Ondes de choc

Les homosexuels n’existent pas

C’est dimanche qu’aura lieu le défilé annuel de la fierté gaie.
Des milliers d’hommes et de femmes se baladeront dans les rues de la ville afin de célébrer leur «différence», et dire

à la face du monde qu’ils n’accepteront plus jamais d’être traités comme des citoyens de seconde classe («We’re here, we’re queer, get used to it!»).

Toutes sortes de gens participeront à ce défilé: des travelos en paillettes avec des plumes dans le cul, des machos en cuirette avec des anneaux dans le nombril, des butchs grassettes avec les cheveux ras, des gars qui ressemblent à des filles, des filles qui ressemblent à des gars, des gars avec de vrais seins, des gars avec de faux seins, des filles qui ont déjà été des gars, des gars avec du poil dans le dos, des filles avec du poil sur les jambes, des gars pas de poil pantoute… et plein de gens «super ordinaires», qui ressemblent à des secrétaires dentaires ou à de jeunes ministres.

Pendant trois jours, des gais et des lesbiennes provenant des quatre coins du globe transformeront Montréal en méga-rave et crieront leur fierté d’être homosexuels.
Alors qu’en fait, les homosexuels n’existent pas.

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Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Gore Vidal, l’un des romanciers américains les plus importants du siècle.

Scénariste, essayiste, journaliste, historien, comédien, auteur de vingt-trois romans, cinq pièces de théâtre et huit recueils d’essais, Vidal est un homme plus grand que nature. Cet intellectuel érudit et raffiné qui vit maintenant en Italie est l’un des plus virulents critiques de la droite conservatrice américaine. Ennemi acharné de Richard Nixon et de Ronald Reagan, Vidal, qui n’a jamais caché son homosexualité (son roman The City and the Pillar est l’un des monuments de la «littérature gaie» américaine), milite pour la reconnaissance des droits des gais depuis des décennies.

Dans le magazine Playboy de janvier 1979 (oui, oui, il y a des textes dans Playboy, certains sacrément bons), Vidal signait un essai intitulé Sex is Politics.

Dans cet essai qui a fait beaucoup de bruit à l’époque (et qui est inclus dans United States, la monumentale et incontournable anthologie qu’il a publiée en 1993), Vidal attaque ses ennemis de toujours, c’est-à-dire la droite morale et les leaders religieux. Mais il s’en prend aussi aux militants gais qui tiennent mordicus au concept de «culture homosexuelle».

«En fait, il n’existe pas de personnes homosexuelles, tout comme il n’existe pas de personnes hétérosexuelles, écrit-il. Ces mots sont des adjectifs qui décrivent des actes sexuels, pas des gens. Des militants gais affirment qu’il existe une sensibilité gaie. C’est de la pure folie. J’ai souvent pensé que la raison pour laquelle personne n’a encore réussi à trouver un bon mot pour décrire les "homosexualistes" (parfois appelés gais, fags, queers, etc.) est tout simplement parce qu’ils n’existent pas. La race humaine est divisée en deux: les mâles et les femelles. Certains individus prennent plaisir à coucher avec des personnes de leur propre sexe; certains aiment les personnes du sexe opposé; et certains aiment les deux. C’est un simple fait de la nature, qui ne mérite pas tant d’attention.»
Le 28 octobre 1991, dans le magazine progressiste The Nation, Vidal revenait à la charge dans un texte intitulé Pink Triangle and Yellow Star. «C’est vrai qu’un petit pourcentage d’"homosexualistes" sont efféminés, tout comme il y a des "hétérosexualistes" efféminés, lançait-il. Mais il y a des millions d’"homosexualistes" qui sont totalement invisibles, et qui n’ont rien en commun à part le fait d’aimer coucher avec des personnes du même sexe. Vous savez, Lyndon Johnson et Bertrand Russell étaient tous les deux des "hétérosexualistes". Or, quels traits de caractère partageaient-ils? Aucun.»

En fait, ce que dit Vidal, c’est que la sexualité n’est pas une nature: c’est une pratique. Il n’y a pas d’homosexuels, tout comme il n’y a pas d’hétérosexuels: il n’y a que des individus qui pratiquent l’homo – ou l’hétéro – sexualité.

Juger une personne par ses pratiques sexuelles, comme le font les tenants de la droite morale, est une aberration. Il n’existe pas de façon «gaie» d’élever des enfants. Il y a des parents qui élèvent bien leurs enfants, et d’autres qui les élèvent mal, point. Idem pour les militants extrémistes qui élèvent leur différence en vertu. Il n’existe pas de «pensée» gaie ou de «culture» gaie, ce n’est pas parce qu’on couche avec des personnes de son sexe qu’on se situe à l’avant-garde. Aux États-Unis, il existe une association d’homosexuels qui militent contre l’avortement!

Ce ne sont pas tous les straights qui aiment Les Boys. Comme ce ne sont pas tous les gais qui tripent sur Mado Lamothe.

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Petite note aux fans d’Éric Grenier: ne craignez rien, la chronique «Montréal en campagne» n’est pas disparue. Elle fait juste une petite sieste bien méritée. Elle reviendra la semaine prochaine, avec les extraordinaires aventures du maire Bourque au pays des coquerelles.