Et vous, où étiez-vous le 11 septembre 2001?
C'est certainement la question la plus souvent posée cette semaine à travers le monde.
Réflexe tout ce qu'il y a de plus humain: en se remémorant le drame et le lieu où il nous a touché, on existe en lien avec le drame, on le partage avec l'humanité. À défaut de bien savoir comment se positionner idéologiquement par rapport à lui, la riposte américaine ayant si souvent défié l'intelligence, on se positionne physiquement, émotivement.
Les millions de récits qui circulent sur Internet ces jours-ci montrent bien que les colonnes de fumée sont encore là tout près, dans nos mémoires. Il faut dire que les cibles d'Al-Qaida conjuguaient comme rarement dans l'histoire cibles militaire, économique et symbolique. De quoi marquer sur tous les fronts l'Amérique et le monde.
Les récits, donc. Il y a ce Français qui était en train de se marier à la mairie d'Hanoï, au Viêt-nam. Quand la cérémonie est interrompue, tout le monde se précipitant vers les écrans télé, s'engagent de longs débats – plusieurs ne comprennent pas la langue vietnamienne – entre ceux qui croient qu'il s'agit d'un nouveau film-catastrophe et ceux qui devinent assister à l'une de ces réalités qui dépassent la fiction.
Il y a celui qui était plongé dans le coma lors des attaques et qui, en se réveillant quelques mois plus tard, ne comprend plus rien à cette planète et se demande s'il n'a pas émergé dans un univers parallèle, plus violent encore.
Et vous, quels genres de souvenirs ce 11 septembre vous rappelle-t-il?
Une ex à moi, il faut le faire, était ce matin-là dans un taxi new-yorkais en direction… du World Trade Center. Elle travaillait aux communications pour la Saison du Québec qui, rappelez-vous, devait débuter au cour de New York le 13.
Ce 11 septembre, moi, je m'étais levé tôt pour préparer une entrevue à réaliser en cours d'avant-midi. Je parachevais alors pour Voir – eh oui, j'y faisais déjà des piges – une série d'entretiens faisant écho à une nouvelle traduction de la Bible, parue cet automne-là (coéditée par Bayard et Médiaspaul). Prochain sur la liste: Gilles Marcotte, écrivain, professeur émérite et réputé avoir beaucoup réfléchi à nos rapports avec la foi.
Ça ne s'invente pas. Les tensions religieuses mondiales allaient éclater de manière spectaculaire pendant que j'avais le nez dans le livre de Job.
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Je viens d'aller fouiller dans les archives, au journal, histoire de relire cet article… À ma stupéfaction, le papier, paru quelques jours après les attentats, ne fait guère mention du drame. Mais il faut dire, bien que les fous d'Allah aient été rapidement pointés du doigt, qu'il n'y avait pas encore matière, le 11 en après-midi ou le 12, à des conclusions claires quant à l'organisation des attaques – surtout pour le journaliste en herbe que j'étais, qui ne voulait pas mêler à la hâte intégrisme musulman et Ancien Testament!
Je me pardonne donc un peu, même si rétrospectivement, ce dossier de la mi-septembre 2001 dans lequel j'approfondis le sujet biblique sans le raccrocher aux événements qui secouaient le globe a quelque chose de parfaitement décalé.
L'eau a coulé sous les ponts. L'encre aussi. Le sang surtout. Se referme cette semaine la décennie Ben Laden. Lequel a d'ailleurs été débusqué il y a à peine quelques mois au terme de la traque la plus médiatisée de l'histoire de l'humanité.
Je tombe encore, en poursuivant ma petite ronde Internet, sur cette phrase qui me laisse perplexe: "Que DIEU ne permette plus jamais une chose pareille."
Pauvre bon Dieu, qui devrait être le remède à la tragédie en même temps qu'il en est la source.
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Dans Le poids de Dieu, paru en 1962 chez Flammarion, Gilles Marcotte écrivait: "Il faut croire à la vie avant de croire en Dieu; accepter tous les risques de la liberté pour oser le pari de la foi. Elle n'est rien si elle n'inclut la possibilité, à chaque instant éprouvée, de ne pas croire."
À relire deux fois.
Le 12 septembre donc, la décennie Ben Laden se refermera. De quoi sera faite la suivante? Quel nom y sera accolé à jamais au début des années 2020? Bien malin qui pourra le dire.
La fameuse citation de Malraux – "Le 21e siècle sera religieux ou ne sera pas" – sera-t-elle sur toutes les lèvres ou dormira-t-elle sous la poussière des bibliothèques? Les paris sont ouverts.
Mémoire sélective.
Une commémoration pour se remémorer un évènement qui quitte inexorablement – fort heureusement – notre mémoire individuelle et collective. En dix ans, la poussière des édifices qui ont sombrés est retombée, bien loin de nos préoccupations.
Il est tentant de marquer les grands évènements dans notre calendrier avant que l’histoire ne les range définitivement dans ses livres. La commodité de notre mode de calcul décimal nous permet de privilégier davantage les anniversaires de 10 ans, de 40 ans, de 100 ans, plutôt que les 8 ans, les 37 ans ou les 98 ans. La commémoration, l’anniversaire, est le temps de l’histoire, de la mémoire collective qui a besoin de repères symboliques, mais il ne constitue pas la mesure de la mémoire individuelle ni de notre existence.
J’observe que nous avions peut-être fini par oublier cet évènement : je me souviens où j’étais le 11 septembre, mais je me souviens aussi que la question ne m’était plus posée depuis longtemps. Par contraste, les retombées de cet évènement en Afghanistan et en Irak continuent de hanter notre mémoire collective et individuelle. Dans ces pays, la poussière du 11 septembre 2001 ne cesse toujours pas d’assombrir la vision possible d’un avenir dans lequel les citoyens rêvent de pouvoir enfin …oublier.
L’idée de Dieu, encore une fois, s’est invitée dans les attentats du 11 septembre 2001 ainsi que dans les conflits subséquents qu’il a engendré, comme dans plusieurs autres, mais avec le recul de l’histoire, il est manifeste que sa présence s’efface progressivement. Et cette présence dissimule ou enveloppe davantage aujourd’hui des motifs culturels, politiques, économiques.
Et sans toutes les commémorations qui lui sont consacrées, l’idée de dieu existerait-elle encore dans notre mémoire?
Le 11 septembre 2001, je rentrais de Québec où j’avais émigré deux ans auparavant, Montréalais écoeuré de ma ville natale. J’étais revenu dans la métropole guéri d’une belle illusion, celle de croire que la beauté extérieure de notre capitale était à l’image de son âme. C’était faux, ou alors je m’étais trompé de beauté…
Donc, ce matin-là, j’étais assis et je regardais les nouvelles télévisées à NBC quand un « anchor man » se retourne et regarde derrière lui le premier avion qui venait « d’entrer » dans une des Tours. Le reste est un peu flou dans ma mémoire car tout allait chavirer si vite, mais une image est encore vive, celle de la réaction du président Bush, quand un conseiller vient lui apprendre la terrible nouvelle. George W Bush est un alcoolique repenti. Normalement, il aurait dû se lever et aller vider un 40 onces illico si son repentir avait eu des failles. Il est resté assis et sa femme, une enseignante, nous révèlera dans ses Mémoires que son mari lui a avoué avoir préféré écouter parler les enfants plutôt que de se lever intempestivement.
On connaît la suite. Et la guerre en Irak, commencée par son père. George W Bush fut un grand président. Pendant que la gauche se saôulait la gueule d’une paix éthylique, Il a fait ce qu’il fallait faire. Ce fut infernal. L’an prochain, l’Irak accueillera un million de visiteurs. Plusieurs dizaines d’hôtels sont en construction, Bagdad aura son métro dans 10 ans et Al Qaïda n’est plus que l’ombre de Ben Laden. En Irak, à la frontière de l’Iran, Bush a fait construire deux bases militaires pour contenir les fous d’Allah. Et cette guerre, il faut le dire une fois pour toutes, cette guerre qui fut la première grande victoire d’Internet sur les médias traditionnels, cette guerre a inspiré la révolte arabe. Ce que admet calmement monsieur Sami Aoun, expert et originaire du monde arabe, dans le quotidien parisien « Le Devoir » de ce matin, à la face du directeur actuel de ce journal, monsieur Descôteaux, qui lui, rien de moins dans son éditorial, nous met Ben Laden et Bush dans la même catégorie de monde.
Le 11 septembre 2001, ce fut aussi la première année d’un nouveau millénaire. Dans les tours du World Trade Center, outre la finance, il y avait des musées, des bibliothèques ,des compagnies d’artistes de toutes les disciplines , de tous les pays. Si ma mémoire est exacte, des artistes québécois devaient s’y rendre, et ils auraient péri s’ils avaient été sur place ce jour-là. Je n’arrive pas à me rappeler de qui il s’agit. Il y avait aussi des cliniques médicales, des garderies ,des restos branchés et des Tim Horton come on en voit partout sur le Plateau. Et 343 pompiers y sont morts en essayant d’éteindre ce feu lancé par des émigrants qui n’ont pas compris qu’ils auraient été « AUTREMENT » des bienvenus dans les USA.
Voilà ce que j’avais à dire sur le 11 septembre 2001. Maintenant, il faut regarder ailleurs, ici-même au Québec où l’idée de liberté nous fait peur. Ce n’est pas très digne, ni très brillant. Franchement, nous sommes jeunes et parmi les quelques peuples encore endormis dans le millénaire précédent qui n’ont pas encore affirmé leur présence définitive et incarnée dans le concert des nations. Et nos ancêtres les plus rapprochés ont travaillé aux USA, y ont émigré et laissé leur empreinte indélébile dans presque toutes les avenues politiques, culturelles et économiques de ce grand pays. Le 11 septembre devrait nous inspirer, au lieu de nous faire peur. La liberté, c’est aussi notre lot et un jour proche, va « falloir faire ce qu’il faut » pour la dire, comme monsieur le président George W Bush l’a fait, le 11 septembre 2001, alors qu’il était sobre et en possession de tous ses esprits…
Le plus frappant est que l’on s’en souvient tous où l’on était. Je pense que nous avons là ce qui s’approche le plus de l’expression « Le temps s’est arrêté ». Suspendu, le doigt tenu sur « pause ».
On a vu et revu et revu ce moment sur les écrans extérieurs, mais sur notre écran intérieur, l’image est encore plus intense, avec soi tout à côté qui regarde l’aberration, avec cette conscience exacerbée d’être là où l’on est.
Et pour ma part, c’était à Montmartre à Paris, pour la première fois de ma vie, avec mon fils et mon homme.
J’ai constaté cette tragédie en retard, dormant du sommeil du juste après une longue nuit de travail. Je me suis levé vers midi pour déjeuner et entendre cette nouvelle sur la radio. Je me suis rapidement précipité vers mon téléviseur et pendant la semaine qui a suivi les images de ces tours qui s’effondraient tournaient en boucle. Je ne sais pas si c’est ça du lavage de cerveau. Certains parlent d’une perte d’innocence chez les Américains alors que pour moi ces victimes en vestons-cravates étaient surtout des requins de la finance. Je comprends que pour les New Yorkais c’est l’enfer à cause du deuil parmi les familles, amis ou collègues, mais pour le reste de la population américaine c’est surtout la perte d’un symbole prestigieux en béton qui les a humiliées.
Comme la plupart des téléspectateurs cette journée-là, je ne connaissais aucune des victimes et je n’ai jamais rencontré quelqu’un qui en connaissait une. Tout cela s’est passé sur l’écran de mon téléviseur comme ces nombreux films catastrophes qu’on nous présente fréquemment avec une grosse cote d’écoute. Récemment dans un journal, on comparait, le World Trade Center à un symbole phallique. L’image me semble amusante avec ces tours qui s’allongeaient vers le ciel en pénétrant les nuages. Je ne peux m’empêcher de comparer ces 3000 morts U.S. avec les 200000 Haïtiens tués et qui semblent être sur le point d’être oubliés par nos grands médias. C’est vrai que se faire assassiner au travail est différent que d’être victime d’un séisme de Mère Nature. Uncle Sam a eu droit à un « black eye » après avoir joué son rôle de superpuissance aux 4 coins de la planète se faisant de nombreux amis et aussi de nombreux ennemis avec son « big stick ». Je ressens de l’empathie pour les familles et les victimes, mais pas pour le béton ou la fierté américaine.