Ondes de choc

Parti en fumée

Ainsi, après quelques jours seulement, la SAQ a décidé de mettre fin à son projet-pilote de vente de cigares.

Il faut dire que l’ironie était savoureuse: d’un côté, l’État ne cesse de nous répéter qu’il faut arrêter de fumer; de l’autre, il tente d’emplir ses coffres en vendant de gros pétards dans des succursales de la SAQ!
Cela dit, quelle hypocrisie, grand Dieu…

Tout le monde a grimpé sur ses grands chevaux quand cette histoire de cigares a été rendue publique. «Ça n’a pas de sens, c’est révoltant, le tabac est néfaste pour la santé!»

Mais l’alcool? Les billets de loto? Les machines de vidéopoker? Le Casino? Les taxes perçues par la vente de cigarettes? Ça, pas de problème, c’est dans l’ordre des choses. Il n’y a que les cigares qui soient dangereux…

Nous avons l’indignation sélective. Que l’État empoche des milliards de dollars en encourageant la population à flamber son fric au Casino, c’est parfait. Mais qu’il vende quelques malheureux cigares cubains dans ses succursales de luxe, ça, non, jamais.

Il faudrait se brancher. Ou l’État a le droit de se nourrir à même nos vices, ou il n’en a pas le droit. S’il a le droit, qu’on ouvre un bordel légal sur l’île Notre-Dame, qu’on vende des Havane dans les bingos, qu’on installe des vidéopokers dans les foyers pour vieillards et les refuges pour sans-abri; et qu’on se la ferme. Et s’il n’en a pas le droit, qu’on le retire totalement de ce marché. Mais on ne peut pas faire deux poids, deux mesures…

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En fait, le véritable scandale dans tout ça, c’est que l’État ait encore une fois décidé d’investir le champ du privé.

Voulez-vous bien me dire ce que l’État vient faire dans la vente de cigares? Voulez-vous bien me dire ce que l’État fait dans le commerce au détail?

L’État, ça existe pour gérer la police, mettre sur pied des programmes sociaux et nettoyer les rues. Pas pour vendre du vin ou des pétards!

Les Québécois (qui sont beaucoup plus nordiques que latins, quoi qu’ils en pensent) n’ont jamais été friands de cigares. Or, depuis quelques années, because la fièvre lounge et la mode rétro, les barreaux de chaise sont devenus à la mode. Un marché, jusque-là quasi inexistant, a soudainement fleuri. Un paquet de petits commerces se sont mis à pousser pour répondre à la demande. Une poignée de petits entrepreneurs ont commencé à faire de l’argent, à embaucher des employés, à faire construire des boutiques, à acheter des accessoires, à payer des taxes et des impôts – bref, à faire rouler l’économie.
Qu’a fait l’État? Il est arrivé avec ses gros sabots, et il a posé son énorme cul au beau milieu du cigar lounge que ces entrepreneurs avaient construit avec LEUR argent et en risquant LEUR chemise.
Créez de l’emploi, qu’ils disaient. Ouais… Méchant incitatif. Vous vous fendez le cul pour défricher un marché et fidéliser une clientèle, puis, lorsque le travail de fond est fait, Big Ass débarque avec sa chaise pliante, sa lotion de bronzage et ses lunettes soleil.

Thanks, but No Thanks.

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Essayez, vous, d’ouvrir un casino ou de vendre des vins importés: l’État va débarquer et va vous dire que c’est son terrain de jeux. Mais il peut investir le champ du privé n’importe quand, par contre, en prétextant que c’est pour notre bien.

«Gros État, comme tu as de grandes dents!

– C’est pour mieux te protéger, mon enfant! Si je laissais la vente de l’alcool et des billets de loteries aux vilains entrepreneurs, ils te presseraient comme un citron! Tiens, c’est joli, ton petit chaperon rouge… Je devrais en vendre dans mes succursales de la SAQ, je remporterais un succès bouf…»

Et si, au lieu de retirer l’État de la santé et de l’éducation, nos gouvernements le retiraient de la vente au détail? Me semble que ça aurait plus d’allure, non?

Malheureusement, ce n’est pas ça qu’on fait: on ouvre les hôpitaux et les écoles au privé, et on investit le domaine de la booze et de la boucane.
Crisse de belle logique…

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Parlant d’État, les élections approchent à grands pas.
D’abord, l’élection municipale.

Les Montréalais auront le choix entre Duchesneau, Doré, Prescott et Bourque. C’est-à-dire entre un cancer de la gorge, un cancer de l’estomac, un cancer du cerveau ou un cancer de la prostate. Excitant.
Sur le front provincial, c’est le même dilemme. On aura le choix entre Jean Charest, un ancien Conservateur, et Lucien Bouchard, un ancien Conservateur.

«Vous le voulez où, votre coup de batte de base-ball? En pleine face ou en arrière de la tête?»