Connaissez-vous Culture Montréal?
Oui et non, n’est-ce pas? Je m’en doutais. L’organisation a beau avoir célébré son 10e anniversaire le 28 février, elle a encore tout d’un OVNI dans le paysage montréalais.
Créé par Simon Brault et un petit groupe de visionnaires, Culture Montréal est un mouvement citoyen qui a pour objectif de favoriser ici la création et la diffusion des arts sous toutes leurs formes, et, dans une perspective plus large, de positionner la ville comme métropole culturelle.
Vaste programme, oui, mais auquel se dédient les membres de Culture Montréal avec une énergie et un sens de l’action peu communs.
Ces dernières années, ce regroupement basé sur l’implication bénévole a accompagné la Ville dans l’élaboration de sa première politique de développement culturel et a conçu «Rendez-vous Montréal», qui allait réunir 1300 personnes en novembre 2007 et doter la métropole d’un plan d’action culturel échelonné sur dix ans.
Aussi et plus concrètement, l’organisation s’est beaucoup intéressée à l’implantation et la pérennité des ateliers d’artistes et a adressé de nombreuses recommandations liées au développement du territoire, histoire d’éviter que, fidèles à nos habitudes, nous n’infligions trop de balafres à notre île (dans les dossiers, par exemple, du Quartier des spectacles, du projet du CHUM, de la reconstruction de l’échangeur Turcot et, tout récemment, du développement du secteur Griffintown).
Culture Montréal est l’une de nos richesses, une structure à laquelle quiconque s’intéresse à la place qu’occupe la culture dans le tissu montréalais peut contribuer. «Nous, on survit aux politiciens, on survit aux élections, on veut incarner une force permanente, une force civile, apolitique», disait Simon Brault dans son discours anniversaire. «Les politiciens passent, nous, on reste», en somme.
Dans le climat politique actuel, proche de la névrose, ce type d’initiative citoyenne a plus de valeur que jamais. Ne vous demandez pas ce que le gouvernement peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l’empêcher de tout bousiller.
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Parlant des politiciens qui passent, bien que souvent pas assez vite, le 10e de Culture Montréal a donné lieu à une scène digne d’un opéra-bouffe. Dans un Club Soda bondé d’artistes, s’est présenté nul autre que James Moore, en chair et en os.
«Il ne va pas oser», «On ne lui donnera pas la parole», «C’est pas possible», murmurait-on partout dans la foule. Eh bien il a osé. Le responsable des dossiers culturels d’un gouvernement qui accorde autant d’importance à la culture qu’au papier de toilette, un gouvernement qui coupe avec la finesse d’un bûcheron dans les programmes de subventions et qui a mené le projet de loi C-11 avec un mépris souverain des créateurs de contenus, allait venir applaudir un organisme qui, avec des bouts de ficelle, fait des miracles pour la culture d’ici.
Le sphérique ministre s’est avancé au micro, a évidemment joué la carte du défenseur des arts, puis aussitôt ramené la culture à une question de fric, mentionnant le Festival de Jazz et quelques autres success stories, brandissant des chiffres bien mémorisés («L’industrie culturelle, au Canada, c’est trois fois plus gros que l’industrie des assurances», blablabla…).
Platissime discours, qui occultait d’ailleurs une large part de la mission de Culture Montréal: le soutien à la relève, aux artistes en marge des grands courants commerciaux, à ces petits joueurs qui voient grand.
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Le hasard a voulu que j’écoute le laïus de James Moore aux côtés de Michelle Corbeil, dont le merveilleux Festival international de la littérature (FIL) est l’une des victimes récentes du Patrimoine canadien. J’ai parlé à quelques reprises ici de cet événement qui, année après année, remplit ses salles et satisfait aux plus hautes exigences artistiques, mais qui a vu l’an dernier le ministère de James Moore lui retirer, quelques semaines avant le festival, une subvention pourtant reconduite depuis plusieurs années (seule explication plausible: ce spectacle du FIL qui, en 2010, avait écorché Stephen Harper).
Le lundi 5 mars, le FIL tiendra à la Cinquième Salle de la Place des Arts une soirée-bénéfice, placée sous la présidence d’honneur de Dany Laferrière. Il reste quelques billets, me dit-on, qu’on pourra se procurer en suivant le lien plus bas.
En attendant que soient passés Moore et ce gouvernement dévastateur pour tout ce qui nous est cher, il est crucial, amis des arts, de se serrer les coudes.
J’étais à cette soirée et j’ai été éberlué comme tout le monde d’entendre Moore. Il a fait une bonne job de politicien en livrant un discours bien écrit par son équipe («Montréal est la capitale culturelle du Canada»).
J’ai par contre été outré de la prestation sur vidéo du maire Tremblay. Le maire de Montréal, soi-disant défenseur de Culture Montréal et de l’Agenda 21 a livré un discours d’une platitude abyssale, sans aucun relief, sans aucune passion (et dans une vidéo manifestement tournée sur une web-cam dans son bureau). C’était d’un pitoyable à pleurer. Quand on constate que le ministre du gouv. Harper qui vient de Colombie-Britannique avait une verve et un verbe cent fois plus animé que notre propre maire, ça n’est pas très réjouissant pour l’avenir des arts à Montréal…
Beau parallèle entre des citoyens engagés et un représentant officiel qui lit sa « ligne de presse » telle que déterminée par les experts en marketing et approuvé par la censure du bureau du PM.
D’un côté la réalité, de l’autre le blabla.
Comment en vouloir à ceux qui deviennent cyniques face au monde politique.