Mots croisés

La planète des singes

Fin 1973. Quelques jours à peine après sa naissance, Nim est séparé de sa mère biologique. L'adorable petit chimpanzé a en effet été choisi dans le cadre d'une expérience menée par des chercheurs de l'Institut d'étude des primates de Norman, Oklahoma, qui souhaitent voir évoluer Nim dans une famille humaine, complètement coupé des siens.

Objectif premier: démontrer que le langage est affaire d'apprentissage, de contexte, et que le chimpanzé saura bientôt communiquer avec sa famille d'accueil.

Nim, de son nom complet Nim Chimpsky – un jeu de mots autour du nom de Noam Chomsky, célèbre linguiste américain convaincu que le langage est spécifique aux êtres humains -, débarque donc chez Stephanie LaFarge, dans l'Upper West Side, New York.

Stephanie, déjà mère de trois enfants, vit avec un homme qui lui en a quatre. Comme immersion dans le monde des humains, c'est pour le moins brutal. Mais voilà que les prévisions les plus optimistes se vérifient. Nim s'attache à sa "maman" et à ses frères et sours, qui le traitent en tous points comme un des leurs. Il a même une très odipienne réaction envers le conjoint de Stephanie, qu'il prend en grippe, ne voulant pas partager sa mère.

Persuadé d'être un gamin comme les autres, Nim apprend – jusqu'à un certain point – les bonnes manières, se montre curieux de tout et va bientôt donner raison aux chercheurs: il veut se faire comprendre et apprend, à une vitesse folle, le langage des signes.

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Dans le troublant documentaire que consacre au projet le Britannique James Marsh, on montre non seulement l'évolution des recherches, mais aussi le drame humain qui se prépare. Si Nim change, les gens autour de lui changent aussi. Les membres de sa famille d'accueil, à laquelle il sera finalement arraché parce qu'on jugera la maison de Stephanie trop bordélique pour les besoins de l'étude, les "enseignants" successifs du primate, tout le monde s'attache à lui, à des degrés divers, et on se rend vite compte que sentiments et objectivité scientifique donnent un mélange explosif.

Star médiatique – ses progrès sont suivis à travers le monde -, Nim n'en aura pas moins une vie faite de ruptures et d'abandons autant que de complicités profondes.

On sort nous-mêmes bouleversés de ce film, vaguement mal à l'aise de s'être fait autant de mauvais sang pour un singe. Devant cette frontière très floue entre animal de laboratoire et animal de compagnie, on a souvent, durant la projection, l'impression d'assister à des traitements inhumains.

Ce qui trouble surtout, c'est la notion de confiance. On fait continuellement miroiter à Nim qu'il a trouvé une famille, un ami (l'un de ceux qui en auront la charge fera carrément copain-copain avec lui, boira de la bière en sa compagnie, lui fera fumer des joints…), avant de le faire monter à l'arrière d'un camion et de l'envoyer, pour X raison, à des centaines de kilomètres de là.

Le film dissipe en tout cas ce qu'il pouvait nous rester de doute sur la proximité entre l'homme et le chimpanzé. N'en déplaise à ce sénateur de Louisiane et pourfendeur de Darwin qui, il n'y a pas si longtemps, y allait de l'infiniment subtile citation suivante: "Je pense que si l'on apprend aux enfants qu'ils descendent du singe, ils se mettront à agir comme des singes."

N'en déplaise à Gary Goodyear, actuel ministre canadien des Sciences et de la Technologie, dont on sait qu'il a beaucoup de mal à reconnaître la théorie de l'évolution, lui préférant sans doute les thèses créationnistes.

Project Nim prend l'affiche à l'AMC Forum le 5 août, en v.o.a. J'aimerais assez savoir ce que vous en penserez.

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Parlant du gouvernement Harper, voilà quelques mois à peine qu'il est majoritaire à la Chambre des communes et déjà il ne cesse de nous abreuver de singeries.

Le choix de remplacer par un portrait de la reine les deux ouvres d'Alfred Pellan qui, depuis 1973, étaient accrochées dans le hall d'entrée du ministère des Affaires étrangères non seulement fait preuve d'un goût artistique plus que douteux, mais a aussi une portée symbolique évidente. Nous nous garderons bien de diaboliser John Baird et ses collègues, ce serait trop facile. Cette décision n'en a pas moins un fort arrière-goût d'insulte.

Les Affaires étrangères ont aussi fait la manchette dans le dossier Franke James, cette artiste torontoise qui dit avoir de sérieuses raisons de soupçonner le ministère de lui avoir mis des bâtons dans les roues, elle qui a dû annuler une expo en Europe de ses illustrations. Ces dernières critiquent clairement le gouvernement Harper et ses politiques environnementales, mais le font avec humour, sans inciter à la violence, et empêcher la circulation de ces ouvres serait de fait digne, si la manouvre était avérée, de pratiques que nous espérions impensables dans le Canada du 21e siècle.

Nous avons d'ailleurs donné la parole à Franke James dans notre section "Je pense que" de la semaine. Une invitation qui s'inscrit dans l'opération de vigie que nous entendons mener, durant tout le mandat de cet inquiétant gouvernement, sur le front des activités culturelles et artistiques.

Nous avons le souci, voyez-vous, de pas redescendre la chaîne de l'évolution.

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Bon, ça donne envie de prendre des vacances, tout ça. Ce que je m'en vais faire, tiens. On se retrouve bientôt, d'attaque pour la rentrée.