Notes de passage

Foule cool

En me pointant à la Sala Rossa, la semaine dernière, je m’attendais à endurer une autre performance robotique et inerte. Je m’étais rendu seul à la rencontre du duo britannique Plaid, car les quelques amis qui me restent ont tendance à fuir – avec raison – lorsque la seule description que je peux leur offrir d’une performance se limite à " deux gars assis derrière des laptops ".

Dommage pour eux, car cette soirée avait de quoi faire glisser vers la corbeille les préjugés les plus tenaces entourant la nouvelle musique électronique. En lever de rideau, Mira Calix a livré une performance un peu longuette, mais s’est reprise de fort belle façon grâce à d’étonnants sets de D.J. qui avaient des airs de greatest hits de l’écurie Warp. Puis, Nobukazu Takemura, pourtant si ennuyant lors de son dernier passage chez nous avec Tortoise, s’est avéré ludique et concis, offrant un amusant contrepoint sonore aux dessins enfantins qui s’animaient derrière lui.

Plaid s’est pointé sur le tard, après avoir exigé qu’on éteigne les rares projecteurs braqués sur la scène. Dans l’obscurité quasi totale, ils ont projeté une série d’images aussi jolies que dénuées de sens. Idem pour la musique. Plaid, on l’a dit, est l’un des groupes les plus réjouissants de la très sélect (et très sérieuse) étiquette Warp. Habiles manipulateurs de textures numériques, ils possèdent aussi ce rare talent d’activer à la fois les pieds et les neurones par une musique joyeuse mais jamais conne. La salle, remplie à pleine capacité, n’a pas mis longtemps à s’abandonner et on a même aperçu quelques téméraires danser, un exploit de plus en plus rare dans le monde des "shows de laptop".

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S’il est un groupe qui attire systématiquement un public de qualité, dont chacun des éléments pourrait aussi bien se retrouver sur scène que dans la foule, c’est bien 1-976. Aussi, on ne s’en est presque pas voulu de manquer les Anglais de Clinic pour goûter à l’atmosphère décadente que nos héros locaux du glam rock n’ont pas manqué d’installer au Café Campus.

À ma grande surprise, au beau milieu de cette foule composée de travelos, de punks, de glam rockers et de tatoués et de percés en tous genres, j’ai entendu quelqu’un maugréer: "Maudit qu’ils sont weird, eux!". Le commentaire ne s’adressait pas aux stars de la soirée, mais aux Georges Léningrad, qui assuraient la première partie.

Oui, les Georges Leningrad sont weird. Ils sont aussi très mauvais, horriblement laids, chantent en yaourt, et se font un point d’honneur d’être les plus désagréables et brouillons possibles. Et c’est précisément ce qui rend ces bâtards issus d’un croisement entre les Residents, les Slits et Add N to X, si attachants. Ces gars et ces filles sont de cette race de performeurs qui élèvent le mauvais goût et l’inhabilité technique au rang des beaux arts, même si, en ce lundi soir, on sentait poindre chez eux les germes de l’ombre d’un certain professionnalisme. D’ici deux ou trois ans, ils seront peut-être capable d’écrire une chanson. Ce jour-là, ce sera la fin des Georges Léningrad.

Les vedettes de la soirée, elles, n’avaient pas à rougir d’avoir resserré leur son. Toujours bruyant et énergique, 1-976 est maintenant un vrai groupe de rock’n’roll, qui a définitivement transcendé son image de choc. Si le flamboyant et androgyne chanteur Plastik Patrik, coiffé d’une perruque blonde et d’un affolant g-string, occupe toujours le centre d’attention par sa simple présence, il s’affirme de plus en plus comme chanteur (il était particulièrement efficace sur la salace Gang Bang) et son groupe, qui comptait ce soir là sept membres, est maintenant bien plus qu’une simple bande d’amateurs du Rocky Horror Picture Show. Leur glam-rock-garage-punk, bien que simple, n’a rien à envier à celui de Robin Black, par exemple. On a hâte de suivre l’évolution de 1-976 sur son premier album, qui devrait paraître, comme nous l’annonçait fièrement Plastik Patrick, à la fin du mois de mai.