Du 8 au 10 juin, le Conseil spécial de l’Assemblée générale des Nations unies se réunira à New York. Son but: adopter une politique susceptible de résoudre une bonne fois pour toutes le problème des drogues, et ce, à l’échelle de la planète.
«Le monde est devenu un village global, et le problème des drogues a pris des dimensions mondiales, dit le dossier de l’ONU. Il ne respecte plus les frontières. Si un pays resserre sa législation, l’industrie des drogues déménagera dans un autre pays. Aucun pays ne peut espérer venir seul à bout de ce problème. La Session spéciale de l’Assemblée générale donnera aux pays participants l’opportunité d’apporter une solution globale à ce problème global.»
Selon l’ONU, plus de deux cents millions de personnes à travers le monde consomment des drogues actuellement. Ça va du sniffage de colle à l’injection d’héro. Depuis 1985, la production d’opium a triplé et celle de la coke a doublé. Quant aux drogues synthétiques comme l’ecstasy, elles connaissent une popularité fulgurante qui ferait pâlir d’envie les fabricants de Viagra.
A New York, la semaine prochaine, l’ONU va ni plus ni moins qu’établir l’agenda politique de ses pays membres concernant les drogues pour le prochain siècle. Les décisions qui seront prises lors de cette Session spéciale de trois jours auront des répercussions directes sur notre vie.
Quel chemin emprunteront les membres de l’ONU? Envisageront-ils la décriminalisation, commenceront-ils enfin à étudier ce problème sous l’angle médical plutôt que sous l’angle judiciaire? Non. Ils sortiront leur artillerie lourde, et aiguiseront leurs couteaux. «Nous allons demander aux nations de renforcer leurs législations», affirme Kofi Annan dans le dossier de présentation de la Session. La Commission sur les narcotiques, mise sur pied par l’ONU dans le but d’étudier la problématique des drogues, va même proposer aux différents pays membres de poursuivre tout artiste, écrivain ou réalisateur qui dépeint la drogue sous un jour favorable dans l’une de ses ouvres!!!
Comme les États-Unis pendant la guerre du Viêt-Nam, l’ONU continuera d’appuyer une stratégie qui ne fonctionne pas et qui est vouée à l’échec, plutôt que de rebrousser chemin et d’envisager une alternative.
Décidément, il y a des gens qui n’apprennent pas.
Heureusement, l’opposition fourbit elle aussi ses armes. Plus de quatre-vingt-dix organisations se sont unies récemment pour former la Coalition globale pour des alternatives à la Guerre contre la drogue; et, le week-end du 6 juin, des actions visant à promouvoir des politiques nouvelles en matière de drogues auront lieu dans cinquante villes importantes à travers le monde.
A Montréal, une cérémonie commémorative dédiée aux victimes de la guerre contre la drogue aura lieu le dimanche 7 juin à 16 h 30, Place du Canada. Des fleurs seront déposées au pied du monument de la guerre, situé à l’angle de Peel et de René-Lévesque.
Ce qui est étonnant, dans tout ce dossier, c’est qu’on ne pose jamais la vraie question: pourquoi tant de gens prennent-ils de la drogue aujourd’hui? Pourquoi compte-t-on autant d’accros? Le monde est rempli de travailleurs compulsifs, d’alcooliques, de gens obsédés par le sexe, Internet, la gymnastique, la bouffe, la religion, les vedettes de cinéma ou les nains de jardin. Mémé gobe des valiums, Pépé boit du gin, le beauf se défonce au travail, maman flambe son fric au casino, fiston prie Rashni, sourette carbure au cul, papa court deux marathons par jour, la nièce vomit en secret, et la voisine garde 452 scrapbooks bourrés de photos de Leonardo DiCaprio sous son lit. Chacun sa drogue, chacun son fix.
Chacun son carré de sucre.
Et si les gens se dopaient parce que la réalité est de plus en plus insupportable, parce qu’il y a de moins en moins de place pour le rêve, parce que la vie ne nous laisse plus le temps de souffler et que l’âme a autant besoin d’exulter que le corps?
Il y a quelques semaines, j’ai lu un reportage dans un magazine français sur la consommation de drogues dans les grandes entreprises. Le journaliste disait que de plus en plus de cadres supérieurs gobaient des uppers, des downers et toutes sortes de petites pilules rouges et vertes. Pourquoi? Pour durer. Pour passer à travers leur journée. Pour suivre le rythme des Bourses de New York et de Tokyo, qui bourdonnent vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Dans le fond, le problème de la drogue est simple: c’est une question d’offre et de demande. Les gangsters sont riches parce que la demande pour la drogue est forte. Vous aurez beau brûler tous les champs de pot au monde, rien n’y fera: la demande sera toujours là. On remplacera la mari par une autre substance, et tout le monde continuera de se droguer.
Notre économie au grand complet tourne autour de la drogue. Les banques ont besoin des profits de la drogue pour continuer de grossir. Le Tiers-Monde a besoin de l’argent de la drogue pour payer ses dettes. Le gouvernement US a besoin de la guerre contre la drogue pour justifier son intervention dans certains pays. Et les gens ont besoin de la drogue pour fonctionner.
La drogue est le principal carburant de notre société.
Dire le contraire, c’est de l’hypocrisie.