En 1986, comme plusieurs des membres actuels de la rédaction, j’étais plus intéressé par le magazine Croc et les «livres dont vous êtes le héros» que par l’actualité artistique montréalaise. Il me manquait quelques années pour faire partie du lectorat cible de Voir.
Ma rencontre avec l’hebdo allait attendre encore un peu. Jusqu’aux premiers jours de 1992, en fait. Alors étudiant au Cégep de Sherbrooke, je passais un bout des vacances d’hiver chez ma grand-mère, à Montréal – nous sommes bien avant la création d’un Voir Estrie, rappelons-le.
Affalé dans son divan, avec tout l’art de l’affalement dont on fait preuve à cet âge, je cherchais dans le porte-journaux quelque revue à feuilleter quand ma main s’est posée sur ce journal (ma grand-mère était cool) qui m’est vite apparu différent de tout ce que je connaissais à l’époque.
Je suis retombé il y a peu sur cette édition, en fouillant dans les archives, alors que mes collègues et moi préparions le présent numéro anniversaire. J’ai relu avec émotion Jean Barbe démolissant intelligemment le Bye Bye 1991, Laurent Saulnier s’intéressant à la réédition en disques compacts (sic) des classiques québécois des années 70 ou encore Bernard Boulad réfléchissant au redécoupage militaro-politique du globe au sortir de la guerre froide.
L’occasion est belle de tirer notre chapeau à ceux-là comme à Richard Martineau, Éric Fourlanty, Pascale Navarro, Luc Boulanger, Juliette Ruer, François Desmeules, Nicolas Tittley, Christophe Bergeron, tous ceux et celles qui ont décliné avec mordant, au fil des années, la proposition journalistique initiale: celle d’un journal adressé aux gens qui sortent, qui lisent, qui interrogent le monde, qui trouvent dans l’art un oxygène, un baume, autant qu’un doux poison, un miroir peu flatteur parce que juste.
/
En 25 ans, on fait des bons coups, des moins bons aussi. Puisqu’un peu d’autodérision peut cohabiter avec beaucoup de fierté, nous avons préparé des éléments de contenu inédits, qui ne nous montrent pas toujours sous notre meilleur profil…
À compter de ce jeudi et pour les cinq semaines à venir, vous trouverez dans le journal un rappel des fois où nous avons vu juste, mais aussi des fois où nous nous sommes plantés. Vous trouverez même, dès la semaine prochaine, une petite collection de nos pires jeux de mots… (Vous le savez, l’art du calembour a sous notre plume atteint des sommets!)
/
En 25 ans, on fait des bons et des moins bons coups. Il n’est pas toujours simple, il faut dire, de bien lire les changements à l’œuvre dans le monde médiatique. Le contexte n’a plus grand-chose à voir, en 2011, avec ce qu’il était il y a un quart de siècle. Le milieu compte infiniment plus de joueurs, plusieurs ont pigé chez nous les bonnes idées – nous leur avons parfois rendu la monnaie de leur pièce -, mais il fait bon constater que deux ou trois choses demeurent. Un appétit intact pour la culture, d’abord, et pas seulement celle qui flatte dans le sens du poil; une foi dans la critique non complaisante, aussi, que ne dictent pas le commerce ou les lois tacites des conglomérats.
Voir n’a jamais cessé d’être en mouvement. Voilà trois ans apparaissait un volet télévisuel souvent applaudi; un nouveau site Internet, extrêmement vivant, était mis en ligne il y a quelques semaines; vous tenez aujourd’hui entre vos mains un journal au format tout neuf. Plus petit mais pas moins grand, comme on dit.
Vous avez un souvenir marquant lié à cet hebdo? Une critique ou un mot d’amour à formuler? Merci de nous adresser le tout à [email protected]. Nous tendons l’oreille.
Voir a 25 ans les amis. 25 ans, à peu près toutes ses dents, et la ferme intention de ne pas s’arrêter en si bon chemin.
À la nôtre, à la vôtre, et aux 25 prochaines!
Quatorze jours avant de célébrer cette « foi dans la critique non complaisante, aussi, que ne dictent pas le commerce ou les lois tacites des conglomérats », quel artiste a fait la une du Voir ?
La nouvelle Chevrolet Sonic.
@Simon St-Onge: Petite confusion ici. On peut apprécier ou non ces bandeaux publicitaires, ils n’ont rien à voir avec le contenu de nos textes critiques…
@Tristan Malavoy-Racine: La une n’est-elle pas indissociable du contenu critique qu’elle annonce? Elle constitue le choix éditorial le plus patent.
Et je ne crois pas qu’on puisse parler de « bandeau » publicitaire quand la publicité en question occupe les 3/4 de la page.
@Simon St-Onge: Désolé, mais vous confondez ce «wrap» publicitaire, en bon français (tel qu’on en voit un peu partout maintenant), et la une comme telle, qui était juste en dessous et soulignait la première pièce présentée dans les nouveaux espaces de La Licorne. Le choix éditorial, il était là. Vous avez tout à fait le droit de ne pas aimer certains de nos formats publicitaires, mais svp ne mélangez pas tout!
Allons ! Le choix a aussi été de recouvrir cette une d’un « wrap » (son usage répandu ne le rend pas moins affligeant) : ce qu’on voyait en présentoir, ce n’était pas les comédiens de « Chaque jour », c’était une auto. Aucune confusion possible là-dessus.
Je suis et reste un lecteur du Voir, mais je trouve désolant qu’il ait choisi d' »emballer » son contenu (et sa une !) avec une pub.
Allez, bonne continuation.
C’est une bonne chose que de saluer un 25e anniversaire. Il reste cependant que pour la plupart de ces années, il s’agissait d’années prospères pour tous les journaux. La publicité ne manquait pas comme aujourd’hui alors que nous assistons à une descente aux enfers de la plupart des médias d’information. Je ne crois pas que le Voir survivra encore 25 ans. Sans être prophète de malheur, je crois que sa fin est plus proche que son début. Il disparaîtra probablement comme le journal culturel «Ici Montréal» qui était un de vos compétiteurs jusqu’en 2009.
Si on examine la situation au niveau des médias électroniques, on constate que les émissions culturelles sont presque disparues du petit écran, surtout à cause des cotes d’écoute. Tout récemment, j’écoutais l’émission «C’est juste de la télé» diffusée par ARTV. L’animateur examinait la situation de l’émission du Voir sur Télé-Québec, le mercredi soir. Votre cote d’écoute serait tombée à 9000 téléspectateurs seulement ce qui est désastreux si on la compare à d’autres émissions allant chercher des centaines de milliers de téléspectateurs, parfois dépassant le million. Télé-Québec persistera-t-il à diffuser cette émission pour une 4e année avec de tels résultats?
Je me suis déjà exprimé en ce qui concerne le site internet. Ma motivation a été sérieusement ébranlée par tous ces changements. Il ne me semble pas très vivant sauf pour ce qui est du travail de certains irréductibles qui persistent. Reste à voir si tous ces nouveaux membres produiront quelque chose au cours des prochains mois. Je suis plutôt déçu par la tournure des évènements, et je ne partage pas votre enthousiasme. Au risque de passer pour un « casseux de party », je voulais présenter l’autre côté de la médaille de ce 25e anniversaire du Voir, toujours dans un but de transparence.
Monsieur Parisien,
Le monde de l’imprimé connaît en effet des difficultés, que nous tentons de surmonter une à une.
On peut toujours faire dire ce qu’on veut à un chiffre pigé ici ou là. Permettez-moi d’en souligner un autre: selon la plus récente étude PMB, les différentes éditions de Voir sont lues à travers le Québec, chaque semaine, par 494 000 personnes. On est loin d’un chant du cygne, il me semble!
Bonne journée à vous, TMR
Les bonheurs simples sont souvent la récompense inespérée de fréquentations difficiles. On nomme ça « résilience ». Je préfère le mot persistance, plus de mon âge, comme dans « persiste et signe » depuis 2004.
VOIR est ma première référence le matin quand je me lève, en même temps que facebook. Les deux sont intimement liés, et cela me confirme dans le fait que mon hebdo préféré est encore à la fine pointe des terribles bouleversements qui secouent la profession de journaliste depuis 10 ans.
Je pense que la définition première de VOIR en 2011, c’est sa fragilité, j’entends ici que sa position de pointe est dangereuse, parce que constamment exposée. Alors que les médias traditionnels se cantonnent dans « nouvelle », de plus en plus spectaculaire, et de plus en plus vide, comme dans calories vides.
Et puis surtout, VOIR demeure un lieu de passage privilégié pour les jeunes gens qui ont choisi le difficile métier de journaliste. IL DOIT LE DEMEURER. Le pire ennemi de VOIR, ce serait la carriérisme. Et si cela devait s’avérer, je m’enfuirais loin, très loin…
Bonne fête Voir!
J’ai fait des p’tits dessins en ton sein durant près de 12 ans (de 1987 à 1999) avec mon bonhomme à quatre poils, J’y ai développé mon approche éditoriale en toute liberté tant avec Jean Barbe que Richard Martineau. J’ai eu à illustrer les textes de la plupart des journalistes. J’ai eu beaucoup de plaisir. Merci aux Dutrisac, Fortin, Fourlanty, Boulanger, Grenier, Lamarche, Boulad, Navarro, Achard, Leblanc et tout les autres pour ces belles années. ;o)
À lire les commentaires et remarques, on ne fête pas dans le superficiel par ici ! On se tient loin de la guirlande et de la trompette flûtée ! Ça tombe bien, l’élan créatif se tient loin du cliché.
Ce que j’aime du Voir est la place qu’il tient à faire au lecteur, et cela bien avant plusieurs médias. On m’a dit jadis « C’est une clique », il y a une manière « Voir » de penser, « intello, branché, un peu snob » et patati et patata. Eh bien, j’y ai trouvé une place, ma place, et je ne me considère ni intello, ni branchée et encore moins snob ! Toujours vérifier en plongeant, au lieu de se cantonner dans des interprétations est la leçon que j’en ai tirée.
Je me pose une question : comment pourrait-on vivre sans le Voir et ce qu’il apporte comme regards sur la scène culturelle ? Oui, comment ? Moi, je ne peux me l’imaginer, c’est à ce point-là. Alors vous avez affaire, toute l’équipe, à nous confectionner un autre 25 ans de joyeux et créatifs services !