DÉCROCHEUR: Qui quitte le système scolaire avant la fin de la scolarité obligatoire.
Au Québec, ça veut dire avant la fin du secondaire. Grosso modo avant 16 ans, donc. Une définition qui correspond actuellement à 11,7 % des élèves*. Il faut dire que les Québécois sont les champions du Canada en la matière.
Chez les garçons, ça grimpe à 22,6 %. Plus d'un sur cinq.
Quel que soit l'angle sous lequel on aborde la question, il faut bien appeler ça un problème de société.
En ce début de campagne électorale fédérale, alors que le terme "éducation" n'est encore une fois qu'un gros ballon soufflé à l'hélium entre les mains de clowns clientélistes (il y a vraiment quelque chose qui cloche dans ce pays, où l'éducation est de plus en plus assimilée à une business, et gérée comme telle, avec le peu d'altruisme et de vision que ça suppose), il faut ici comme en d'autres domaines chercher les bonnes nouvelles ailleurs que dans le cirque politique.
À la polyvalente Honoré-Mercier, par exemple.
Honoré-Mercier, c'est l'école de près de 800 jeunes de l'arrondissement Sud-Ouest de Montréal. Un coin tough, où les invitations à la délinquance et à la petite criminalité sont nombreuses, et où la proportion de garçons qui n'obtiendront pas leur certificat d'études secondaires avoisine… 50 %.
Où est la bonne nouvelle?
En 2009, pour contrer le décrochage et contribuer à ce que les adolescents associent l'école à quelque chose de positif, des parents, des professeurs, des entraîneurs et quelques policiers ont créé une équipe de football, Les Aigles.
Cette aventure, les cinéastes Sabrina Hammoum et Loïc Guyot en ont tiré un documentaire bouleversant, qui met des visages sur les statistiques. Loïc, un pote à moi, m'a invité la semaine dernière à la première de ce film joliment intitulé L'envol des Aigles.
Ouf.
Il y a, concentré dans ce moyen métrage, le pire et le meilleur de ce dont l'être humain est capable. L'égoïsme, l'apitoiement, la colère; la solidarité, le courage, la foi dans autrui. Sentiments contraires vécus par des personnages franchement attachants.
Il faut voir ce bum bien engagé sur la pente du crime qui va trouver dans le foot et surtout dans cette famille qui se crée autour du ballon ovale la structure qui manquait à sa vie. Ou encore cet ado comme il y en a tant, un peu trop gros, un peu trop timide et trop boutonneux pour appartenir à une bande, qui se convainc peu à peu de son inutilité jusqu'à ce que quelqu'un voie en lui un coéquipier.
Au centre du film, il y a aussi Jean-Charles Leclerc, policier, agent sociocommunautaire et l'un des principaux artisans du projet. Loin des stéréotypes de flics bourrus, adeptes du profilage racial et de la méthode forte, il incarne l'autre visage des forces de l'ordre, celles qui accompagnent même les voyous, la racaille comme dirait Sarkozy, en leur promettant qu'il y a une place pour eux dans la société.
Il y a encore le très coloré Simon Dupuis, charismatique entraîneur des Aigles, parfaitement conscient que le premier défi que ses joueurs ont à relever est moins d'ordre sportif que dans la compréhension même de ce que veulent dire effort et discipline.
Dans les deux cas, on parle d'hommes que le sport a autrefois aidés à sortir d'une mauvaise passe, et qui ont choisi de redonner.
L'envol des Aigles sera présenté en primeur à TV5, le mardi 5 avril à 21 h.
Cette histoire m'habite depuis une semaine. Je ne peux m'empêcher d'y voir un modèle, une initiative à répéter partout.
J'aimerais assez savoir ce que vous en pensez. Un avant-goût:
L'Envol des Aigles bande-annonce from sabrina hammoum on Vimeo.
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Une dernière statistique, en terminant. Chez les étudiants inscrits à un programme Sport-études, le taux de réussite scolaire se situe au-delà des 95 %. L'incitatif est fort, il faut dire: pas de succès sur les bancs d'école, pas de pratique sportive privilégiée.
Difficile de ne pas y voir une solution. Pas pour tous les jeunes, évidemment, mais pour un bon nombre d'entre eux. Étonnant qu'elle ne soit pas davantage évoquée dans les discours des politiciens.
Cette année, 44 établissements scolaires proposent des programmes Sport-études. Pas mal. Mais sur près de 500 écoles secondaires, c'est peu.
N'est-il pas temps de transformer l'essai?
* Statistique Canada, 2009-2010
Dans une société obsédée par l’idée de performance, facile de se percevoir comme un échec lorsqu’on arrive pas à performer académiquement, à réussir dans un système qui pense global avant de penser à l’unicité des individus.
Je vois le sport comme une façon de valoriser les efforts des jeunes. De lui dire si on réussit, c’est grâce à toi en partie, comment on reste unis et se supporte dans la défaite. À se relever ensemble dans le défaite, se retrousser les manches et recommencer. Une chance que le monde extérieur donne trop peu à ceux qui trébuchent.
J’ai eu une révélation récemment à lire des commentaires web (zone de défoulement collectif parfois) d’individus réagissant sur la hausse des frais de scolarité. Pour eux, il n’était pas question de dépenser un sou de plus de leurs poches pour ses jeunes paresseux alcooliques.
J’ai compris à la suite que pour plusieurs citoyens, l’éducation est vu comme une épine dépensière dans le pied qu’on aimerait bien parfois arracher pour pouvoir penser à d’autres choses comme… je sais pas… nous-même par exemple rapide.
Les intervenant de la polyvalentes Honoré-Mercier sont des modèles de citoyens et d’acteurs sociaux. Au lieu de sortir la solution bureaucratique miraculeuse d’un chapeau, ils se sont avant tout intéressés aux humains, à la communication entre eux et à la réussite émotive et personnel des jeunes. Des valeurs comme ça, on apprend pas ça dans un manuel ou dans un bulletin de note.
Merci aux réalisateurs, un film à mettre entre les mains de la Ministre Beauchamp au plus vite.
Sentiments d’appartenance, esprit d’équipe, volontarisme, leadership,…comme dans l’armée, paradoxalement, mais pas dans le même but.
Chapeau bas à ces gens qui nous montrent comment ne pas réinventée la roue à chaque fois, mais plutôt comment l’utiliser.
Proche article de celui de votre collègue (Steve Proulx: »Le pays étranger ») en terme d’éducation à la citoyenneté.