Notes de passage

Francos : Suite et fin (enfin!)

Dimanche dernier, je me suis extirpé du lit avec une gueule de bois colossale, conséquence directe d’un party qui dure depuis le début de l’été. Les FrancoFolies terminées, on peut enfin déclarer officiellement close la série des festivals d’été (en musique, du moins, puisque le FFM commence bientôt) et se demander s’il ne faudrait pas un jour imposer un moratoire sur la durée de ladite saison (mais ça, comme on dit, c’est une autre histoire).

Autant vous dire que dans l’état où l’on se réveille après avoir été gavé de tant de musique, on n’est guère réceptif à la litanie des chiffres qui sont débités dans les conférences de presse-bilans. On retiendra que les organisateurs des Francos, s’ils ont avoué du bout des lèvres une baisse dans la vente des billets, se réjouissent du nombre record de festivaliers venus arpenter le site. Il a fait beau, il a fait chaud, et notre fabricant d’autos préféré est ben content, mais pas autant que les FrancoFous, qui ont eu droit à un formidable éventail du talent local pour pas un rond. On s’est vanté, à juste titre, que "la créativité et l’audace" dont on avait fait preuve aient été récompensées par un véritable engouement populaire. Ce succès, il faut le préciser, est entièrement attribuable au travail de rajeunissement effectué par Laurent Saulnier depuis son arrivée à la tête de la programmation extérieure. Homme de terrain, il a vu, durant toutes les années passées de notre côté de la barrière, des groupes comme Groovy Aardvark faire délirer des salles pleines à craquer. Le rock ne lui est pas étranger et il connaît bien son pouvoir fédérateur. Ainsi, l’une des soirées les plus réussies fut la plus rock’n’roll, alors qu’on a pu apercevoir, l’un à la suite de l’autre, Galaxie 500, Groovy Aardvark et Mononc’ Serge.

Dans le cas de Groovy, on peut difficilement parler de relève, puisque le groupe existe depuis aussi longtemps que le journal que vous tenez entre vos mains. Leur accession à la grande scène signifiait enfin la reconnaissance de cet état de fait et ils se sont acquittés de leur tâche avec brio, avec un répertoire aux accents trad (Yves Lambert était d’ailleurs de la partie pour Boisson d’avril), histoire de faire swinguer tout le monde.

On a pu constater que la jeune Ariane Moffatt, universellement reconnue comme LA révélation de ces 14e Francos, n’a pas volé ses accolades. Après avoir été dans l’ombre de Déry et Bélanger, elle avance en pleine lumière avec un aplomb étonnant. Cette fille ira loin, tout comme Dumas, qui a lui aussi habité la grande scène avec une assurance surprenante.

Toujours dehors, on a vu Arseniq33, WD40 (malgré les éclairs), Mara Tremblay, La Chango Family et autres brasser la cage des festivaliers, qui en ont redemandé. Avec les Chapeau Melon, Mogilny, Geneviève et Matthieu et autres Volume 10, c’était presque toute la scène locale qui était au rendez-vous. Tellement, en fait, qu’on aurait pu croire qu’une telle affluence de groupes émergents sur les scènes officielles ait pu nuire sérieusement à la programmation des OFFrancos, qui risquaient de se ramasser avec des miettes. Il n’en fut rien: allez lire le compte rendu de mon collègue Parazelli dans la chronique Scène locale, et vous constaterez qu’il existe un bassin énorme de groupes de la relève qui se fera un jour un chemin sur le site des Francos.

Une question se pose: avec un pareil succès en extérieur, peut-on imaginer que le festival devra un jour se scinder en deux, avec une partie en salle consacrée aux vieux artistes rentables (et un public à l’avenant) et un volet entièrement gratuit pour les groupes de la relève?

Et en salle? Un Yann Tiersen aérien, qui a transformé le Métropolis en chapelle ardente; un Dick Annegarn toujours aussi étrange, débarqué avec son groupe à son image (un tubiste, un claviériste, un accordéoniste); un Fred Fortin complètement scié de voir tant de monde au Métropolis, qui a prouvé, après son set solo, que son Gros Mené est certainement le meilleur groupe de rock trash au Québec. Et si l’on s’était plaint, la semaine dernière, des ratages absolus des doublés Luke-Catherine Durand et In Vivo-Guérilla, donnés dans des Spectrum quasi vides, on a eu de quoi se réjouir du succès de la soirée Dominique A-Jérôme Minière au même endroit. Le premier, un peu moins fâché que lorsqu’il était venu présenter son album Remué il y a trois ans, a réaffirmé sa foi dans le rock; et le second nous a prouvé qu’il pouvait surmonter sa gêne pour habiter la scène du Spectrum avec beaucoup de panache. Quant à Stefie Shock, qui tenait la vedette du spectacle de clôture, on ne doit pas parler de révélation, mais de confirmation. Son rock groovy unique était déjà solide; voilà qu’il a un public à sa mesure.

Maintenant, en attendant la rentrée, j’ai l’intention de me payer des vacances en silence, si vous n’y voyez pas d’inconvénients. Cette chronique vous reviendra dans quelques semaines, le temps que je me repose les oreilles.