Ondes de choc

L’arbre et la forêt

Je veux vous parler des gants de Lorraine. Mais, avant, quelques mots sur la bite de Bill.

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Plusieurs livres viennent d’être publiés sur Clinton et le Zippergate: Uncovering Clinton, de Michael Isikoff, le journaliste du Newsweek qui a, le premier, dévoilé toute l’histoire; All Too Human, l’autobiographie de George Stephanopoulos, l’ex-conseiller du président…
Mais le plus intéressant est sans aucun doute No One Left to Lie To: The Triangulations of William Jefferson Clinton, de Christopher Hitchens, publié chez Verso.

Hitchens, collaborateur aux magazines Vanity Fair et The Nation, est un journaliste de gauche. Il y a quelques années, il a signé un livre-choc dénonçant les liens qui unissaient mère Teresa et l’extrême droite (The Missionary Position: Mother Teresa in Theory and Practice). Dans son plus récent bouquin, une bombe compacte de 120 pages, Hitchens dévoile l’hypocrisie et la corruption de l’administration Clinton.
Selon lui, Clinton est l’un des pires présidents de l’histoire des États-Unis. Pas parce qu’il baise tout ce qui bouge _ mais parce qu’il est prêt à coucher avec n’importe qui pour garder le pouvoir. C’est ainsi que pour séduire la droite américaine, il a démantelé le système d’aide sociale _ un geste que même Reagan avait refusé de poser. La proposition de Clinton? Refuser toute aide gouvernementale aux mères assistées sociales qui ne peuvent identifier (ou ne veulent identifier) le père de leurs enfants. Tu es célibataire et tu tombes enceinte? Paf, on te coupe l’aide sociale! Tu n’avais qu’à faire attention…

Cette politique sauvage est proprement dégueulasse, dit Christopher Hitchens. Malheureusement, personne _ ou presque _ n’en a parlé. On était trop intéressé à scruter son zizi à la loupe…

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Pour Hitchens, le zizi de Clinton, c’est l’arbre qui masque la forêt. Pendant qu’on le regarde, on ne voit pas ce que fait son maître…

Prenez la déposition de Monica Lewinsky, par exemple. Monica a dit qu’elle avait «visité» le président Clinton le 19 février 1996. Pendant sa «visite», le président a eu une longue discussion téléphonique avec «un certain monsieur Fanuli». Tout le monde s’est demandé si la stagiaire avait ou non sucé le président ce jour-là. Mais personne ne s’est posé de questions quant au mystérieux monsieur Fanuli…

Or, Hitchens a fait sa petite enquête. Le Fanuli en question s’appelle Fanjul, Alfonso Fanjul; et Bill Clinton lui a parlé pendant vingt-deux minutes très exactement.
Qui est Fanjul? C’est l’un des plus importants cultivateurs de canne à sucre aux États-Unis. Descendant d’un proche du dictateur Batista, cet industriel sans foi ni loi a été poursuivi pour avoir déversé une quantité record de phosphate dans les marais des Everglades. On l’a aussi accusé d’avoir maltraité des ouvriers noirs en république Dominicaine; d’avoir fait des contributions illégales à des partis politiques, et d’avoir refusé d’embaucher des membres des minorités visibles. Ah oui, Fanjul (qui, en passant, reçoit 65 millions de dollars de subventions par année) a aussi organisé un souper-bénéfice en l’honneur de Bill Clinton, soirée à laquelle assistait un gangster notoire.

Fanjul n’est pas seulement l’un des plus gros pollueurs de Floride; c’est l’un des principaux financiers d’Al Gore, «l’ami des écolos». Cet homme a pu converser pendant une demi-heure avec le président des États-Unis, sans aucun problème. Il téléphone à la Maison-Blanche, et on le transfère tout de suite au bureau du chef!

«Il est là, le vrai scandale, dit Hitchens. C’est sur des choses comme celles-là que les médias devraient enquêter, pas sur la vie sexuelle du président!» Malheureusement, il semble que les médias soient plus enclins à discuter de la bite de Bill que de ses bills…

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Pourquoi je vous parle de tout ça? Qu’est-ce que le livre de Hitchens a à voir avec Lorraine Pagé? Rien. Ou plutôt: tout.

La présidente de la CEQ vole des gants, c’est le branle-bas de combat. La présidente de la CEQ propose que l’échelle salariale des profs ne tienne désormais plus compte de leur niveau de scolarité, tout le monde s’en sacre.
C’est comme Gilbert Rozon. Tout le monde parle de son zizi. Mais personne ne se demande comment il a pu obtenir des millions et des millions de dollars de subventions, pour un projet de musée qui ne tenait pas debout deux secondes.
On n’en a plus que pour les histoires de cul ou de vol à l’étalage. Les vrais scandales nous passent dix pieds par-dessus la tête.

On est tellement fasciné par les zizis qu’on ne remarque même pas qu’on est en train de se faire fourrer…