Ils ont installé leur petit comptoir au rez-de-chaussée, il y a deux ans maintenant. Leur clientèle est constituée pour l’essentiel des employés des différentes compagnies qui logent dans l’immeuble: MusiquePlus, Audiogram, Voir – dont les bureaux occupent le 7e et dernier étage… On trouve aussi ici une entreprise de télémarketing, qui roule 24 heures sur 24.
Ils, c’est un couple de Taïwanais qui réussissent à préparer, dans un local grand comme une garde-robe, un menu déjeuner, un autre pour le midi (trois ou quatre plats chaque jour), tout un assortiment de desserts… Le café n’est guère plus que potable, mais nous sommes nombreux à avoir maintenant nos habitudes à ce modeste comptoir. Nous y sommes toujours accueillis avec un immense sourire, et repartons souvent avec une poignée de bonbons asiatiques en plus de notre commande. Cadeau.
Cet immeuble, je m’en rends compte aujourd’hui, est un parfait condensé de Montréal. S’y croisent pas mal de francophones, bon nombre d’anglophones et, télémarketing international oblige, des gens s’exprimant en hindi, en mandarin et autres.
Cet immeuble est un condensé de Montréal et on y observe des comportements typiquement montréalais: voilà deux ans que nos amis ont ouvert leur commerce et, si on y est servi avec une infinie courtoisie, on y est servi strictement en anglais. Mis à part un «bonjour» ou «merci» çà ou là, plutôt rare. Et vous savez quoi? Je leur jette moins la pierre que je ne me la jette à moi-même.
Quand je parle de comportements typiquement montréalais, j’ai surtout à l’esprit ce réflexe qui est devenu le mien et celui de presque tout le monde dans l’immeuble: répondre en anglais. Par courtoisie.
J’ai beau avoir eu mal au ventre en lisant les conclusions des récentes études de l’Office québécois de la langue française, j’ai beau avoir une peur bleue pour ma langue devant les tendances lourdes qui s’y dessinent, je contribue allègrement à la problématique. Parce que c’est moins compliqué. Parce que toutes les fois où l’envie m’a pris de signifier à mes amis néo-québécois que leur français s’améliorait décidément lentement, j’ai trouvé plus urgent à faire, plus important. Surtout, je ne voulais pas froisser ces gens par ailleurs adorables.
Officiellement on s’indigne, mais au quotidien on fait tous un peu preuve de laxisme. Et un jour ou l’autre on constatera, incrédules, qu’on a franchi le point de non-retour linguistique.
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Les résultats des études de l’OQLF ont été rendus publics le vendredi 9 septembre, en après-midi – cette fenêtre médiatique où, les gens de communications le savent bien, à peu près toute nouvelle passe dans le beurre. Publiés en douce donc, mais le sujet est trop sensible. Tout le monde en parle cette semaine.
Jean Charest et Christine St-Pierre, ministre responsable de la Charte québécoise de la langue française, ont beau nuancer, contextualiser; ils ont beau nous dire, les deux mains cramponnées à leur volant dérisoire, que tout va bien dans le meilleur des mondes et souligner quelques éléments encourageants de la recherche, il y a de quoi s’inquiéter vraiment.
Rappel des chiffres principaux, à froid. Si les tendances se maintiennent, le poids démographique des personnes parlant le français à la maison, sur l’île de Montréal, avoisinera dans 20 ans les 47% (contre 54% en 2006). Celui des anglophones diminuera de quelques points, s’établissant à 23% (25% en 2006), alors que celui des allophones grimpera à plus de 29% (un peu moins de 21% en 2006).
On peut se réjouir d’apprendre que les allophones délaissant leur langue maternelle au profit d’une autre langue sont maintenant 51% à choisir le français (contre 39% il y a 15 ans) – Christine St-Pierre se gargarise de ces chiffres-là –, il n’y a guère que 4 allophones sur 10 qui opèrent un tel transfert. La tendance lourde demeure: dans 20 ans, moins d’un Montréalais sur deux parlera le français à la maison, et le recul relatif des francophones apparaît «inéluctable».
Sans aller jusqu’à parler, comme Gérald Larose, de «winnipegisation» de Montréal (un souhait entre parenthèses: et si on lâchait un de ces quatre les néologismes en –isation?), on est en droit de froncer les sourcils devant les perspectives d’avenir.
Deux d’entre elles, qui sautent aux yeux: 1. Tous les ingrédients sont réunis pour que s’accentue le clivage Montréal/province. 2. Montréal, deuxième plus grande ville francophone après Paris, ce ne sera peut-être bientôt plus vrai.
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Pas la peine de consulter Jojo Savard, ni d’avoir la tête à un célèbre patriote: durant les prochaines années, le dossier va devenir chaud, très chaud. Et si on concluait une entente, un deal, ou appelez ça comme vous voulez: et si on avait des discussions à la fois ouvertes, respectueuses des uns et des autres, sans tomber dans la guimauve intellectuelle et politique où toute indignation et toute colère sont reçues comme un affront à l’autre?
Et si on pouvait introduire dans la discussion, sans passer pour un ayatollah, les notions de fierté, de lucidité, de vision à long terme?
Tiens, tiens, pile-poil comme je boucle cette chronique, je reçois l’annonce d’un concours intitulé Le français au Québec, j’y contribue. Organisé par le Conseil supérieur de la langue, il invite les participants à créer un scénario présentant des façons originales de favoriser l’utilisation de la langue française. Les prix? Un iPad, et surtout l’adaptation et la production du scénario gagnant, qui sera ensuite diffusé sur le Web. Intéressés? www.cslf.gouv.qc.ca/languecommune
J’ai moi-même un début de scénario en tête. Il va mettre en vedette mes amis du rez-de-chaussée…
Et si tout le monde demennage de Montreal a Terrebonne, Repentigny et Mirabel, C’est la faute de qui ca? Est si on ameliorer le francais ecrit de tout le monde?Et si on regarde la langue parle au travail et a l’ecole et non a la maison prive de chacun? Et si on regarde la langue parle par les enfants et petits-enfants de tes amis du rez-de-chausse et non ces premiers venus ?
Je crois que ce qui est le plus irritant c’est la facilité que nous avons nous Québecois(es) de se montrer gentils.Allez dans tous ces pays et essayez de vivre exclusivement en français vous verrez que c’est impossible,il n’y a qu’ici où l’on peut vivre en anglais toute sa vie et ne pas apprendre la langue de la majorité.
Les montréalais francophones ont un sérieux coup de barre à donner.
La réponse à vos commentaires est très facile: manque de croissance des Québécois d’origine…
Dans votre chronique vous n’avez pas mentionné l’autre côté de la médaille. On dirait que vous placez la faute sur les immigrants qui ne désirent/veulent pas commencer à parler français.
Mais qu’en est-il des Québécois qui sont déjà ici depuis des générations?
Pourqoui tant d’eux choisissent d’avoir seulement un enfant, ou même pas d’enfant du tout?
Où sont les familles à trois ou quatre enfants?
Je pense que c’est ça le problème… un problème réduit à la croissance des certaines populations.
Alors, que faites-voir à lire cette chronique le vendredi soir? À la chambre à coucher! Au boulot!!!
AK
Bien dit AK! Plus que jamais faisons l’amour et non la guerre…
Nous,de langue maternelle française, si nous ne nous respectons pas (en imposant notre langue dans le commerce,entre autres) comment voulez-vous que nos concitoyens de langue origine autre ,nous respectent. Je travaille au centre-ville et je suis possiblement un sur 10 qui insiste à ce que l’on me respecte dans ma langue.Lorsque’il y a confrontation ( je ne la recherche pas), je passe pour un radical alors que si les 9 autres le faisait, ça coulerait de source. Il ne faut pas oublier que le centre-ville a une grande population anglophone (2 universités anglophones avec beaucoup d’unilingues qui eux vivent à Montréal comme ils le feraient ailleurs en Amérique du Nord.Vu dans une boulangerie du centre-ville,une anglophone qui se débrouille pas mal dans notre langue mais dont l’employé francophone décide d’utiliser l’anglais,pour quelle raison? Une édition de lonely planet en anglais indiquait que » surprisingly we seem to hear more english than french in the downtown area.Francophones,continuez à déménager dans le 450 et le centre-ville tombera entre les mains d’une langue étrangère.
Moi je suis le genre de gars qui sort d’un magasin ou d’un resto quand on ne veut pas lui parler en français.
Y’a qu’un endroit au Canada où on peut véritablement vivre en français et c’est ici au Québec. Il faut pas que vivre en français au Québec devienne une illusion bordel. Ceux qui ne sont pas intéressés à parler français ont tout le reste du Canada où aller vivre.
Et sortez-vous la tête du sable. Vous avez beau les trouver « adorables » (que c’est condescendant) vos restaurateurs, eux ils vous méprisent.
Wow, « mes amis néo-québécois »… Quelle jolie naïveté toute québécoise que celle-là ! Le gentil peuple Passe-Partout, amis avec tout le monde et à tout prix et surtout, toujours heureux de se faire rire en pleine face par le premier venu… Tes charmants amis, Tristan, sont « néo-canadian ». La langue officielle du Québec autant que la langue officielle de Montréal est le français, je répète, le français… Fais-moi plaisir, arrête de faire le gentil toutou adorable, et va passer le message à tes amis. Mais, tu sais, il se peut aussi que tu plaises tellement à habiter dans ta belle « province » bilingue, qu’au lieu de leur donner l’heure juste, tu pourrais tout simplement continuer à te coucher devant eux en attendant qu’ils s’essuient les pieds sur toi, ta langue, ta culture et ton histoire, in english only please ! Pauvre colonisé…