22 avril 2012

22 avril: la pointe de l’iceberg

Je ne vois qu’une bonne chose à la frénésie Titanic, à travers cette débauche de récupération et d’opportunisme allant de la version 3D du film de Cameron aux livres de cuisine inspirés de la table du paquebot et proposant, dans un infini élan de bon goût, «40 recettes avant l’iceberg». Entre nous, va-t-on un jour laisser en paix les 1500 noyés de la nef des rêves? N’ont-ils pas droit au repos éternel autant que les milliers d’autres naufragés de l’histoire, tous anonymes ou presque?

Je ne vois qu’une bonne chose à ce centenaire, donc: la parfaite analogie qu’il nous invite à faire entre «l’insubmersible» et la planète bleue. Réputé merveille technologique, bateau le plus sûr de tous les temps, géant des mers plus fort que les éléments, à tel point que son capitaine allait faire fi de la dizaine d’avertissements reçus d’autres navires, le 12 avril 1912, qui mentionnaient des amas de glace dangereux, le Titanic illustre à la perfection cette bonne vieille tendance humaine à narguer le danger.

Ai-je besoin de compléter l’analogie?

Les signaux d’un dérèglement climatique s’accumulent, les indices de l’impact qu’ont les activités humaines sur ces dérèglements ont de plus en plus des allures de preuves, mais sur le pont de la communauté internationale, les joueurs les plus puissants, dont le meilleur pays au monde, causent indices boursiers en mangeant des petits fours.

Et quel est l’un des arguments principaux des nonchalants de l’environnemental? La pensée magique selon laquelle cette chère technologie va nous sauver. On ne se refait pas. Dans 50 idées reçues sur l’état du monde (Armand Colin), le géopoliticologue français Pascal Boniface énonce l’une de ces idées reçues: «Les contraintes de nature juridique internationale, comme celles contenues dans le protocole de Kyoto, sont inutiles pour lutter contre le réchauffement climatique. Si ce dernier constitue une menace bien réelle, la solution viendra des progrès de la technologie qui permettront de limiter la consommation d’énergie ou l’émission de gaz polluant.»

Boniface explique ensuite le danger d’une telle position, en vogue chez nos voisins du sud et de plus en plus chez nous. «Cette posture est à contre-courant d’une prise de conscience internationale du risque de changement climatique», dit-il, avant de montrer le piège de la dédramatisation et de la banalisation des mesures contraignantes.

Le Titanic incarne une sorte de mise en abyme, pour ceux qui connaissent un peu le vocabulaire littéraire, et je me retiens pour ne pas dire mise en abysse… Un élément d’un tout qui en dit long sur le tout en question.

Le 22 avril, des centaines de milliers d’hommes et de femmes prendront la rue pour dire l’urgence de soigner notre ressource première autant que notre mère et notre maison: la Terre. La thématique traverse le journal de cette semaine. Vous y lirez Dominic Champagne, Daniel Turp et d’autres. Chacun a choisi son combat, conscient que devant cette vaste problématique, nous ne voyons jamais que la pointe de l’iceberg.

C’est déjà mieux que d’ignorer sa présence.