Notes de passage

La mort vous va si bien… Les autres 80’s

Drôle d’ambiance à la Sala Rossa, samedi dernier. Drôle, parce que pendant les pitreries des locaux de Unireverse, destinées à nous faire patienter avant l’arrivée de Suicide, on a eu le temps de regarder autour de soi pour constater que les moins de 35 ans n’étaient pas légion. Un show de vieux? Après tout, ça n’avait rien d’étonnant: n’étions-nous pas sur place pour applaudir un groupe qui a signé son magnum opus en 1977?

La mort vous va si bien…

Drôle d’ambiance à la Sala Rossa, samedi dernier. Drôle, parce que pendant les pitreries des locaux de Unireverse, destinées à nous faire patienter avant l’arrivée de Suicide, on a eu le temps de regarder autour de soi pour constater que les moins de 35 ans n’étaient pas légion. Un show de vieux? Après tout, ça n’avait rien d’étonnant: n’étions-nous pas sur place pour applaudir un groupe qui a signé son magnum opus en 1977?

Bien sûr, Alan Vega et Martin Rev ne sont plus aussi effrayants qu’ils pouvaient l’être à l’époque, lorsque leur bizarroïde techno-rockabilly théâtral choquait tout le monde, punks compris. Ou peut-être si, mais pas pour les mêmes raisons. Rev, un sympathique père de famille, ressemble aujourd’hui à une version momifiée de Lou Reed dont on aurait remplacé les articulations par du caoutchouc. Ses lunettes noires gigantesques, les mêmes qu’il a vissées sur le nez depuis 25 ans, semblent désormais faire partie intégrante de son visage émacié. Pendant toute la durée de ce bref concert, il a matraqué ses machines de façon presque martiale, hypnotisant l’auditoire de rythmes aussi répétitifs que primitifs.

Alan Vega, quant à lui, joue toujours les poivrots spectaculaires: coiffé de son absurde béret (on aurait dit une sorte de Captain Sensible en moins exhibitionniste), sérieusement imbibé de gros gin, il a crooné maladroitement, s’effondrant avec grâce sur les planches et disparaissant à l’occasion en coulisses. Mais bon, on l’a dit, on n’est plus en 77 et lorsqu’il a entamé Johnny Teardrop, la terrible histoire d’un vétéran du Viêt Nam aux pulsions meurtrières, on s’est trémoussés de joie, pas d’effroi. En fait, le seul moment vraiment effrayant du spectacle, Vega nous l’a donné pendant la classique Cheree (une chanson d’amour façon Suicide – glaciale), lorsqu’il a échangé un french bien baveux avec une spectatrice qui aurait pu être sa fille. Ça, c’était punk!

On l’a dit, Suicide est directement responsable de la carrière de plus d’un groupe synthétique des années 80, dont vous savez sûrement qu’ils effectuent un retour en force en ce moment. Pour vous en convaincre, vous n’avez qu’à vous pointer à l’une des soirées Neon, présentées à la S.A.T. Vous y verrez des hordes de gars en t-shirts "pas de manches" et des filles aux yeux surmaquillés et aux cheveux coiffés à la colle contact. Une belle foule androgyne et trouble, avec, pour citer les Little Rabbits: "Des garçons avec des filles, des filles avec des garçons, des filles avec des filles, des garçons avec des garçons." Ça marche tellement bien que même le Cabaret, connu pour ses soirées C’est Extra, entre dans la danse (des robots?) avec Pop 80, un événement mensuel qui commence ce samedi (14 septembre). Un revival qui en vaut bien d’autres, du moment qu’il n’annonce pas un retour en force de la coke et des amphétamines…

Les autres 80’s
À l’autre extrême du spectre musical, les années 80 – et les détracteurs de cette époque bizarre l’oublient trop souvent – ont aussi marqué la genèse de l’indie-rock américain, qui a fait rugir les guitares en réaction aux omniprésentes machines. C’est durant cette période trouble – post-punk et pré-grunge – que certaines des meilleures formations états-uniennes ont vu le jour.

Ryko et Restless (Dieu les bénisse!), spécialistes de la réédition de qualité, viennent de me titiller la fibre nostalgique avec quelques albums de choix dont les versions vinyle commençaient à s’empoussiérer sur mes étagères. D’abord, les Replacements, dont on réédite les quatre premiers disques (trois albums et un EP). Pour le néophyte, il ne s’agit pas nécessairement du meilleur cru du groupe de Minneapolis, qui n’atteindra la maturité qu’avec Pleased to Meet Me. Même "remasterisé", Sorry Ma, Forgot to Take Out the Trash, leur premier album, sonne, justement, assez trash. On y croise un groupe de jeunots mal accordés et cacophoniques, mais la rage s’arrime déjà au talent d’écriture de Paul Westerberg, même si le groupe ressemble parfois à un ersatz de ses concitoyens de Hüsker Dü. Parmi ces quatre CD, on trouve tout de même Let it Be, qui annonce l’écriture plus serrée qu’on retrouvera sur Tim et Pleased to Meet Me, Westerberg empruntant de plus en plus au style pop-rhythm and blues de son idole Alex Chilton. Du très bon rock américain, qui ne s’est pas retrouvé dans toutes les encyclopédies du rock par hasard.

En 1983, en même temps que les Replacements lançaient Hootenanny, plus au sud, dans le milieu de rien du tout (Oklahoma City, pour être précis), une autre bande de jeunes fuckés faisait son apparition. Les Flaming Lips, aujourd’hui chouchous de la critique, étaient alors un simple groupe un peu comique qui prenait beaucoup, beaucoup de dope, mélangeait le punk et Pink Floyd (autant dire l’eau et le feu) et explorait déjà les limites du rock. Avec le très mérité engouement critique dont ils jouissent aujourd’hui (en particulier avec leurs hallucinants derniers albums, The Soft Bulletin et Yoshimi Battles the Pink Robots), on réédite donc leurs premiers enregistrements (du fameux EP éponyme à Telepathic Surgery) dans un très bien nommé coffret de trois disques, Finally The Punk Rockers Are Taking Acid (en magasin le 27 septembre), essentiel à tous les fans. Il sera suivi d’un autre, plus intéressant à mon avis, couvrant la période de 1988 à 1992. Les années 80? Amenez-en…