9 novembre 2011, 7h
C’est tranquille place du Peuple. Cette nuit, le mercure a chatouillé le zéro, pour l’instant les campeurs sont moins indignés qu’emmitouflés.
En longeant les allées endormies, bordées de tentes et de quelques constructions de fortune désormais interdites par la Ville, j’ai tout le temps de lire les banderoles, slogans et consignes (il y en a plusieurs, les occupants montréalais me semblent particulièrement disciplinés).
Un type me tend un dépliant, il m’invite à un atelier sur la non-violence (s’engager vigoureusement, oui; taper, non). Je trouve aussi, épinglés çà et là, de nombreux exemplaires du journal 24h, édition du jour. Ils sont tous ouverts à la même page. La sixième, celle de la chronique de Mathieu Bock-Côté, qui leur est dédiée:
«Ils se sont imaginés en Résistance. R majuscule. C’est excitant de jouer à la Révolution. […] Mais voilà, la fête ne dure qu’un temps. Soufflez comme vous voulez dans la balloune de l’utopie, elle finit toujours par se dégonfler. Et vient alors la déception, la tristesse. La vie quotidienne reprend ses droits.»
Bon sang quel âge as-tu, Mathieu? Je te donnais un peu moins de 75 ans…
Comment peux-tu voir quelque chose d’aussi vain dans un mouvement qui a gagné le cœur de plus de 200 villes, rien qu’en Amérique du Nord, et qui ne semble pouvoir être freiné que par les premières neiges?
Comment peux-tu banaliser à ce point un cri devenu mondial, toi qui prétends que «l’heure est venue de ranger les tentes, d’éteindre les feux de camp, de se donner un dernier bisou, de prendre un bain chaud et de revenir dans la société pour l’améliorer progressivement plutôt que d’espérer l’abattre sous prétexte de la rebâtir à neuf»?
Sur les exemplaires épinglés, on a écrit au feutre le mot «désinfo». Mot employé souvent à tort et à travers, j’en conviens, mais qui a parfaitement sa place ici.
Désinfo parce que personne, square Victoria, ne parle d’«abattre» la société. Les rassemblements, un peu confus sur le plan du discours, un peu naïfs peut-être, illustrent d’abord la position devenue dérisoire du quidam voulant remettre en question les grands flux financiers. Le mouvement est pacifique, mais n’a pas la naïveté de croire que les choses vont s’améliorer d’elles-mêmes, sans qu’on ne hausse le ton.
Désinfo surtout parce que l’action de ces campeurs urbains, qu’Éric Duhaime traite, avec son légendaire sens de la nuance, de clochards, est pour l’instant plutôt un succès. Partout dans le monde, on parle comme jamais du mécontentement populaire, on réalise qu’il y a une ligne à ne pas franchir pour les financiers de haut vol et les grandes banques, on voit qu’il y a une limite au siphonnage des ressources du monde.
Le milliardaire américain George Soros soutient qu’il faut les écouter, ces «clochards», le gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney trouve le mouvement «très constructif», Barack Obama lui-même l’applaudit.
Éric Duhaime et les jovialistes économiques du Réseau Liberté-Québec ont beau chanter les merveilles du néolibéralisme, scander que tout va bien Madame la Marquise et faire comme si le système ne s’était pas cassé la gueule en 2008, poussant le très peu social-démocrate Nicolas Sarkozy à déclarer qu’il fallait d’urgence «moraliser le capitalisme», tous les observateurs dotés d’un peu de jugement le disent: cette grogne peut et doit conduire à l’instauration de mécanismes encadrant mieux l’activité bancaire et les rouages des marchés.
Aller prendre un bain chaud? Voilà bien la dernière chose à faire!
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Évidemment qu’au bout de l’indignation, il faut passer à l’étape suivante, articuler un propos, une stratégie. Stéphane Hessel est le premier à le dire, lui dont la plaquette Indignez-vous! a pour une bonne part amorcé le mouvement – d’ailleurs, Hessel n’était pas à l’aise au départ avec ce titre choisi par un autre, prétextant que l’indignation représentait le degré zéro de la prise de conscience.
En pensant «indignation», c’est vrai, nous avons tous d’abord à l’esprit une tête de dindon affolé. Les indignés de Wall Street, de Montréal et d’ailleurs ne souhaitent qu’une chose: demeurer dindon le moins longtemps possible.
Surtout s’il s’agit de celui de la farce.
Je trouve que les indignés manquent d’imagination. Et de recul historique. Ils auraient avantage à sortir de leurs cabanons pour mieux humer l’air du territoire, qui ne commence ni ne finit à Montréal.
Voici mon idée, que je leur donne, gratos. Pourquoi pas commencer par le commencement de ce qui nomme le mieux un pays: la littérature.
Si j’étais leur chef, je renommerais le Square Victoria et il serait maintenant rendue à sa vraie nature: le Square Gaston Miron!
L’Indigné Considérable, c’est bien lui, notre homme rapaillé, que les jeunes gens en colère miment à défaut de bien savoir de qui il s’agit. C’est tout de même un commencement. La parole qui vous nomme enfin sur un Square qui l’a depuis longtemps congédiée par reine impériale anglaise imposée, me semble que ça déclencherait quelque chose d’assez imposant. Et de dangereux aussi: l’autre indignation, celle du conquérant triomphant, qui rigole sur son siège de président des banques, dans nos deux langues officieuses, pendant que l’argent rentre par toutes ses portes ouvertes sur notre bel hiver tout blanc…
Je suis totalement solidaire de ce mouvement des indignés. C’est légitime et sain pour notre démocratie. N’empêche, j’aimerais bien les voir débarquer sur la place politique aussi: mettre leur face sur un poteau, faire du porte-à-porte et convaincre des électeurs. Parce que c’est aussi là que ça se passe. En tout cas, au moins autant qu’au Square Victoria.
Mathieu a raison sur ce point: ces mouvements nous ont trop prouvé par le passé qu’ils manquaient de persévérance. La révolution, ça ne se fera pas seulement en campant…
Je n’ai pas encore atteint l’âge vénérable de 75 ans. Je considère ces « indignés » comme une copie conforme du mouvement américain. La situation économique de cette superpuissance n’est pas bonne et le chômage plus élevé qu’ici : est-ce possible? Je comprends ces jeunes américains d’exprimer leur révolte, surtout s’ils sont au chômage: cela leur donne le temps de manifester. Il reste cependant que la situation canadienne diffère grandement de celle des États-Unis.
Je considère que ces « indignés canadiens » ne font que suivre l’exemple américain comme ceux de bien d’autres pays. Notre froid hivernal mettra fin à ce mouvement qui se cherche une raison d’être comme c’est le cas de certains jeunes sans-abris qui retournent dans le bungalow de papa et maman, en banlieue, après avoir fait la foire tout l’été au centre-ville pour avoir un « trip » de jeunesse.C’est vrai que nous sommes colonisés, mais pas par ceux que nous croyons: Think Big, stie… comme dirait l’autre. L’influence américaine est évidente et ce n’est pas toujours pour le mieux.
Si je n’étais pas résident de Drummondville, je serais à OMtl… bien que j’aie 46 ans et une job à 70 k$.
Une copie d’un mouvement US? La crise est mondiale et la prise de conscience de certains citoyens aussi. Nous sommes 30M et les USA 300M…
Informez-vous: IL NE S’AGIT PLUS D’UNE SIMPLE RECESSION. Je présume que vous savez que les économies sont inter reliées et pas seulement par le commerces des biens tangibles mais par l’intrication des investissements bancaires financiers.
La Grèce tombe (fait défaut) => L’italie => La France => La zone euro implose => Traversée de l’Atlantique => US en crise => Canada dans la merde.
Suggestion de lecture:
http://www.salon.com/2011/11/10/how_europe_could_take_the_u_s_down/
Mathieu, un peu moins de 75 ans???
Un vieux catho réactionnaire du nom de Léon Bloy disait: « Qui n’a pas été anarchiste dans sa jeunesse ne mérite aucun respect dans sa vieillesse. »
Quand Mathieu sera-il enfin jeune? Il n’est jamais trop tard pour changer.
On devrait peut-être, dans son cas, procéder à un rappel pour défaut de fabrication.
Richard Lépine, 64 ans, retraité et solidaire.
Pour avoir visité le site d’Occupons Montréal pendant plusieus heures, je peux vous confirmer qu’il y réside une bonne part de pouilleux, d »itinérants, d’assistés sociaux et de manifestants de profession. Ces gens occupent un terrain qui devrait appartenir à tout le monde, et non seulement au «peuple» qu’ils se sont inventé. Soyons clairs: l’anticapitalisme érigé en dogme par la plupart des participants n’est pas un reflet de la volonté du fameux «99%» que ces révolutionnaires tentent de nous enfoncer dans la gorge. Je recommanderais à notre maire-castrat Tremblay de faire entendre pour une fois sa faiblarde voix et de démanteler ces camps de pour itinérants chics, comme les maires de Calgary, Oakland, Québec et Denver auront osé faire.
Soros est un gauchistes et c’est lui qui est derrière ce mouvement en passant!
Je suis 100% d’accord avec vous Monsieur Malavoy-Racine. Vous comprenez parfaitement de quoi il s’agit. J’ai simplement été déçu qu’à l’émission « Tout le monde en parle » des « représentants » de OWS pour Montréal et Québec n’aient pas dit un mot sur les banques et la spéculation financière. Si c’est pour avoir des représentants de cette nature, le mouvement est bien mieux de ne pas avoir de leader…