous avez le nez dans un journal culturel, après tout.
Il est plutôt mignon, vous serez d'accord avec moi, de voir un parti véhiculer son message à travers une chansonnette. Ça nous change de l'artillerie lourde.
«La vie, c'est plus marrant / C'est moins désespérant en chantant», dixit ce bon vieux Sardou.
Attendez voir. Si l'arène politique était une comédie musicale, que pourrait bien être la chanson-réponse du Parti conservateur? Je me risque.
Mmmh, ce serait un western, évidemment. Sur un air de Willie Lamothe, tiens…
Mille après mille ça déboule
Dans la cagnotte du parti
T'as beau Justin pousser ton rap
Aux sondages c'est pas moi qui dérape
Il n'y a pas bien longtemps, souvenez-vous
Le PLC trempait dans le scandale
Le voilà qui nous fait la morale
Mais qui c'est qui est dans le crottin jusqu'au cou?
Mille après mille ça déboule
Dans la cagnotte du parti
T'as beau Michael cruiser les foules
C'est pas toi qui as le plus d'amis
Excusez-la.
Imaginez un peu, maintenant, ce qu'on pourrait faire de ce brouillon en faisant appel aux services de conseillers professionnels? Ben quoi, pensez-vous vraiment que les chansons-slogans sortent des calepins de ménestrels touchés par la grâce?
Vous êtes d'un romantisme… Puisqu'il faut tout vous expliquer, sachez que le «cri du cour» des libéraux est une ouvre signée… Turbo Marketing.
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La plume vous démange, vous aussi? Participez à la création collective PASCAPAB, lancée par nos amis du magazine alternatif BangBang.
D'ici le 20 mars, 23 h 20, heure exacte de l'arrivée du printemps, on recueille à bangbangblog.com vos contributions (vidéos, dessins, chansons, essais…), histoire de «proposer un discours politique qui serait autre chose qu'un gavage d'imbécilités».
ÇAVAFÈSSÉ, ce sera PASCROYAB.
Oh là là ! Un ton très éditorial. J’aime beaucoup. Voilà pour la forme. Le fond lui ? Je peux pas être plus d’accord. Je n’aurais juste pas eu la virulence pour le dire.
J’ai été tellement abasourdie en entendant la « mélodie » – je m’excuse tout de suite auprès du mot « mélodie » – si je ne m’abuse, à la garderie, ça s’écoute tout de même plus qu’une fois, c’est à la vingtième que l’on commence à se lasser, non ? Abasourdie au point que j’ai cru à une blague, mais ça avait bien l’air que c’est sérieux.
Y a pas à dire les chansons volent bas.
Bien d’accord!
Cela reflète de près une opinion que j’ai publiée dans Le Devoir de ce matin:
http://www.ledevoir.com/politique/canada/316545/lettre-les-campagnes-negatives-plus-capable
À quand le contenu?