Loretta Laroche est une spécialiste de la santé qui habite Plymouth, au Massachusetts. Depuis plusieurs années, elle donne des ateliers sur Le pouvoir guérisseur de l’humour. Selon elle, les gens en santé rient de cent à quatre cents fois par jour.
Le docteur William Fry, lui, enseigne la médecine à l’Université de Stanford. Il étudie l’humour comme d’autres, le cancer de la prostate. Selon ses recherches, le rire est hyper bénéfique pour la santé. Les gens qui rient cent fois par jour sont aussi en forme que ceux qui font dix minutes d’aviron quotidiennement.
Je ne connais pas Dan Philips personnellement, mais j’espère qu’il fait du jogging et qu’il est équipé d’un Stairmaster dans son sous-sol. Parce que ce n’est sûrement pas son sens de l’humour qui va lui permettre de vieillir en santé.
Si l’on se fie à la façon édifiante dont il a réagi suite à l’Affaire Maxi, le Président de la Ligue des Noirs du Québec (et candidat RCM aux élections municipales) est aussi drôle que Stéphane Dion à un conventum des anciens de Cité Libre.
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Rappelon les faits.
Les magasins Maxi distribuaient gratuitement une vidéocassette à l’achat d’un sac promotionnel au profit du Club des petits-déjeuners. Dans cette cassette de onze minutes, on retrouvait le fameux monologue Nigger Black d’Yvon Deschamps. Un Torontois a vu cette cassette, a crié au racisme, et est allé se plaindre à Ze Gazette. Avec toute la subtilité qu’on lui connaît, le quotidien anglophone a titré «Store Selling Racist Tape» à la une, et Dan Philips est allé s’immoler sur la place publique, enveloppé dans la Charte des droits de la personne.
Qu’un Torontois ne connaisse rien à l’humour de Deschamps, va. Mais que Dan Phillips, qui est aussi montréalais que le Chalet de la Montagne, traite Deschamps de raciste, voilà qui est une vraie chinoiserie. Il n’a jamais entendu parler d’Yvon Deschamps? Il n’a jamais écouté un de ses monologues? Jamais???
«Nous demandons aux magasins Maxi de présenter publiquement des excuses à l’ensemble de la communauté noire et aux hommes et femmes épris de respect, pour cette approche insidieuse et irrespectueuse», a écrit le très ronflant Phillips.
Vous savez pourquoi les humoristes québécois ne disent rien d’intéressant depuis vingt ans? Parce qu’ils ne peuvent plus rien dire. Parce qu’il y a plus de polices des idées sur l’autoroute de l’information que d’agents de la SQ sur la 20.
Des petits constables en manque de pouvoir, qui se prennent pour les sauveurs de leur peuple, qui scrutent chaque mot publié, et qui règnent sur leur communauté avec le zèle d’un fonctionnaire de Revenu-Québec convaincu d’être le gardien du Trésor national.
«C’est quoi, ça, à la ligne 13 de votre menu: pâté chinois? Voulez-vous dire que les Chinois ont tous l’air empâtés?»
Avant, la liberté d’expression était une autoroute à trente-deux voies, sans limite de vitesse, avec, pour seule loi, l’interdiction de causer volontairement des collisions. Aujourd’hui, c’est un petit sentier en terre battue, entrecoupé de trois mille deux cents postes-frontières.«Bonjour, je suis le gouverneur du Territoire libre des lesbiennes noires unijambistes. Avez-vous quelque chose à déclarer?»
Au moindre mot de travers, badam! on vous éjecte de votre auto, on vous fout à poil, et on vous bombarde de rayons X pour savoir si, dans un quelconque repli de votre cerveau, vous ne cachez pas une locution impropre, susceptible de corrompre notre belle jeunesse. Quand ce n’est pas le porte-parole des Arabes obèses qui nous tape sur les doigts, c’est le leader des Amérindiens bègues.
Vous trouvez que j’exagère?
Il y a quelques jours, j’ai reçu une lettre du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes protestant contre une pub parue dans nos pages. Vous savez, la pub du bar Le Dogue, avec une grosse bonne femme en bustier qui tient un homme maigrelet sous son bras droit. «La Grosse vous invite au sixième anniversaire du Dogue. Grosse bière à profusion (au prix de la petite).»
«Cette publicité véhicule un mépris envers les grosses personnes», écrit la coordonnatrice Danielle Routhier. J’ai téléphoné à madame Routhier. «Qu’est-ce qui est méprisant dans cette pub? lui ai-je demandé.
– Euh… La femme est poilue.
– Ah, vous trouvez les femmes poilues dégueulasses, c’est ça?
– Non, non, mais… La façon dont elle est habillée. Elle a l’air d’un animal.
– Ah, vous trouvez que les grosses femmes ne devraient pas porter de bustier, c’est ça? Qu’elles devraient rester en robe et cacher leur corps?
– Euh, non, non…
– Mais alors, c’est quoi? Qu’est-ce qui est méprisant?»
Madame Routhier ne m’a jamais répondu. Elle a dit qu’elle me rappellerait, mais elle ne l’a jamais fait.
J’imagine que’elle avait d’autres dossiers urgents à traiter. Comme poursuivre Michel Tremblay pour avoir écrit La grosse femme d’à côté est enceinte.