«Récemment, la compagnie Geffen Records a décidé de mettre en vente un disque regroupant les meilleures chansons du tueur en série Charles Manson. De plus, l’assassin de John Lennon a été interviewé par Larry King sur les ondes de CNN. Si Hitler était vivant, je suis sûr qu’on l’inviterait dans des talk-shows.»
_ John Leo, columnist au U.S. News & World Report, 1993
«Mesdames et messieurs, mon nom est Marie Schneider, et bienvenue à L’Heure H. Ce soir, mes invités sont Robert Charlebois, Laurence Jalbert et Lise Watier. Mais tout d’abord, nous avons quelque chose de très spécial à vous présenter: une entrevue par satellite avec Adolf Hitler, ancien dictateur de l’Allemagne, que nous avons joint dans sa maison de retraite au Brésil. Monsieur Hitler, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation.
_ Tout le plaisir est pour moi, Marie.
_ Monsieur Hitler, le film Saving Private Ryan, qui traite du Débarquement de 1944, a remporté l’Oscar du Meilleur réalisateur il y a deux semaines. L’avez-vous vu?
_ Oui, oui, un de mes amis m’a procuré une vidéocassette. Vous savez, je ne suis plus très jeune, alors je vais moins au cinéma qu’avant. En plus, j’ai des problèmes de santé…
_ Pas trop graves, j’espère?
_ Non, non, un peu d’arthrite dans les genoux. Je me suis aussi cassé une hanche en tombant, il y a quelques mois. Et j’ai des problèmes de concentration…
_ De camps de concentration? (Rires du public)
_ Ha! Ha! Elle est bien bonne… Oui, j’ai vu le film de Spielberg, et je l’ai beaucoup aimé. Moins que Schindler’s List, par contre, qui m’a profondément bouleversé. Vous savez, Marie, au cours des dernières années, j’ai eu le temps de réfléchir sur mes actions, j’ai aussi beaucoup regardé la télé _ en particulier le réseau A & E, qui passe de nombreux documentaires sur la Deuxième Guerre _, et je me suis rendu compte de tout le mal que j’ai fait autour de moi. Cette prise de conscience m’a fait terriblement souffrir, mais elle m’a aussi libéré, et m’a permis de devenir un homme meilleur. J’ai d’ailleurs commencé à écrire mes mémoires. Je vais dédier ce livre aux victimes de l’Holocauste, à qui je verserai tous mes profits. Les studios Universal viennent d’ailleurs d’en acquérir les droits, afin d’en faire une adaptation cinématographique.
_ Ah oui? Qui va interpréter votre rôle?
_ Pour l’instant, rien n’est sûr, mais mon agent m’a dit qu’Anthony Hopkins serait intéressé. On parle aussi de Leonardo Di Caprio pour me jouer jeune.
_ Ah, car il sera aussi question de votre jeunesse?
_ Absolument! Cette période de ma vie est capitale si l’on veut bien comprendre mon cheminement. C’est là que tout a basculé. Peu d’historiens le savent, mais j’ai été battu par mon beau-père dans mon enfance… (Cris d’indignation dans la salle) Mais je lui pardonne; ce n’était pas un mauvais bougre. Il était victime de son alcoolisme. Vous savez, Marie, s’il y a une chose que j’ai apprise, c’est qu’il faut arrêter de juger les gens. Aucun individu n’est fondamentalement bon ou mauvais: certains n’ont juste pas eu la possibilité d’exprimer les aspects positifs de leur personnalité, c’est tout. Mon psy appelle ça la régression analytique… Enfin, le film va fouiller tout ça. J’ai lu le script, et il est extraordinaire. Elton John a accepté de composer la musique.
_ Et comment passez-vous vos journées?
_ Bof, un petit peu de lecture, un petit peu de jardinage. J’ai aussi commencé à cuisiner: des blinis aux bleuets, que je distribue aux enfants du village. Ils adorent ça!
_ D’ailleurs, ceux qui veulent la recette n’ont qu’à se rendre sur notre site Internet, http://www.heureh.com/adolf. Eh bien, merci monsieur Hitler d’avoir répondu aussi candidement à nos questions, et nous vous souhaitons bonne chance dans vos futurs projets. Vous nous promettez de venir nous voir lorsque le film sortira en salle?
_ Oui, oui, je n’y manquerai pas!
_ Après la pause, les dangers de l’électrolyse avec Lise Watier.»