Notes de passage

MIMI, où es-tu? (bis)

La semaine dernière, c’est sous ce titre tordu, qui ne pouvait plaire qu’aux gens de plus de 40 ans et aux amateurs de culture pop d’époques révolues, que nous vous présentions quelques "artistes émergents" prenant part aux showcases précédant le fameux Gala des MIMI. Notez au passage (ha, ha…) qu’"artistes émergents" est désormais l’expression consacrée mais non moins bancale qui a remplacé "artistes de la relève" dans le jargon musical. À l’époque, on s’amusait à dire: "Relève? Pourquoi? Quelqu’un est tombé?" Faudra désormais s’habituer à lancer du tac au tac: "Émergents? Quelqu’un s’est-il noyé?"

Bon, voilà que je m’égare encore. Sachez que les MIMI (acronyme un tantinet mélangé d’Initiative Musicale Indépendante de Montréal) servent à récompenser les laissés-pour-compte de l’ADISQ et des radios commerciales, les vaillants soldats de l’indépendance qui ont fait vou de pauvreté au nom de l’art. Une entreprise louable qui mérite tout notre appui, mais qui, cette année, a montré ses limites.

On avait bien tenté de donner un nouveau souffle à la soirée de gala, présentée encore une fois au Spectrum, mais la salle n’affichait pas complet et l’ambiance en a souffert. Dan Webster, le grand manitou des MIMI, blâmait la température…

À défaut d’un vrai diffuseur télé, les gens de bandeapart.fm (dont notre infatigable collègue Parazelli, chargé comme un mulet d’une antenne aussi lourde qu’un téléviseur Zenith des années 70) étaient sur place pour retransmettre l’action en direct sur leur site Web. Un pas dans la bonne direction, puisque l’enjeu principal qui préoccupe les musiciens émergents, c’est la diffusion. Pour nous aider à suivre la remise de prix à la définition parfois floue (prix "maudite machine" par-ci, prix "artiste accompli" par-là), un écran géant affichait clairement le nom des gagnants qui se présentaient sur scène, ce qui représentait une amélioration non négligeable par rapport à l’an dernier, mais l’orthographe des noms laissait à désirer (parlez-en à Lederhosen Lucil, gagnante du prix "international", rebaptisée Lucy par l’infographiste).

Certains des meilleurs groupes live d’ici, en particulier Les Cowboys Fringants (qui, étrangement, ont joué En berne, la même toune qu’ils avaient présentée au Gala de l’ADISQ), Bionic (les véritables stars de la soirée, malgré ce qu’en pensait le chanteur Jonathan Cummins, persuadé d’avoir donné sa pire performance à vie) et les Vulgaires Machins (récipiendaires du prix de l’album de l’année), ont donné des performances décoiffantes à souhait. Mais une fois de plus, le show, présenté à la va-comme-je-te-pousse par le délirant Pascal Angelo Fioramore, des Abdigradationnistes, et sa contrepartie anglo, le plus sérieux Sugar Sammy, a souffert cruellement d’un timing déficient, les interminables temps morts succédant aux absences inexpliquées. Où étaient les gagnants de Hip-Hop 4ever, qui devaient donner une prestation? Et Michel Langevin, de Voïvod, censé remettre un prix? Nul ne le sait.

Le but d’une telle entreprise, extrêmement louable, rappelons-le, est de braquer les projecteurs sur des artistes trop souvent boudés. Mais si l’écrin dans lequel on les place est aussi cabossé, qui voudra les acheter? Soit on décide de faire un vrai gala sérieux et organisé comme tel, soit on revient à une soirée à la bonne franquette avec le moins de décorum et le plus d’alcool possible. L’entre-deux auquel nous avons eu droit dimanche était malheureusement trop tiède pour susciter les passions.

À la sortie du Spectrum, dimanche dernier, la question stupide posée par le titre de cette chronique avait pris une certaine gravité. Où sont donc passés les MIMI? Je ne parle pas des trophées, bien qu’ils furent beaucoup moins nombreux que par les années précédentes, mais de l’esprit qui animait cette soirée consacrée à la musique locale.

Je ne voudrais surtout pas avoir l’air nostalgique, mais dimanche soir, je me suis pris à regretter cette première édition bordélique des MIMI, présentée au Café Campus il y a quelques lunes. L’atmosphère bon enfant, les prix débiles, les hommages sincères et les grandes tapes dans le dos: tout contribuait à alimenter un sain esprit de famille où chacun avait sa place. Dimanche dernier, l’organisation était tout aussi bordélique, mais les membres de la famille semblaient distants. Peut-on espérer une thérapie de choc pour l’an prochain?