En règle générale, je n’aime pas parler de Céline Dion. Mais l’affaire "A m’énarve", énième manifestation des penchants autoritaires de son inénarrable mari et gérant René Angélil, me force à aborder le sujet de front. Il semble que René 1er, qui affirmait pourtant être revenu à des sentiments plus nobles et moins belliqueux au lendemain du 11 septembre (on se souvient de sa sortie larmoyante devant Paul Arcand, alors qu’il affirmait vouloir se concentrer sur les choses importantes depuis les attentats), ait jugé que le jour du premier anniversaire du tragique événement était approprié pour recommencer ses frasques.
Si vous n’êtes pas au courant, voici l’histoire en bref: un duo de comiques à l’humour de chiottes, ni plus ni moins cons que les autres qui sévissent à longueur de journée dans toutes les radios FM commerciales, détournent la chanson I’m Alive, de Notre Céline(tm), en la rebaptisant A m’énarve. Entre deux parties de golf, René 1er a vent de la chose et trouve le moyen de péter les plombs en brandissant une mise en demeure sommant la station de retirer des ondes l’offensante parodie. Inquiétée par le sérieux de l’accusation (qui s’appuie adroitement sur la loi sur le droit d’auteur plutôt que sur la notion plus subjective de diffamation), la station de radio obtempère, non sans profiter de l’affaire pour jouir d’un peu de pub gratuite. Dans la foulée de cette tempête dans un verre d’eau, on apprendra aussi qu’Angélil aurait demandé au directeur des programmes de s’abstenir à tout jamais de mentionner son nom en ondes et il lui aurait même interdit de diffuser la chanson originale de sa pouliche!
Au fond, que René Angélil défende les intérêts de sa Céliiine(tm) n’a rien d’étonnant et cette histoire n’est qu’une manifestation supplémentaire de son obsession pour le contrôle de l’information. Ce qui est réellement affolant ici, c’est l’à-plat-ventrisme dont font preuve les médias québécois lorsqu’il est question de la diva. Pourquoi Radio Énergie n’a-t-elle pas eu le courage d’envoyer paître le petit Baronet? Ce nouveau Celinegate met simplement en relief l’absence totale de liberté éditoriale des médias et diffuseurs québécois quand il s’agit de la star planétaire made in Chez-Nous. Quel besoin a-t-on des tactiques "concentrationnistes" d’un Izzy Asper lorsqu’un imprésario multimillionnaire peut, à lui seul, influencer les choix d’un rédacteur en chef ou d’un directeur de la programmation?
Car René Angélil se moque éperdument de la spécificité des émissions auxquelles est conviée sa pouliche. Vous voulez parler à Céline? D’accord, mais seulement au prix d’âpres négociations au terme desquelles Angélil aura défini, au mot près, le contenu de vos questions. Vous vous souvenez de cette émission spéciale que lui avait consacrée Marc Labrèche? Et cette Méga Fureur aux airs d’infopub? De vastes opérations de marketing contrôlées par des règles extérieures auxquelles des producteurs et diffuseurs (dont une société d’État, rappelons-le) se sont pliés dans le simple but de faire de l’audience.
Voilà maintenant qu’on essaie de nous faire avaler que Céline est un cas à part, et qu’en raison de son statut de star planétaire et d’hypothétiques services rendus à la nation, on devrait répondre à tous ses caprices, voire la soustraire aux lois. Comme le faisait très justement remarquer Josée Boileau dans Le Devoir de samedi dernier, même la justice (humaine et/ou divine) semble plier l’échine devant la toute-puissance de René 1er. Vous souvient-il, chers lecteurs, du mariage princier célébré par le couple le plus hot du Québec en la cathédrale Notre-Dame? Angélil avait alors signé une entente d’exclusivité avec un magazine, refusant l’accès à l’intérieur du temple à tous les médias compétiteurs. Les grosses huiles de Quebecor, justement insultées, ont traîné l’affaire devant les tribunaux, arguant que devant la loi, une église est un lieu public et qu’aucun mortel ne peut en restreindre l’accès à quiconque. Angélil avait pourtant gagné sa cause.
Où allons-nous si nous laissons à cet homme le droit de faire jurisprudence? À ce compte-là, on se demande ce qui empêche René 1er de faire pression sur les élus locaux afin de faire renommer Charlemagne Célineville.
En attendant, on se prend à rêver au jour où une télé, une radio ou un journal à potins refusera d’obtempérer aux décrets impériaux de René 1er. Mieux encore: où l’un d’eux osera lancer un boycott pour dénoncer les tactiques d’intimidation du clan Dion. Mais ce n’était qu’un rêve… pour citer l’autre grognasse. Car c’est de Notre Céline(tm) qu’il s’agit. Et Notre Céline(tm), on lui pardonne tout. C’est pourquoi, lorsque viendra le temps d’inaugurer la plaque sous-hollywoodienne qu’on lui a réservée dans l’ancien Forum, tous les médias, en bons petits chiens-chiens, rappliqueront pour voir le premier ministre du Québeclui-même pâlir sous l’éclat de son étoile.
On a les leaders qu’on mérite…