Notes de passage

Le clash des titans

Lundi soir dernier, malgré un froid quasi hivernal, on faisait la queue devant la S.A.T. dans l’espoir de participer à ce qui s’annonçait comme l’événement de la saison. La tournée Electroclash, rassemblant les pionniers du "genre musical le plus hot de l’année", débarquait en ville avec une aura d’événement historique. Avec près de deux heures de retard (la joyeuse bande ayant été retenue à la frontière par des douaniers zélés), la soirée la plus courue de la saison a commencé avec l’amusante performance multimédia cheap de Tracy and the Plastics. Tracy est en fait une artiste solo accompagnée d’amies imaginaires qui jouent des claviers ou se baladent sans but apparent sur un écran vidéo. Faussement naïf, parfois ponctué de slogans situationnistes, le set de Tracy a décroché quelques sourires, mais pas autant que celui des trois filles de W.I.T. (Whatever it Takes), sortes de Charlie’s Angels du mouvement electroclash. Avec leurs chorégraphies désincarnées et leur excellente version de Just What I Needed des Cars, les trois pitounes de la soirée venaient de faire monter le niveau de divertissement.

Avec l’arrivée de Chicks on Speed, on entrait dans le contenu plus sérieux de l’electroclash. À la manière des filles de Le Tigre (à mon avis, beaucoup plus convaincantes), les Chicks mélangent politique et cynisme dans un discours parfois confus (les Chicks sont anti-mode à l’extrême, ce qui ne les empêche pas de vendre des vêtements recyclés à prix d’or) sur une musique synthétique crue et plutôt primitive.

Vers une heure du matin, la grande Peaches est finalement montée seule au front, déclamant avec une violence inouïe ses avances sexuelles ultra-crues du sommet des haut-parleurs. Bien qu’elle s’accompagnait de pistes enregistrées sur CD (qui lui a souvent fait faux bond), Peaches a galvanisé l’auditoire par une performance absolument décoiffante, véritable point d’orgue de la soirée.

En entrevue la semaine dernière, Larry Tee, l’organisateur de la tournée, parlait du mouvement electroclash comme d’une véritable révolution. Après cette soirée, on pourrait dire que tous les éléments sont réunis: un véritable contenu (aussi éclaté soit-il), un look, beaucoup d’attitude et une ouverture à tout le monde, sans égard à la virtuosité. Pour toutes ces raisons, c’est aux artistes de l’explosion punk et post-punk que renvoient les vedettes de l’electroclash. Elles sont les Slits, X-Ray Spex, Liliput, Raincoats et Lydia Lunch d’aujourd’hui et on espère qu’elles seront nombreuses à suivre leurs traces.

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Samedi soir, aux Foufounes, c’était plutôt à une orgie de testostérone qu’on avait eu droit. Délaissant Amon Tobin qui faisait tourner ses platines au Club Soda, on s’est installés aux Foufounes pour assister à la première montréalaise d’Andrew WK.

Dire que la musique d’Andrew WK est d’une nullité déconcertante relève de l’euphémisme. Sur disque, cette soupe de pop-métal saturée de guitares préfabriquées et de claviers désincarnés, apparemment destinée à être jouée à tue-tête lors d’événements sportifs, est carrément imbuvable. Mais sur scène, avec ce clown dégoulinant de sueur pour la propulser, c’est de la bombe. Pantin branché sur le 220 volts (il s’assomme régulièrement à coups de micro et bat sa coulpe avec une ardeur qui ferait pâlir Céline Dion), Andrew s’amuse avec les clichés du rock, lançant au public des niaiseries du genre "vous êtes ma raison d’exister" avec une sincérité presque crédible.

Champion de la satire ou véritable idiot? Qu’importe… Andrew WK a donné l’un des shows rock les plus divertissants qu’on ait vus depuis des lustres. Le fait que le Torontois Danko Jones – petite bombe d’énergie rock qui se bonifie à chacun de ses nombreux passages chez nous – ait pu tirer son épingle du jeu après la tornade Andrew WK témoigne de son grand talent. Probablement l’un des meilleurs groupes live au Canada en ce moment.

Bien qu’ils soient assis d’un côté et de l’autre de la barrière hormonale, Peaches et Andrew WK sont issus du même moule. Avec ces deux artistes, l’entertainment, une notion aujourd’hui oubliée par nombre d’artistes d’avant-garde, retrouve ses lettres de noblesse. En cette ère de concerts de laptops statiques et de retour au rock de shoegazers, on ne va certainement pas s’en plaindre.