Ondes de choc

eXisTenZialiste

«Long Live the New Flesh!»
_ James Woods, à la fin du film Videodrome

Il y a quelques semaines, au lendemain de la mort de Stanley Kubrick, j’écrivais que le cinéma était devenu un art pépère, de moins en moins stimulant intellectuellement. Heureusement, la réalité n’est pas si noire. Il reste toujours quelques ovnis pour illuminer l’obscurité ambiante.
Je pense à eXisTenZ, par exemple, le dernier film de David Cronenberg. Sous ses airs de «science-fiction de série B», ce film brillant (qui raconte les aventures d’une conceptrice de jeux vidéo perdue dans un de ses univers virtuels) pose d’excellentes questions sur les rapports que nous entretenons avec les nouvelles technologies.

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Ce qui est fascinant, avec Cronenberg, c’est qu’il a les deux pieds dans son époque. Il n’analyse pas le présent à la lumière de ce qui s’est dit ou de ce qui s’est écrit au XIXe siècle, comme Alain Finkielkraut, par exemple. Il ne jette pas un regard méprisant sur son temps; il ne dit pas que le monde s’est arrêté de tourner le 13 octobre 1875, à 13 h 12. Il est fasciné par son époque: il la questionne, l’analyse, la scrute à la loupe.

Ça ne veut pas dire que David Cronenberg embrasse tout ce qui se fait aujourd’hui: il n’y a que les aveugles _ ou les ex-maoïstes convertis en adeptes de Tocqueville _ qui acceptent ou qui rejettent tout en bloc. Le cinéaste ne voue pas un culte au microprocesseur, et ne prie pas à l’autel de la biotechnologie. Mais quand le XXIe siècle frappe à sa porte, il ne se bouche pas les oreilles et ne refuse pas la conversation.

Pour lui, le présent n’est pas qu’une simple répétition du passé: c’est un avant-goût de l’avenir. Il n’envisage pas le temps comme une boucle, mais comme une série de mutations.

Prenons la musique techno, par exemple. Pour Cronenberg, la musique techno n’est pas du rock (ou du classique) joué sur des synthés: c’est de la musique techno _ avec ses règles propres, son langage, sa logique. On ne peut la comprendre que si on l’écoute avec des «oreilles neuves». Ce sont les textes de Brian Eno qu’il faut lire si l’on veut mieux connaître cette musique inédite, pas les exégèses d’un contemporain de Bach.

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De quoi traite le nouveau film de Cronenberg? De plusieurs sujets: des liens de plus en plus étroits qui unissent la réalité et la fiction, de la place de l’artiste dans la société, de la montée de l’intégrisme moral, de la mainmise du commerce sur l’art…

Cronenberg parle aussi des tenants du «naturel à tout prix». Pour lui, ce sont des idéalistes complètement déconnectés de la réalité. Pourquoi? Parce que la nature, comme on l’entendait naguère, n’existe plus.

Avant, il fallait baiser pour procréer; plus maintenant. La pilule a permis de «stériliser» le sexe, alors que les nouvelles technologies ont permis de «désexualiser» la procréation. On contrôle les cycles de la dépression avec le lithium, on sauve des vies humaines en greffant des organes, on neutralise les maladies cardiaques en branchant des défibrillateurs et des pacemakers, on élimine des virus à l’aide de vaccins synthétiques…

C’est parce que nous avons réussi à transformer _ et à contrôler _ la nature que nous vivons mieux et plus longtemps; pas parce que nous nous sommes soumis à ses lois!

On parle beaucoup de clonage, de manipulation génétique et d’aliments transgéniques par les temps qui courent _ la plupart du temps, en adoptant un point de vue alarmiste. Mais que dire des avantages de telles techniques?
La révolution biotechnologique pourrait améliorer substantiellement notre qualité de vie. On pourrait pallier les problèmes d’approvisionnement en organes en «faisant pousser» des reins et des foies, allonger la vie humaine, éliminer les maladies transmises génétiquement, créer des aliments plus nutritifs, que sais-je encore.

Après tout, l’électricité n’a pas donné que la chaise électrique!
Malheureusement, là encore, on adopte toujours un discours extrémiste: d’un côté, les accros du progrès qui acceptent tout sans rien critiquer; de l’autre, les nostalgiques humanistes qui prônent l’interdiction absolue.
Et comme toujours, la vérité se situe entre les deux. Pas dans l’acceptation globale ni dans le refus global, mais dans le doute, la prudence et, surtout, l’encadrement juridique.

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Vous avez vu le film de Cronenberg? Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez. Rendez-vous dans le cyberespace (http://www.voir.ca), on poursuit la conversation…