Mots croisés

DING – DING DING DING DING – DING DING

Hormis quelques soubresauts dans les couloirs universitaires, l’écho des casseroles résonne si peu dans la campagne qu’on pourrait croire l’épisode loin de 10 ans. C’est pourtant hier que nous faisions battre un grand cœur de métal, sur les balcons, sur les trottoirs, aux côtés de nos parents comme de nos enfants, nous, joyeuse incarnation de la violence et du désordre civil.

Notre mémoire étant une faculté bien imparfaite, il est facile d’oublier la belle colère dont était chargé ce tintamarre quotidien, et dans lequel Jean Charest devait bien entendre le commencement de son glas. Pour nous rafraîchir le souvenir, pour le nourrir même, on peut maintenant ouvrir Carré rouge, le coloré petit livre de Jacques Nadeau.

Le photographe du Devoir, reconnu depuis longtemps comme étant l’un des meilleurs photographes de presse du Québec, et sans doute le plus sensible à l’histoire en train de se faire, a vécu le printemps québécois comme une mission dans un pays en guerre. Nous avons tous en tête quelques-uns de ses clichés, attrapés au détour d’une page de journal; nous nous souvenons de ce jour où, voulant coller l’action d’un peu trop près, il a été renversé par le cheval d’une policière du SPVM. Mais il fallait voir l’ensemble des photos rassemblées en un album pour mesurer à quel point Nadeau avait capté l’essentiel du conflit.

Plus on avance dans ce livre, carré of course, plus on entend de nouveau les DING DING, plus on revoit la vague rougeoyante qui déferlait hier dans nos rues. De courts textes, signés par des figures connues – Biz, Guy A. Lepage, Gabriel Nadeau-Dubois – comme par des étudiants et de simples citoyens, rappellent, sous forme de poèmes ou de montées de lait, les enjeux pluriels de cette ébullition politique. Parmi eux, Fred Pellerin, qui évoque cette ébullition avec, une fois de plus, le mot juste: «C’était parti en convictions, / Un petit rien de rouge, / Comme une peau de chagrin / virée à l’envers / Qui s’est mise à prendre de l’ampleur à chaque souhait. / Ça devenait solidaire. / Solidaire.»

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Prix unique, ou presque

Le Québec est à la traîne en matière de politique du prix du livre. Dans une douzaine de pays, en France par exemple, les livres sont vendus partout le même prix, ce qui permet entre autres aux petits libraires, cette espèce en voie de disparition chez nous, de tirer leur épingle du jeu.

Le prix unique permet par exemple d’éviter que les grandes surfaces et les librairies en ligne ne raflent l’essentiel du marché des best-sellers en vendant à fort rabais les nouveaux Dan Brown ou Marc Levy. Une idée qui tombe sous le sens, on est d’accord, mais que contrent les grands groupes depuis plusieurs années.

L’Association des distributeurs exclusifs de livres en langue française (ADELF) propose actuellement une réglementation nuancée, qui impliquerait que durant les neuf premiers mois suivant la parution d’une nouveauté, le rabais maximal accordé par les détaillants soit de 10%.

L’ADELF, appuyée par des joueurs majeurs du milieu comme l’Association des écrivaines et des écrivains québécois et l’Association des libraires du Québec, a invité les partis politiques à se prononcer sur la question. Québec solidaire dit soutenir la mesure, pour ce qui est des autres on attend.

Si vous aimez aller flâner chez le libraire du coin, si vous aimez acheter vos livres ailleurs qu’entre des rouleaux de papier de toilette et des pains à hot-dog, passez le mot!