Vade retro Bertrand Cantat
J'ai passé les 48 dernières heures à me questionner sur moi-même. À me demander si j'avais toujours un cour, si je n'étais pas en train de devenir un monstre.
Est-il possible pour un esprit sain de partager aussi peu l'indignation de milliers de personnes devant la venue, l'an prochain sur les planches du TNM, de Bertrand Cantat?
Suis-je normalement constitué? Ai-je des capacités cognitives limitées en ne réussissant pas à faire le lien entre la participation du chanteur de feu Noir Désir à une mise en scène de Wajdi Mouawad et une quelconque approbation des gestes qu'il a posés, ou n'a pas posés, un soir de tragédie dans une chambre d'hôtel de Vilnius?
Oui, ça doit être ça, je n'ai pas la bosse de l'amalgame assez développée. Faudra en parler au médecin. «Doc, je suis inquiet. Plusieurs de mes concitoyens, et parmi les plus illustres, n'ont aucun mal à mettre dans le même panier le mec, l'artiste, le responsable d'homicide involontaire, l'homme libre qu'il est aux yeux de la loi depuis le 16 octobre 2007… Moi j'y arrive pas. Ça se soigne?»
Excusez-la. Depuis 48 heures, j'hésite entre le rire et les larmes.
/
J'ai été comme tout le monde bouleversé par la mort de Marie Trintignant, je suis le premier à voir dans la violence faite aux femmes l'un des plus graves problèmes qui soient.
J'ai eu du mal à reprendre mon souffle, en mars 2006, après que Jean-Louis Trintignant m'eut accordé une chaleureuse entrevue, à l'occasion de sa venue à la Place des Arts pour livrer sur scène des poèmes d'Apollinaire. Entrevue durant laquelle nous avions parlé de sa fille Marie, avec pudeur, franchise, humanité.
Je fais pourtant l'effort de ne pas me substituer à la justice, de ne pas rajouter des barreaux autour d'un homme qui vit déjà dans une prison mentale.
Je fais l'effort de ne pas prendre part à l'actuel festival du raccourci intellectuel, de la démagogie et du sophisme.
Ces derniers jours, des gens dont j'estime souvent les propos ont complètement perdu les pédales. Patrick Lagacé, qui est tombé à bras raccourcis sur Cantat, y allait par exemple d'analogies curieuses pour exprimer sa notion du pardon: «Au fait, parlant de réhabilitation, Guy Cloutier qui produit le Téléthon Enfant Soleil, ce serait un bel effort de réhabilitation, non! Et un poste pour Vincent Lacroix à la Caisse de dépôt, ça ne vous dérange pas trop, j'espère. Ou à votre Caisse pop, tiens…»
Euh, à moins que j'en aie loupé une, personne n'a demandé à Bertrand Cantat de parrainer un centre pour femmes battues.
Pendant ce temps, Richard Martineau officiait, sur les ondes comme sur son blogue, à quelques kilomètres d'un début de nuance. «Bertrand Cantat, le meurtrier de Marie Trintignant (qu'il a battue à mort, et qu'il a laissée agoniser sur le plancher pendant qu'il est allé cuver son vin dans son lit) sera sur la scène du TNM en mai 2012 à l'invitation du grand humaniste Wajdi Mouawad. Question: Mouawad et Lorraine Pintal vont-ils inviter Jean-Louis Trintignant pour qu'il puisse applaudir l'assassin de sa fille????»
/
À une époque où la pertinence se mesure en audimat et en milliers de clics, l'épisode nous oblige à nous interroger sur les prises de positions aux allures de shows de boucane.
Est-ce que le coup fumant médiatique justifie l'empressement de certains à sauter dans la mêlée, avant même d'avoir une réflexion digne de ce nom à proposer?
Je vous laisse répondre à la question.
Ce que j'ai lu de plus pertinent sur le sujet, pour ma part, émane d'une tribune microscopique, un îlot de la blogosphère guère connu du grand public: «L'art n'est pas là que pour montrer de belles choses, mais aussi pour mettre en lumière ce qu'il y a de laid et de terrible dans l'expérience humaine. C'est peut-être là l'essence de la tragédie: crier "haro sur le baudet", jeter la pierre au vilain Cantat pour mieux oublier ce qu'il y a de pourri en nous, la catharsis et tout le reste. Au fond, Mouawad est en train de nous enseigner quelque chose à propos de Sophocle.» (billet signé Samuel Mercier sur le blogue La Swompe – le marécage de la culture)
Mercier met le doigt sur ce qui me paraît être au cour de la question, et qui est totalement évacué par nos francs-tireurs de l'opinion: le rôle de l'art; la possibilité d'aborder à travers l'art des problématiques ultrasensibles, qu'on a échoué à aborder autrement.
Peu avant de boucler cette chronique, j'ai retrouvé dans ma bibliothèque un livre regroupant quelques ouvres de Sophocle, dont Les Trachiniennes, l'une des pièces faisant partie du Cycle des femmes que Mouawad s'apprête à monter. Je le survole depuis quelques minutes à peine quand je tombe sur cette phrase: «Devant les fautes involontaires, la rigueur des lois s'adoucit. Ton erreur est pardonnable.»
À ne pas prendre au premier degré, svp. Mouawad n'adresse pas ces mots à son ami. Mais il faut le sous-estimer beaucoup pour ne pas croire qu'il a son idée derrière la tête, et qu'au prêchi-prêcha des ténors de la bonne conscience, il répondra par l'intelligence artistique.
/
Un mot pour vous remercier, en terminant, de votre fidélité. Nous avons été informés il y a quelques jours des résultats de l'étude PMB 2011, qui indiquent une hausse marquée du lectorat de Voir Montréal. Vous êtes maintenant 325 000 à nous lire chaque semaine, une augmentation de 9 % par rapport à l'année dernière.
En pleine crise de l'imprimé, nous mesurons la valeur de cette marque de confiance. Et allons tout faire pour demeurer à la hauteur.
Texte qui porte à réfléchir. Très apaisant dans cette cohue.
Premier texte intelligent que j’ai lu sur la question!
«Devant les fautes involontaires, la rigueur des lois s’adoucit. Ton erreur est pardonnable.»
Et à quel degré est-on censé le prendre? Mouawad agit avec le cynisme catholique en drapant le coupable du noble sentiment de pardon. Les évêques n’ont-ils pas réclamés qu’on leur pardonne d’avoir été pédophile? Tant pis pour les victimes. Elles n’existent pas, surtout quand elles sont mortes. Il serait peut-être temps qu’on en revienne à la pensée humaniste au théâtre comme ailleurs avant l’indigestion de relativisme moral à la sauce religieuse.
Pour parler de l’assassin, doit lui donner une tribune? Certainement pas.
Bravo et merci pour votre courage, Monsieur Malavoy-Racine! Il en faut pour aller ainsi à contre-courant…
J’ai moi-même commis un texte dans mon blogue, un peu trop long pour être reproduit ici, qui va dans le même sens que le vôtre. Ça s’intitule « La Meute ». Si le coeur vous en dit :
http://lachaine.eklablog.com/la-meute-a3372046
Molière a eu cette boutade extraordinaire: » Le théâtre, c’est fait pour être vu! »
Et qui donc sera très en vue dans le show Mouawad-Cantat?
Et le rock « d’enfer », quelle voix magnifique dans l’au-delà nous empêchera-t-il d’entendre?
Et pourquoi donc crions-nous si forts, nous Québécois?
Nous n’aimons pas ça être acteurs de la pièce, dans la salle, par les bons soins du TNM?
Vous m’étonnez…
Suite et fin, en ce qui me concerne… Merci à tous ceux et celles qui ont pris la peine de me lire.
http://lachaine.eklablog.com/un-homme-seul-a3379864
Je dirai ceci, qui sommes-nous pour juger un homme qui a déjà été jugé d’un homicide INVOLONTAIRE? Et des dires de la Mme Verner que si le PC est réélu, jamais Cantat ne mettra les pieds au pays, NON MAIS!!!
Qu’on commence à se questionner sur le fait que nous autorisons la Charia dans certaines provinces et que ces femmes défigurées ou même tuées pour adultère (soit disant) ne seront point protégées par notre société ainsi que son propre système judiciaire.
Que faisons nous à notre pays lorsque nous autorisons ces manières arrièrées et les tolérons? Qui sommes-nous pour juger d’un acte ou seul Cantat devra vivre avec les lourdes conséquences? Et surtout, qui sommes-nous pour interdire la liberté d’expression par cet acte artistique qui sera (comme toute les œuvres de Mouawad) marquant de par ses réflexions.
En fait, en sommes-nous rendu au temps moyenâgeux où les artistes, les auteurs mais surtout les idées étaient souvent réprimées parce que le monarque ou la Sainte église trouvait que cela risquait d’élever la conscience populaire?
Cela est le reflet de notre collectivité nourrit à la polémique et aux nouvelles en boucle.
Je dirai ceci, qui sommes-nous pour juger un homme qui a déjà été jugé d’un homicide INVOLONTAIRE? Et des dires de la Mme Verner que si le PC est réélu, jamais Cantat ne mettra les pieds au pays, NON MAIS!!!
Qu’on commence à se questionner sur le fait que nous autorisons la Charia dans certaines provinces et que ces femmes défigurées ou même tuées pour adultère (soit disant) ne seront point protégées par notre société ainsi que son propre système judiciaire.
Que faisons nous à notre pays lorsque nous autorisons ces manières arrièrées et les tolérons? Qui sommes-nous pour juger d’un acte ou seul Cantat devra vivre avec les lourdes conséquences? Et surtout, qui sommes-nous pour interdire la liberté d’expression par cet acte artistique qui sera (comme toute les œuvres de Mouawad) marquant de par ses réflexions.
En fait, en sommes-nous rendu au temps moyenâgeux où les artistes, les auteurs mais surtout les idées étaient souvent réprimées parce que le monarque ou la Sainte église trouvait que cela risquait d’élever la conscience populaire?
Cela est le reflet de notre collectivité nourrit à la polémique et aux nouvelles en boucle.
Cantat a TUÉ Marie Trintignant à coups de poings, point à la ligne!
À chacun qui voit cet acte comme une simple erreur de parcours, posez-vous la question: et si c’était votre fille qui avait été battue à mort, feriez-vous le même petit discours soit-disant moderne??? On ne parle pas ici d’un vol, d’un mensonge ou même de fraude, on parle du meurtre d’un être humain, INVOLONTAIRE ou PAS! Je ne suis pas contre la réinsertion sociale, ni contre le pardon mais de là à aller applaudir ce PAUVRE homme, mon dieu! Mais où sommes-nous rendus? Réveillez-vous !
Cantat a TUÉ Marie Trintignant à coups de poings, point à la ligne!
P.S. si quelqu’un a le numéro de Karla Homolka, j’aimerais bien lui offrir de venir chanter à mon prochain spectacle. Elle est où la limite???
«[…] des gestes qu’il a posés, ou n’a pas posés, un soir de tragédie dans une chambre d’hôtel de Vilnius?»
Ou n’a pas posé?
Quoi?
…ça doit être ça que les gars de Minuit le soir appelaient du «Denis»!
Je n’ai rien compris à tout ce délire. Je partage entièrement votre position, mais je m’arrête ici.
La nausée, simplement.
Merci, monsieur Malavoy, d’apporter un peu (beaucoup) d’intelligence au milieu des cris d’une horde déchaînée.
Bertrand Cantat. Je suis loin d’aimer le personnage (je n’aimais même pas Noir Désir, son groupe de rock). J’ai un haut-le-cœur à l’idée seule qu’un homme puisse lever la main sur une femme, que n’importe qui profite de son statut, de son âge, de son sexe, de ses origines pour humilier l’autre, pour abuser de l’autre.
Je comprends Jean-Louis Trintignant, sa haine viscérale pour celui qui a tué sa fille. Je comprends que l’on n’ait pas envie d’aller voir la pièce – je me suis posée la question et malgré mon intérêt pour Mouawad, je ne suis pas sûre que je pourrais surmonter ce malaise. Mais sincèrement, à qui s’adresse la mise en scène de ces pièces de Sophocle? Au grand public?? N’est-ce pas là que commencent la prise de conscience et le nécessaire recul face à ce qu’on nous propose? Les gens prêts à se déplacer pour aller voir une pièce de Sophocle sont certainement capables d’un brin de réflexion quant à leurs motivations, non?! Enfin, si j’étais courageuse, à Mouawad je citerais Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
Que devrait faire Cantat, maintenant? C’est un artiste, il fait de l’art. Et quand le politique se mêle de l’artistique, cela n’augure rien de bon.
Ma fibre féminine-féministe se raidit, mais cette voie que lui trace Mouawad est peut-être celle de la repentance… Il est peut-être l’exemple de la philosophie de la fin d’Incendies (ne rien haïr, sauf la haine elle-même)…
Oui …Bravo et merci pour votre courage, Monsieur Malavoy-Racine!
Ce que je trouve désolant dans cette histoire, c’est qu’il y a beaucoup de juges et de jugements et peu d’humanité.
Beaucoup des propos sont virulents, voire violents et reposent sur l’axe réducteur du bien et du mal.
Or au-delà de tout cela, il y a ce qu’on appelle l’ouverture. C’est un risque. Un risque exigeant qui bouleverse nos conceptions et que peu de gens sont prêts à prendre… malheureusement. Mais c’est aussi un risque qui peut mener au changement.
Je ne crois pas que nourrir la violence par la violence mènera à quelque chose de bien. Je crois que l’espoir de changement réside dans l’ouverture à l’autre.
En ce sens, Madame Pintal, Monsieur Mouawad et vous aussi Monsieur Tristan-Malavoy, je salue votre humanité.
C’est le premier papier que je lis avec moins de pression médiatique…
C’est allucinant ce que j’ai pu entendre depuis quelques jours sur le sujet… ce qui me fait rendre compte que les médias ont une emprise tellement grande pour dire à la masse quoi penser !
La pire que j’ai entendu sur le sujet fut Denise Bombardier sur la radio Libéral du Québec, 98,5FM. Si nous écoutons ces gens, Cantrat est rendu un tueur en série !
Personnellement, chose étrange, la même journée que j’entends parler de ce risque TNM, mon dossier avec l’IVAC (Indemnisations Victimes Actres Criminels) se termine en ma faveur après six années difficiles suite à une agression homophobe qui m’a fait perdre ma carrière artistique dans la francophonie. Puis, je reçois, le même jour, cette folie médiatique dont la majorité exprime des opinions pour faire réagir et non réfléchir sur le sujet, comme les élections quoi !
Cantrat devait faire la musique du spectacle…
Cantrat, à tué une femme, homicide involontaire, et a purgé sa peine de prison et le calvaire qu’il s’en suit.
Pour m’être sorti de l’enfer de la victimisation et que je dois apprendre à vivre avec les séquelles de ma nouvelle vie, je crois que mes agresseurs sont encore libre et n’ont jamais pu vivre un seul moment l’enfer dans lequel ils m’ont plongé… Même s’ils sont malheureux, car l’âme doit être passablement faible pour faire autant de mal pour une simple orientation sexuelle. Mais bon, je constate que les agresseurs ont des avantages que nous les victimes n’avons pas à moyen terme. Les animateurs de radio, de Québec, qui ont abusé sexuellement de mineure$ ils travaillent encore à ce que je sache…
Je suis pour la réhabilitation, comme la mienne que j’entreprends, mais il ne faut pas glorifier les agresseurs, trops de bandits ont fait des livres et films et furent riches par la suite… et pourtant, se sont les mêmes médias qui en n’ont glorifié les oeuvres !
Toutefois, votre texte porte à réfléchir, ce que je n’ai pas vu ailleurs !
J’ai l’impresion de ne plus rien comprendre! Qu’est-ce qui est en jeu ici , la réhabilitation d’un artiste qui un soir de défonce a tué une femme à coups de poing ,où le théâtre comme sauf-conduit de l’expression de toutes les atrocités que l’on devrait pardonner écrasant nos mentalités de bien -pensants, vous savez celles qui nous empêchent de comprendre l’enfer intérieur de Cantat et sa prison morale?
Je préfère sincèrement perdre mon temps à essayer d’imaginer l’insoutenable douleur de Jean-Louis Tritignant; Cantat aura tojours le fardeau de nous prouver qu’il est bel et bien réhabilité, car le meurtre d’une femme sera toujours un meurtre de trop…
Oui, votre texte est sensible, mais beaucoup trop entre deux chaises pour nous éclairer!
C’est nul à chier ton commentaire, continuons à banaliser la violence faite aux femmes.
On s’en fout qu’il soit légalement libéré de sa sentence, l’art thérapeutique ce n’est pas pour Canat, l’art comme lieu de questionnement non plus, il y a des beaux espaces thérapeutiques qui sont des vrais lieu de questionnement. Ce gars n’est pas prêt et en un sens ce n’est pas lui rendre service, il a des gros problèmes de comportement qui referont surface un soir de consommation extrème.
Tu as le cul vraiment entre deux chaises, c’est pitoyable.
Félicitations pour votre réflexion… parmi toutes ces performances de clowns qui ne cherchent qu’à amuser la galerie.
Je vous invite à lire cet article du chroniqueur Hugues Serraf, du site français Rue89, au http://www.rue89.com/tribune-vaticinateur/2010/10/05/bertrand-cantat-le-retour-du-heros-et-de-la-victime-169609
Pour vous titiller, voici un extrait: » (…) le gars était chanteur avant d’aller en taule, on voit mal en quoi il ne serait pas légitime, pour lui, de reprendre le chemin des salles de concert une fois dehors.Non, j’aurais plutôt un problème avec ses admirateurs, ces amoureux du Jim Morrison gaulois prêts à tous les sophismes, à toutes les circonvolutions hypocrites pour expliquer à quel point l’objet de leur affection est, au final, oui oui, absolument, n’en doutez pas, une victime.
Que Cantat rechante, donc, grand bien lui fasse. Qu’il enregistre des disques, écrive des chansons, qui pourrait l’en empêcher ? Mais entendre ses fans s’apitoyer sur cet homme brisé, criminel de « circonstance » (« Ils étaient saouls, drogués, en dérive… Ça aurait pu être le contraire et elle aurait aussi bien pu le tuer ce soir-là… »), réécrire la grande aventure des violences conjugales sous l’angle de la poésie rock, ça fait vraiment drôle. »
Personnellement, j’ai toujours été, je suis, et je serai toujours contre la violence. Que celle-ci soit physique ou qu’elle se déclare par des mots.
Et, conséquemment, je déplore beaucoup le ton rustre et malsain de certaines interventions ci-dessus.
Il est possible d’être en désaccord avec quelque chose, et malgré tout de s’exprimer avec retenue. Sinon, on risque de s’amalgamer soi-même avec ce que l’on dénonce…
M. Malavoy,
Il m’a conforté de lire votre dernière chronique, Vade retro Bertrand Cantat. Je me demandais aussi si ma morale personnelle était normalement constituée de ne pas s’insurger spontanément contre l’annonce de l’éventuelle participation de M. Cantat au projet artistique de M. Mouawad.
En fait, je me suis plutôt insurgé spontanément du mouvement collectif de condamnation de M. Cantat. J’ai été dérangé, entre autres, par un clip télévisuel annonçant la réaction viscérale « à venir » du metteur en scène Serge Denoncourt à la prochaine livraison dominicale de Tout Le Monde En Parle. J’ai été dérangé par l’article de Mme Nathalie Petrowski dans La Presse de samedi dernier, « Noir délire », condamnant en termes très durs et sans équivoque le « silence » de M. Mouawad, propos suggérant à mots non couverts sa lâcheté. Je considère plutôt le « silence » et le « retrait » de M. Mouawad comme une réaction saine, mature et réfléchie devant la déferlante.
Vous lire, M. Malavoy, m’a conforté dans mon opinion – je dirais plutôt mon sentiment -, et pour cela, je vous en remercie.
Cantat en série
Rassurez-vous, je fais le pari que Bertrand Cantat trouvera du boulot et le support d’une partie de la population plus facilement qu’un chauffeur d’autobus qui aurait tué sa femme dans les mêmes circonstances. Ou même, peut-être, qu’un joueur de hockey: que serait-il arrivé à Zdero Chara si Max Pacioretty était mort? Cantat est remonté sur scène en 2010, une tournée musicale est déjà prévue et il jouera au théâtre en Belgique en 2012. Donc, sa réhabilitation est bel et bien en cours en Europe, car il réussit à travailler dans son domaine (2000 personnes l’ont applaudi l’automne dernier.) Il s’est retiré du festival d’Avignon car Jean-Louis Trintignant devait y être- mais tranquillisez-vous, ce ne sera pas toujours le cas. Bref, cela m’étonnerait qu’on croise le chanteur dans la rue en train de vendre des crayons et des portefeuilles comme plusieurs ex-détenus.
Apparemment, le fait d’être artiste concède plusieurs avantages. Plusieurs journalistes, ici et en France, ont affirmé qu’il est possible de ‘séparer’ l’homme-qui-a-commis-un-crime de L’Homme-Artiste. De sorte qu’on peut apprécier le Créateur en lui sans penser à l’homme-qui-a-involontairement-tué-sa-conjointe. Cela me fait penser à l’émission François en série. Je ne sais pas comment ça se passerait pour le chauffeur d’autobus – ou pour le joueur de hockey, par contre. Se trouverait-il du boulot aussi facilement, aurait-il autant d’inconnus se portant publiquement à sa défense? Bref, les artistes sont-ils traités de la même façon que le reste des mortels?
Que les positions soient aussi polarisées, c’est normal. L’affaire est grave, car il y a eu mort d’un être humain, qui a laissé dans le deuil ses enfants, ses parents, ses proches. Une femme de 5 pi 5 po qui a reçu une vingtaine de coups à la tête de la part d’un homme de plus de 6 pi, coups si violents qu’ils ont entraîné sa mort cérébrale quelques heures plus tard. Mais, il a dit qu’il ne voulait pas la tuer. D’accord. Elle a perdu connaissance, il est allé la porter dans son lit. Il a téléphoné à son frère (à elle) en mentionnant qu’il était dans une »sale situation. » Ce dernier est venu, et ils ont discuté jusqu’à l’aube. Il a même parlé avec l’ex-mari de Marie Trintignant au téléphone, mentionnant que celle-ci avait un oeil au beurre noir. Il avait donc conservé un tantinet de lucidité.
Bon. À cause de tout cela, il a fait 4 ans de prison, dont il est sorti depuis 2007. Il a déjà recommencé à travailler. Que tous les journalistes et que le public qui déchirent leur chemise en accusant ceux qui ne veulent pas aller applaudir Cantat de manquer d’humanité se rassurent: le chanteur a eu du boulot et aura du boulot, avec ou sans Wajdi, avec ou sans le Québec.
Manifestement, une partie de la population et de nos portes-voix a davantage envie de tenter de comprendre et d’applaudir un chanteur qui veut revenir sur scène après avoir commis un homicide involontaire – que de tenter de comprendre ceux qui n’ont pas envie de le faire. Ça leur donne sans doute un sentiment de grandeur d’âme, c’est beaucoup plus spectaculaire et moins exigeant que de tenter d’établir un dialogue avec ses congénères. Finalement, l’humanisme, c’est de faire ce qu’eux font, de penser ce qu’eux pensent. Auraient-ils le courage de dire aux Trintignant qu’ils ne sont pas humanistes?
Finalement, tous, nous discutons du sexe des anges. Tant qu’une tragédie pareille ne nous est pas arrivée personnellement, c’est impossible de comprendre réellement, dans nos tripes. Je ne dis pas qu’il ne faut pas tenter de le faire, par contre. Mais si c’était arrivé à votre fille, votre amie, votre soeur, je doute que vous auriez envie de courir applaudir le coupable et de militer pour son retour sur scène après seulement 4 ans de prison. Il faut tenir compte de tous les aspects de la médaille, alors qu’on ne fait que parler de la souffrance du coupable.
Et si Cantat, après une discussion qui aurait malheureusement dégénéré, l’alcool et les tempéraments d’artiste passionnés aidant, aurait tabassé à mort Wajdi Mouawad, réagirions-nous de la même façon? Imaginez-le revenir ici faire un spectacle, après quelques années, et nous répéter: je ne voulais pas tuer Wajdi.
On ne le saura jamais, bien sûr. Mais arrêtez de dire que c’est anormal que les gens soient aussi émotifs et qu’ils ne pensent pas tous la même chose. C’est très sain, au contraire, et ça fait partie de la démocratie. Ça veut dire que la mort de quelqu’un compte, qu’on n’efface jamais totalement un tel geste. Sinon, on risque d’envoyer le message que la vie n’a plus de valeur ni de sens, ce qui, à mon avis, ne risque pas de diminuer le taux de suicide au Québec.
@ Monsieur Perrier : Judicieux commentaire, comme toujours. J’apprécie énormément votre civilité et votre sens de la mesure; même si nous ne partageons pas les mêmes opinions politiques, c’est toujours un immense plaisir de vous lire et d’échanger avec vous. Vous êtes un exemple à suivre.
@ Hélène Heyne : Merci pour le lien; c’est un bon article, à l’ironie mordante. Je ne peux m’empêcher de me sentir un peu visé, cependant, car j’ai écrit dans mon blogue deux billets sur cette affaire (liens ci-dessus) qui m’ont valu une avalanche de réactions très polarisées, et je sais que j’ai pu donner l’impression — dans le premier de ces deux textes, surtout — de faire partie de ces fans béats qui sont prêts à tout excuser et à glorifier tout ce que fait ou dit Cantat. Or, j’ai plutôt cherché à exprimer toute l’admiration que j’avais pour lui AVANT le drame de Vilnius et, partant, le profond désarroi dans lequel m’avait plongé cette tragédie. Le chanteur avait plus ou moins disparu du radar depuis un certain temps; cette histoire l’a ramené au premier plan de l’actualité et de nombreux ex-fans — qui auraient eu honte, jusqu’à tout récemment, d’avouer leur amour de Noir Désir — se sont souvenus qu’ils aimaient beaucoup ce type, autrefois, et que ça faisait des années qu’ils se taisaient en ruminant leur chagrin… Je ne crois pas qu’ils soient si nombreux qu’on le dit à tout pardonner et à cautionner ce qui demeure fondamentalement inadmissible. En tout cas, personnellement, c’est comme ça que je le comprends et que je le vis.
@ Hélène Heyne : J’applaudis à votre dernier commentaire; c’est un des textes les plus intelligents et mesurés que j’ai lus sur cette affaire cette semaine. Merci de partager votre opinion avec nous.
Série de textes qui me sont inspirés par l’affaire que j’envoie ici. Habitué de Voix Publique, je redécouvre cette page. Mon interrogation est une réaction contre la violence. Je doute donc de la pertinence de cette invitation à B.Cantat même si on pourra m’accuser de ne pas être transgressif, libertaire, inconditionnel de la réhabilitation ou ouvert.
L’affaire Cantat au Québec et en France: occasion de réflexion sur le pardon
Une personne publique, une célébrité, en France on parle de people; le fait d’être connu de millions de gens créé le phénomène d’un temple de célébrités d’individus qui sont familiers à tous par la multiplication de l’image de la vedette rendu possible par le micro ou la caméra de la radio et de la télé. Dans ce cadre là, relativement tout au moins la question du pardon ne concerne pas que la famille, elle concerne le public qui a adulé le chanteur avant que l’acte meurtrier ne soit commis.
C’est évident que cette idée de discrétion envers les Roman Polanski ou Bertrand Cantat qui ont commis des actes criminels en tant que célébrités doit être considérée sans émotivité sans démagogie puisque toute démagogie ou populisme risque de faire renaître les pulsions vengeresses, la loi du talion la plus totale.
En général toutefois, ayant réfléchi à la réalité du ressentiment chez l’être humain, il est préférable de lui accorder une part d’expression contenue plutôt que de tenter de l’étouffer complètement au nom d’une vertu supérieure qui n’appartient qu’à l’abstraction philosophique qui trouve son origine dans la sagesse des Grecs et après dans la transcendance chrétienne.
Bref, on ne peut pas tout refouler dans l’expression des sentiments humains. Il faut y accorder attention justement pour canaliser la colère populaire et la maîtriser plutôt que de mettre un couvercle dessus.
La discrétion pour B.Cantat ce n’est donc pas la sanction d’une double peine. Vivre dans le cadre d’une vie privée ce n’est plus la prison.
Dans la situation actuelle, B.Cantat ne doit pas servir de bouc émissaire collectif, il y a un risque, une possible dérive. Probablement que Cantat est relativement un bouc émissaire dans les derniers jours inévitablement par la passion alimenté. Il faut en prendre acte et ne pas encourager les débordements électoraux des conservateurs et de leurs cousins adéquistes. Ce qui ne veut pas dire que dans ces invitations au Festival D’Avignon et au TNM de l’artiste ne se pose pas une interrogation sur la valeur d’actualité d’une notion comme le pardon qui d’origine chrétienne ne prend pas en compte l’état post traumatique des victimes et de ses proches devant la cruauté de l’agression.
Si René Girard a averti du comportement mimétique du groupe devant un persécuté de prédilection: le bouc émissaire cela peut être perçu comme un point positif pour B.Cantat. Mais une Alice Miller a autrement prévenu du danger d’une obligation morale sociale de devoir pardonner au nom de la religion à ses persécuteurs ou à ses bourreaux parce que ces derniers seraient nos parents, notre frère, notre mari ou notre épouse. Il faut réfléchir entre ces deux théories d’auteurs contemporains afin de saisir dans cette tragédie conjugale toute la dureté de notre condition humaine faite de passions, de ressentiment et d’un sentiment d’injustice criant.
La violence toujours son effet post traumatique sous estimé!
Mme Bombardier a rédigé un texte fort, moi si critique à son égard, les paragraphes 4 à 6 disent l’essentiel dont cet extrait: (…) La présence de Cantat sur scène posait le problème de la rupture d’une des lois du théâtre, à savoir la re-création de la réalité. Le théâtre peut être «le lieu idéal pour exorciser nos pulsions destructrices», mais à la condition que le spectateur sache que les acteurs sur scène jouent un rôle. (…) La présence de Bertrand Cantat sur scène ramènerait tous les personnages dans la réalité et ce faisant ferait éclater l’acte même de la création. (…)
Autrement dit, tant que la transgression ne joue pas dans l’art à toucher véritablement des conditions fondamentales de la vie en société à faire confondre la réalité et la fiction, l’art est fabuleux car autrement l’art n’est plus de l’art. Aurait-on imaginé voir un ancien membre de la gestapo nazi joué dans une pièce de théâtre sur la Shoa.
Si la majorité des cinéphiles supportent par cet exemple, les scènes de tortures subies par Saartjie Baartman, l’esclave noire du 19ème siècle traitée en bête de foire par les Anglais, en prostituée ou en cobaye scientifique par les Français dans ce cas au nom du progrès et de la théorie de la supériorité des races c’est parce que nous savons tous que la Vénus Noire en tant que film en tentant de reconstituer la vie d’une femme reste une fiction dramatique respectueuse de l’histoire mais essentiellement relevant d’une mise en scène.
Cet exemple de la Vénus noire est foudroyant parce que ce film ne traite que de violence, celle de l’exploitation, du rejet, de la manipulation, de l’humiliation et de sa conclusion finale, la mise à mort d’une personne suite à un long processus d’avilissement. Si le but ultime de M.Mouawad dans son entreprise est l’ouverture au pardon, dans la Vénus noire, le cinéaste Kechiche raconte dans la fiction réaliste ceci: le caractère complètement destructeur de la violence point!
L’artiste et les conditions de son privilège
La position qui peut être défendue est celle ci. L’artiste représente l’espoir d’un monde meilleur, par l’art, il console de nos souffrances. Lorsque l’artiste brise ce contrat symbolique avec les gens rien ne va plus. Comme il y a eu meurtre, un acte de transgression sur les conditions de fondation de la civilisation des droits de l’homme, cet acte de brisure peut empêcher l’artiste de retrouver après sa liberté revenue les conditions de son privilège d’être artiste. Car être artiste c’est de bénéficier de l’immense privilège d’être applaudi, louangé voire sacralisé.
L’artiste dans sa condition rarissime d’avoir commis un acte meurtrier devrait accepter de retrouver la discrétion celle d’ailleurs partagé par des millions, des milliards d’individus.
Sur le plan psychologique, vécu, une violence sourde enfoui dans la personne de Cantat a pu contribuer à ce qu’il commette ce geste de rage irréparable contre M.Trintignant une nuit de 2003 cela a peut être été considéré dans le jugement qui l’a condamné à la prison pour homicide involontaire.
Néanmoins dans une humanité écartelée entre l’intention de réhabilitation et le désir de vengeance, M.Cantat devrait prendre note de la difficulté humaine envers le pardon qui relève davantage d’un acte de foi chrétien donc intellectuel, philosophique que vécu biologiquement. Le pardon pour les victimes n’est pas une obligation ni un devoir. Face à la perte irréparable de proches par la violence, le pardon n’est pas compris au moment de la sortie de prison d’un individu.
Le dossier est clos, donc. Pour des raisons douanières, Bertrand Cantat ne pourra entrer au pays avant un bail. Ni pour venir à la pêche aux petits poissons des chenaux, ni pour monter sur la scène d’un théâtre.
Des raisons douanières. Je ne peux pas m’empêcher de trouver dommage que le débat soit rendu caduque pour ces raisons-là. Nous n’aurons donc pas l’occasion de mener à terme cette réflexion devenue collective, chacun s’assoira sur ses positions, sûr d’avoir eu raison.
Au bout de ce tourbillon somme toute assez vain, je n’espère plus qu’une chose: que ceux qui s’obstinent à juger dorénavant infréquentable la musique de B.C. aient assez de suite dans les idées pour également fermer les yeux sur les toiles du Caravage; pour ne plus jamais ouvrir un recueil de Verlaine; pour ne plus écouter les chansons de Lennon, tant qu’à y être.
Le Caravage, qui a tué un homme en mai 1606; Verlaine, qui a tiré sur son amant Rimbaud, en juillet 1873; Lennon, dont on sait qu’il avait parfois des accès de violence folle, qu’il a déjà frappé sa femme Cynthia et qu’il déjà battu si sauvagement un type qu’il croyait lui-même l’avoir tué…
Imagine all the people / Living life in peace / You hou, hou ou ou…
ps Dans les commentaires qui apparaissent plus haut, je respecte les différents points de vue, les différentes lectures de l’affaire. Il y a par contre une formule que je ne peux pas avaler, celle selon laquelle j’ai eu ici «le cul entre deux chaises».
@ Georges Léonard et @ Michel Desmeules: vous avez tout à fait le droit d’être en désaccord avec moi et de l’exprimer ici, mais je ne vois pas où est l’ambigüité de mon propos. Je n’excuse en rien le comportement passé de B.C., or je considère qu’on ne peut pas être libre qu’à demi. Restait aux milliers de personnes incapables de le voir sur les planches du TNM l’ultime liberté d’acheter des tickets ou non. J’étais et reste effaré par la réaction de plusieurs de mes concitoyens, réaction teintée d’intolérance et qui relève d’un amalgame inquiétant.
Sans compter la récupération de l’affaire par les Gérard Deltell, Josée Verner et compagnie, qui est l’un des spectacles politiques les plus tristes auxquels nous ayons assisté depuis longtemps.
Répondant directement maintenant au texte de T.M.Racine, il apparaît pour plusieurs que cet article ne s’écarte pas de l’abstraction. Celle qui se défend sous prétexte qu’une horde barbare pourrait surgir au coin de la rue en deux trois mouvements!
Et puis, en séparant dans ce texte, la famille Trintignant et sa douleur de l’ensemble de la population s’en tenant à la sentence complété, au processus de réhabilitation sans considération comme l’a indiqué Denise Bombardier que le théâtre qui importe une partie de la réalité dans la voie d’une mise en scène dramatique créé un court circuit, ce texte eh oui n’arrive pas à sortir d’un acte de foi catholique post moderne si l’on peut dire puisque il fait fi de la souffrance, de la transformation de vies personnelles par le choc de traumatisme violents qui conduit plus que souvent au mutisme et à l’isolation sociale de milliers ou millions d’individus partout sur cette planète. Perdre un proche par le meurtre ou autrement subir une agression violente physique ou sur un autre plan se faire torturer psychologiquement quotidiennement laisse des traces dans le psychisme ce qui affecte la santé mentale d’une manière ou d’une autre.
Les enfants au premier chef sont les premières victimes de toutes sortes d’agressions passant de l’abandon à la négligence aux mauvais traitements physiques. Dans le cas de l’affaire Cantat, n’oublions pas les enfants de M.Trintignant qui ont perdus leur mère, les enfants du couple Cantat dont l’épouse s’est suicidée après l’avoir soutenu pendant 6 ans.
Bref, jusqu’à quel point le théâtre peut exorciser les démons de l’humanité en pratiquant la réhabilitation d’un artiste sur la scène en permettant à celui ci d’être applaudi afin que son crime par une incantation puisse être instrumentalisé dans le but de promettre la réalisation d’un théâtre d’une nouvelle avant garde?
La question se pose.
La réalité en bon cartésien procure un espace pour le judiciaire, le social, le politique, la philosophie, l’essai.
La fiction libre par son caractère créé un tableau de l’humanité qui est en décalage, la fiction pense l’humain dans le recul de la forme artistique. C’est ce qu’à fait Molière, Shakespeare et l’avant garde cinéma des Truffault, Chabrol et compagnie. Tous les peintres de l’histoire de l’art, etc..
Conservatisme? Tout n’est pas faux dans un conservatisme réfléchi.
M.T.M.Racine, nous remercions Voir de permettre ce débat dans ces pages malgré qu’il porte atteinte à la couverture idéale de l’art dont Voir trouve son objet.
Ce débat est puissant, il permet de réfléchir autour de la tradition grecque, chrétienne, la justice de la réhabilitation issue des révolutions républicaines et autour aussi de la transgression propre au mouvement de l’avant garde trouvant sa dernière figure dans le post moderne.
Dans LE DEVOIR du samedi 9 avril 2011 Odile Tremblay a présenté un texte sensible et lucide, texte dans lequel elle réfléchissait à la controversée affaire Cantat.
J’ai commis une réponse au texte de Mme Tremblay et je me permets de faire connaître ce texte de réflexion sur les «assassins», sur les «meurtriers». En espérant ne pas trop ennuyer les participants à ce blogue.
***«Bonjour, Odile Tremblay!
Permettez-moi de vous dire que comme des milliers de lecteurs, de twitteurs et de facebookeurs j’ai lu et relu votre texte sur Cantat et les Érinyes. C’est un texte tout en finesse et en nuances.
Cela fait plus de quarante ans que je suis sociologue. J’ai aussi suivi des cours de criminologie. Et pourtant, les questions de pardon, de réhabilitation, de prisons, de punition et de répression ne cessent de me hanter.
Tuer un être humain est terrible et grave. Et pourtant je me disais, en lisant votre texte, qu’il y a des catégories diverses de meurtriers, d’assassins.
De manière assez brève et au risque de vous importuner ou ennuyer, j’aimerais écrire quelques mots sur trois «assassins» différents.
En 1990, vous vous en souviendrez peut-être, il y a eu des viols et meurtres de jeunes filles, rue Laurier. La première des jeunes filles qui a été assassinée, Danielle, était la fille d’un des mes grands amis, très intime. Mon ami André, un anthropologue, a vécu en Afrique pendant 25 ans et il revenait parfois passer quelques années au Québec. Et c’est lors de l’un de ses «retours» que l’horreur a été au rendez-vous. L’assassin était un type d’origine portugaise, Agostino Ferreira, un être «malade» et narcissique qui n’a jamais manifesté le moindre remords. La police a fini par l’arrêter en 1995. Depuis cette horreur mon ami a beaucoup changé et il a vieilli prématurément. Heureusement qu’il avait une autre fille qui, elle, a eu des enfants, ce qui fait que le rôle de grand-père console et soulage André.
Je me dois de dire qu’il m’arrive d’éprouver une haine, illimitée et incontrôlée, lorsque je pense à Ferreira, ce triste sire qui était fier de voir que les médias parlaient de lui. Même sa mère était ravie de constater que son fils était devenu une «vedette». C’est la procureure de la couronne qui a dévoilé ces faits atroces.
Je n’en dis pas plus sur cette triste histoire. Mais la vie m’a mis en contact avec un autre «meurtrier». Il y a treize mois un de mes très grands amis (67 ans) est décédé, poignardé à mort par son fils de 38 ans, un schizophrène. Le fils que j’appellerai B, je le connaissais depuis qu’il était tout petit. C’était un enfant vif, vivant, gai et particulièrement brillant. Mais nous l’avons vu sombrer progressivement dans l’enfer de la schizophrénie. Et il a fini par tuer son père après avoir, semble-t-il, «entendu des voix». Quand les policiers l’ont conduit en prison plutôt que dans un hôpital, il a été sévèrement battu par de petites crapules qui voulaient lui faire savoir que l’on ne doit pas tuer son père. Maintenant la mère de B doit vivre son veuvage tout en défendant son fils.
Alors, ce que je veux signifier, c’est que je ne sais plus trop comment «analyser» la situation lorsque je pense à ces trois assassins.
En ce qui concerne Agostino Ferreira je veux qu’il finisse ses jours en prison. En ce qui concerne Bertrand Cantat, je suis tourmenté et indécis. Contrairement à tous les Harper ou Palin de cette planète je pense qu’il faut, dans de nombreux cas, laisser une chance au processus de réhabilitation. C’est cela qu’on appelle la civilisation. En ce qui concerne B, le parricide, j’espère que jusqu’à sa mort «la société» va le protéger et prendre bien soin de lui. Quand sa mère va mourir, il va être profondément seul.
Alors, telle est la situation. Ces jours-ci je pense beaucoup à ces trois «meurtriers» et je vois plein de nuances et de différences. Mais tuer quelqu’un est toujours une atrocité.
J’espère ne pas vous avoir trop ennuyée avec ces «graves» réflexions. Mais votre texte, néanmoins, m’a aidé à remettre un peu d’ordre dans mes idées, bien confuses.»***
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias
Je ne me considère pas comme intolérant!
Le pardon est devenue principalement une notion religieuse.
La compréhension tente de trouver les explications de la violence.
La compréhension celle d’une psychanalyse post freudienne post oedipienne, la compréhension sociologique ou psy tentent en complémentarité de trouver les causes. En dehors de théories sur des phénomènes neurocérébraux ou génétiques toujours obscurs en termes de causalités de la violence. Les actions d’humiliation collectives ou familiales sont susceptibles d’enclencher les actes de réponse en termes de violence parfois de générations en générations dans les quartiers pauvres ou dans les familles.
Le problème c’est que la société de marché est trop occupé à faire fructifier le fric pour se préoccuper de la détresse humaine. Alors..
Je partage votre opinion. J’ai cru moi aussi que je n’avais pas de coeur et qu’il me faudrait consulter un psychiatre…Cette folie soudaine, cette réaction viscérale de colère et de haine envers Bertrand Cantat est franchement dingue . Elle cache autre chose… Je n’en rajouterai pas sur le tas. C’est l’hallali des biens – pensants et ça fait peur.
@ Pierre Bouchard, j’apprécie votre intervention.
Nous oublions que Wajdi Mouawad est l’instigateur de la situation dans laquelle il a plongé son ami Cantat, se prenant pour le Grand Manitou de la psychologie culturelle et sociale, il a voulu se servir d’une occasion en »art » pour permettre à son ami de réintégrer la scène culturelle dans l’espoir d’un grand pardon collectif et faire un coup de théâtre bien calculé, mais la scène culturel ce n’est pas l’Oratoire St-Joseph et Wajdi n’est pas le Saint Frère André.
Comme je l’ai dit plus tôt ce n’est pas bien servir un ami que de le lancer en pâture à une réaction populaire si prévisible. Wajdi Mouawad se dit surpris de la réaction générale, permettez-moi d’en douter, c’est vraiment nous prendre pour des imbéciles.
Proclamer que les gens aurait eu le choix d’assister ou non à la présentation ne justifie pas le bien-fondé d’une telle entreprise. Si Wajdi Mouawad avait voulu pousser son grand copain dans un noir désespoir, je crois qu’il n’aurait pu faire mieux. Il s’est bien servi du buffet médiatique que tout ça a généré et je m’indigne à penser aux vrais raisons qui ont pu le motiver.
Je reste persuadé qu’il ne s’attardera pas trop sur le sujet et continuera à clamer que l’art est un espace privilégié qui se doit d’être intouchable. (comme une patinoire au hockey professionnel où un peut rendre quelqu’un paraplégique en toute impunité)
@Tristan Malavoy-Racine, je veux bien vous accorder une chaise au centre pour vous asseoir.
Profitant d’une référence simple faite à mes commentaires, étant conscient d’écrire ces quelques lignes dans un cadre d’archives dans Voir, je tient tout de même à insister pour prétendre que la violence ne provoque pas seulement des coups et blessures pouvant aller jusqu’à la mort, la violence pour tous ceux qui guérissent de leurs blessures physiques ou qui refoulent les humiliations endurées, la violence produit chez les victimes des atteintes à leur santé mentale.
Lorsque des individus violentés dans un nombre non négligeable perdent leur capacité d’expression, leur capacité de déplacement, d’initiative, de dynamisme intérieur, on ne parle plus ici que de dommages collatéraux face aux conséquences de la violence. La santé mentale en (s’en tenant à cette notion un peu trop limitative) n’en n’exprime pas moins lorsque bien documenté par essais ou fictions littéraires comment celle ci est fragile.
Finalement la réaction des Québécois est dû à une petite montée de lait identitaire d’après Wajdi Mouawad! Complètement déconnecté le mec!
http://www.cyberpresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/theatre/201104/15/01-4390420-affaire-cantat-wajdi-mouawad-sexplique.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B50_en-manchette-arts_379_section_POS1
… Wajdi Mouawad a expliqué la réaction des Québécois par un réflexe «identitaire», compensatoire de leur échec à obtenir l’indépendance. «C’est tellement formidable de pouvoir s’identifier ensemble sur un sujet», a-t-il dit…
Le texte du lien ayant été modifié après vous en voir fait part dans mon dernier commentaire, le voici en tel qu’il était :
Le metteur en scène québécois Wajdi Mouawad, qui avait voulu faire monter sur scène à Montréal le chanteur Bertrand Cantat, condamné pour homicide involontaire de sa compagne, s’est dit vendredi prêt à recommencer, mais en expliquant mieux sa démarche aux Québécois.
«Et si c’était à refaire?», lui a demandé Anne-Marie Dussault lors du passage du metteur en scène à l’émission 24 heures en 60 minutes sur les ondes du Réseau de l’Information (RDI), l’interrogant alors que Mouawad était tout juste de retour à Montréal.
«Je le referais, mais je prendrais mes précautions en racontant l’histoire à l’avance et en faisant des liens entre les pièces de Sophocle et Bertrand Cantat. Plus de précautions par rapport aux gens qui ont été véritablement choqués, je pense aux femmes en particulier», a dit le metteur en scène.
Le projet de faire monter sur scène Cantat dans une trilogie de Sophocle avait soulevé une vague de protestations au Québec et le Théâtre du Nouveau Monde (TNM), où il devait se produire, a annoncé qu’il n’y participerait pas.
Il s’est avéré d’ailleurs que la loi canadienne interdit l’entrée au chanteur, condamné en Lituanie en 2003 pour avoir porté des coups mortels à l’actrice Marie Trintignant, et remis en liberté en 2007.
Wajdi Mouawad a expliqué la réaction des Québécois par un réflexe «identitaire», compensatoire de leur échec à obtenir l’indépendance. «C’est tellement formidable de pouvoir s’identifier ensemble sur un sujet», a-t-il dit. Mais l’affaire a marqué «un échec pour tout le monde sauf pour les médias».
Pour lui, la question ne relevait pas de la justice. «On est sur le terrain de la morale, les jugements moraux ne sont pas universels, on est devant un choix à faire», a-t-il dit, avant d’estimer qu’empêcher Cantat de monter sur scène c’est «sacrifier l’idée de la justice», car on lui «inflige une deuxième peine».
L’ancien chanteur du groupe de rock Noir Désir qui devait se produire dans la pièce Des Femmes – Les Trachiniennes, Antigone et Électre de Sophocle, a renoncé à monter sur scène au prochain festival d’Avignon, en réaction à la décision de l’acteur Jean-Louis Trintignant, père de sa compagne, de ne pas participer à cette manifestation. En revanche, le théâtre de Namur, en Belgique, a confirmé sa participation au même spectacle début 2012.
Le débat se poursuit ici aussi en dessous, Georges Léonard.
Les opinions de M.Mouawad envers les Québécois et leur condition identitaire sont t-elles l’expression d’un sentiment xénophobe envers sa patrie d’adoption? Une phrase qui fera scandale dans Voir sur le web et pourtant en dehors d’une proclamation de rectitude politique conditionnée, la question se pose. La souveraineté ne fait pas l’unanimité chez les Québécois dont ceux qui sont issus de plusieurs générations, le lien identité nationale- opposition à la présence de Cantat au TNM est donc plus que douteux.
http://www.voir.ca/blogs/tristan_malavoy-racine/archive/2011/04/13/les-portes-du-p-233-nitencier.aspx