Ondes de choc

Earth to Charest

Avouez-le: la campagne électorale vous laisse sur votre faim.

On nous promettait Le clash des titans, et voici qu’on se retrouve devant Godzilla contre Bambi. Jean Charest a l’air aussi convaincant – et convaincu – qu’un acteur tchèque en tournée jouant une adaptation punk d’Hamlet devant trois spectateurs et demi dans le cadre du volet Off du Festival de théâtre amateur de Chibougamau. Tout juste s’il ne crie pas: «Sortez-moi de là, calvaire!»

Si la vie était équipée d’un bouton Rewind, Charest serait certainement en train de prononcer un discours à la Chambre des communes, à Ottawa. Ça se lit sur son visage. Il regarde la déconfiture de Jean Chrétien et le visage bouffi de Joe Clark, et il maudit le jour où il a troqué son uniforme bleu de chef Tory contre son costume rouge de Captain Canada.

Plié en deux dans son autobus, comme Marlon Brando dans On the Waterfront, il murmure: «I’ve could have been a contenter, instead of a bum, wich I am, let’s face it.»

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On peut expliquer ce défrisage de différentes façons.

Primo, l’effet Duchesneau. Tout comme l’ex-chef de police n’a jamais réussi à nous faire oublier son lourd passé de flic, le chef du PLQ n’a pas réussi à se débarrasser de son image de politicien canadian. Il suffit de voir de quelle façon il nous parle de l’État.

«On va mettre le feu là-dedans, on va crisser ça à la poubelle, on va débiter ça à grands coups de hache, et jeter ce qui reste dans le fleuve!»

On peut utiliser ces mots dans le reste du Canada. Nos amis les anglos sont prêts pour ce genre de discours: ils prient à l’autel de Don Cherry, de Mike Harris, de Preston Manning et de Conrad Black. Ils sont à deux mégots de Camel des Freemen du Montana.

Mais ici, au Québec, l’État est extrêmement important. Il fait partie de notre culture, de notre identité.
Il joue le même rôle que jouait l’Église dans les années 50. Il nous prend en charge, il nous guide vers un avenir meilleur, il console les pauvres, il nous absout de nos péchés…

Les protestants interprètent la Bible chacun à sa façon; la relation qui les unit à Dieu est intime, individualiste. Alors que les catholiques, eux, ont besoin d’une Église, d’un pape; et ils perçoivent la richesse individuelle comme un signe de perversion.

Voilà toute la différence entre le Québec et le Canada. Malheureusement, Jean Charest n’a pas tenu compte de cette distinction culturelle; il n’a pas adapté son message à la sensibilité québécoise. Il a débarqué avec ses bottes pointues et son chapeau de cow-boy, et il a crié: «Hee-Haw! Brûlons l’État!»

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Deuxième erreur: l’équipe.

Charest est aussi bien entouré que Patrick Bourgeois lorsqu’il a décidé d’aller animer un quiz à Radio-Canada.

Prenez son passage catastrophique au Point J, par exemple. Voulez-vous bien me dire qui a eu la brillante idée de l’envoyer badiner aux côtés de Julie Snyder? On aurait dit Dead Man Walking! Jean Charest ressemblait à un bébé chevreuil qui, en voulant traverser la 20, se retrouve face à un dix-huit roues.
Quand on a un tel sens de l’humour, on ne va pas jouer au gars cool devant un million de personnes. On reste chez soi et on relaxe en écoutant La Chevauchée des walkyries.

Quant à la fameuse pub où on le voit en train de marcher dans un corridor d’hôpital filmé à l’envers, inutile d’en rajouter.

C’est comme Donald Pilon déguisé en pizza. Ben saoûl à trois heures du matin, ça semble une bonne idée. Mais le lendemain… Whoaw!

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Enfin, troisième erreur monumentale: la stratégie du croque-mitaine.

Désolé, monsieur Charest, mais le coup de la Brinks, on connaît. Comme le dit mon ami Saulnier: «Been there. Done that. Bought the t-shirt.»

Quand le dollar canadien a chuté plus bas que la cote de popularité de Jean Doré, on ne passe pas ses journées à dire que la séparation sera catastrophique pour l’économie. On se tait, et on va passer ses vacances au Nouveau-Brunswick, comme tout le monde…

Il y a quatre mois, Jean Charest était le John Glenn de la politique provinciale, le dernier des héros, the man with the right stuff. Aujourd’hui, il ressemble au docteur Zachary Smith. Il court partout, il maudit le jour où il a mis le pied dans cette fusée, et il n’arrête pas de crier au monstre…
«Earth to Jean Charest, Earth to Jean Charest. Where are you, Sir?»