Retour sur l’affaire Dan Philip / Yvon Deschamps.
Dans ma chronique de la semaine dernière, j’ai critiqué le manque de jugement de Dan Philip, président de la Ligue des Noirs du Québec, qui a fait un esclandre après avoir appris que les magasins Maxi distribuaient des vidéocassettes du monologue Nigger Black dans des sacs promotionnels.
Quelques jours après la parution de ma chronique, un écrivain d’origine latino m’a téléphoné.
Il m’a traité de fasciste; dit que je n’avais pas à défendre un raciste (Deschamps); qu’il y avait des limites à la liberté d’expression; qu’on ne pouvait pas dire n’importe quoi; qu’il en avait marre qu’on tombe toujours sur la tête des nouveaux arrivants, etc., etc.
Pour cet homme, c’est clair: les minorités culturelles sont intouchables. Utiliser l’ironie, la satire ou le sarcasme en parlant des Noirs ou des Chinois est un crime de lèse-majesté. Un humoriste ne peut pas intituler un de ses monologues Nigger Black, même si c’est pour critiquer le racisme. Cela est innaceptable.
Il n’y a qu’une seule façon de traiter les minorités, quelles qu’elles soient: avec des pincettes. Comme si c’étaient des p’tites choses fragiles, qu’on garde sous verre dans son salon, afin d’épater la visite, et d’ajouter un peu de couleur dans la maison.
«Regardez, un Chinois! C’est beau, hein? Faites attention, ne parlez pas trop fort, c’est tout p’tit et ça veut vivre…»
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De l’autre côté du spectre, il y a Bernard Landry.
Les gros sabots, la grosse trompette, le drapeau flottant au vent, surfant sur la justesse de Sa Cause.
Landry, c’est tout le contraire des pincettes: l’éléphant dans la boutique de porcelaine. Il a tellement peur d’être politically correct, qu’il tombe dans l’autre extrême.
Cette semaine, sur les ondes de CKAC, le ministre des Finances a déclaré qu’on ne pouvait pas exiger une majorité supérieure à 50 % plus un au prochain référendum sur l’indépendance du Québec, car «si on met la barre trop haut, c’est comme donner un droit de veto à nos compatriotes, frères et sours des communautés culturelles, sur notre projet national. Ça ne peut pas se faire».
NOTRE projet national. Notre projet national à NOUS.
C’est qui, ça, NOUS? Les péquistes? Les francophones? Si ce sont les francophones, désolé, j’en connais des milliers qui ne se reconnaissent pas dans le projet du PQ.
Au risque de passer pour un coincé de la pire espèce, je ne comprends pas cette manie de séparer le Québec en deux: NOUS et EUX.
Les membres des communautés culturelles sont-ils des Québécois à part entière: oui ou non? Si oui, cessons de les foutre dans une case à part, bordel! C’est quoi, cette façon complètement débile de séparer le vote des Québécois en petits groupes? Le Québec serait-il divisible?
D’un côté, le PQ se dit contre la partition du Québec. De l’autre, il ne cesse de séparer le Québec en petits morceaux. Faudrait se brancher…
L’épicier de l’avenue du Parc qui a voté Non au dernier référendum n’est pas UN GREC. Il n’est pas UN MEMBRE DES MINORITÉS ETHNIQUES. Il n’est pas L’UN D’EUX. C’est un individu, qui a voté librement, selon sa propre conscience. Seul dans l’isoloir, il a pesé le pour et le contre, et il a fait un choix. SON choix. Pas le choix de SA communauté: le sien. Le réduire au rang de bête qui suit docilement son troupeau sans poser de questions est insultant, pour ne pas dire carrément raciste.
Quoi qu’en pensent Bernard Landry et ses amis, les Grecs ne se ressemblent pas tous, ils ne pensent pas tous pareil, ils n’ont pas vécu les mêmes expériences, ils ne sont pas tous petits avec une grosse moustache – comme les politiciens ne sont pas tous gros avec un brandy nose.
Si monsieur Stephanopoulos n’a pas voté Oui, au dernier référendum, ce n’est pas parce qu’il est grec; ce n’est pas parce que le porte-parole de l’Association des Grecs de Parc Extension s’est enroulé dans le drapeau canadien pour faire plaisir au député fédéral de son comté et recevoir sa subvention l’an prochain (vous savez, monsieur Landry, les Grecs sont capables de jugement, c’est prouvé scientifiquement, je vous le jure)…
C’est parce que le projet des péquistes n’est pas allé le chercher, LUI.
Et pourquoi? Pour mille raisons. Parce qu’on ne cesse de lui répéter qu’il fait partie d’EUX. Parce qu’il se câlisse des Plaines d’Abraham. Parce qu’il vient d’un pays torturé, qu’il a vécu mille misères, et que tout ce qu’il désire, finalement, c’est d’être heureux, d’avoir un boulot, et d’assurer le confort de sa femme et de ses enfants…
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Côté pile: ceux qui considèrent les immigrants comme des objets fragiles, qu’on doit protéger. Côté face: ceux qui considèrent les immigrants comme des objets encombrants, qu’on doit bousculer.
Deux facettes d’une même bêtise…