Notes de passage

Being Boring

Being Boring

D’abord, il faut vous avouer que j’aime bien les Pet Shop Boys. Appelez ça un plaisir coupable si vous le voulez, mais je n’ai aucun remords à chanter Can You Forgive Her à tue-tête sous la douche ou en passant la moppe, si, d’aventure, il m’arrivait de passer la moppe. À mon avis, Neil Tennant et Chris Lowe sont parmi les plus habiles artisans de la culture pop-dance britannique des 20 dernières années. Cela étant dit, il faut aussi mentionner que je n’ai pas pris grand plaisir à écouter leur récent Release, pourtant salué presque unanimement comme un grand pas en avant. Le disque de la maturité, dit-on; un disque audacieux où les maîtres de la pop à synthé osent s’appuyer sur les guitares (celle de l’ex-Smiths Johnny Marr, qui n’était malheureusement pas de la tournée et à laquelle il aurait pu donner une tout autre tournure).

Tout ça pour dire que j’étais jeudi dernier au Théâtre Saint-Denis – rempli de peine et de misère à l’aide de liasses de billets donnés, ce qui a dû briser le coeur des pauvres bougres qui avaient déboursé 65 dollars pour leur place – afin de voir sur scène un groupe qui a toujours été une créature de studio. Pourquoi diable avoir choisi le Saint-Denis? Si les Pet Shop Boys avaient décidé d’investir le Métropolis plutôt qu’une salle à l’italienne, on n’aurait pas eu à endurer presque toutes les pièces molassonnes de leur dernier album et on aurait pu se trémousser sur leurs irrésistibles rythmes synthétiques.

Mais les PSB sont "matures", maintenant, ce qui explique peut-être pourquoi Neil Tennant fait semblant de jouer de la guitare appuyé sur un tabouret et pourquoi le groupe cache ses cheveux blancs derrière un éclairage artistique" (j’ai bien dû mettre une heure à me débarrasser des phosphènes imprimés dans ma rétine par les spots qui éclairaient la salle plutôt que les artistes). Il y a bien eu It’s A Sin en rappel, une version tristounette de West End Girls et leur reprise de l’hymne gai des Village People, Go West, qui retrouvait toute sa force fédératrice avec les choeurs du public. Mais dans l’ensemble, la soirée s’est avérée d’un ennui mortel: pas assez intimiste pour être vraiment émouvante, et certainement pas assez dance pour décoiffer qui que ce soit. En sortant du théâtre, on ne pouvait s’empêcher de repenser à Being Boring, leur hymne à la jeunesse passée: "We were never being boring, we were never being bored"… Eux, peut-être pas. Nous, oui.

***

Les conférences de presse, c’est chiant. Les petits-déjeuners de presse, c’est déjà plus convivial, surtout lorsqu’on a en face de soi un véritable tripeux de la trempe de Jean Beauchesne. La semaine dernière, le programmateur du Festival d’été de Québec avait décidé de se présenter sans tambour ni trompette (ni même de crêpes au sirop d’érable!) et de draguer les journalistes de la Métropole avec ce qu’il connaît le mieux: la musique.

À l’écouter déballer de mémoire les CV de chacun des invités de cette 35e édition du Festival, on ne peut qu’être impressionné par le dévouement sans bornes dont il fait preuve. Et s’il ne trouve pas le temps de ploguer ses commanditaires (ce dont on lui sait gré, si vous saviez comment c’est rafraîchissant!), il peut vous entretenir des heures durant sans respirer du frisson ressenti lorsqu’il a retiré l’enveloppe de cellophane de son premier disque de Jethro Tull.

Pour un peu, Beauchesne aurait presque réussi à me convaincre qu’il venait d’accoucher d’une programmation de rêve et qu’il me fallait sur-le-champ faire le voyage dans la Vieille Capitale pour y camper en attendant de saluer le retour de Caravan et de Fairport Convention. Désolé, mais je ne salive pas à l’idée d’un revival du folk anglais des années 70 et je ne suis pas assez tripeux pour être excité à l’idée du retour de dinosaures du rock progressif. Si j’admire la passion du programmateur, je me questionne sur la pertinence d’afficher en lettres de feu l’ex-Genesis Steve Hackett, le spectacle symphonique sur la musique de Queen, l’apparition du bellâtre David Usher ou l’hommage à Richard Desjardins imaginé par Éric Lapointe. Pourquoi ne pas mettre de l’avant les véritables forces du Festival d’été? Ces fantastiques découvertes de la planète world qui y affluent chaque année? Les résidences audacieuses (celle de Freeworm ou du guitariste multiforme Gary Lucas, capable de s’adapter aux beats de DJ Spooky ou au pipa chinois), les groupes originaux de la trempe de Tanger, Taraf de Haïdouks et autres? On comprend qu’il faut bien appâter le client avec quelques repères connus, mais la véritable force de Québec, c’est justement dans les nouveautés qu’elle se trouve. Allez les découvrir par vous-même; elles sont toutes au www.infofestival.com. Allez, sans rancune. On se revoit à Québec en juillet?